- Il fait si froid, murmura Nicolas en soufflant sur ses doigts.
Les trains ne marchaient plus. Et quand bien même il en aurait attrapé un, le danger était bien trop grand qu'il se retrouve dans le même moyen de locomotion que l'un de ses poursuivants. Il restait la voiture, mais il n'en avait pu trouver une et pour traverser l'Oural, il préférait le traîneau, plus passe-partout. Alors il avait acheté à prix d'or un cheval et un traîneau, des fourrures, des vivres et de quoi faire des feux. Il avait cousu quelques pièces d'or dans la doublure de son manteau. Puis, il s'était dépêché de partir. Passer l'Oural. On verrait à Iekarerinbourg si la voiture pouvait se montrer plus sûre.
Le vent sifflait plus fort et balayait la neige retenue entre les branches des arbres. Des courants glacials passaient entre les interstices du manteau du jeune prince et lui procuraient de terribles frissons. Deux jours avaient passé depuis cette nuit blanche où il avait fui Moscou. Deux jours durant lesquels il n'avait pris aucun repos car la difficulté de son départ l'avait assez mis en garde sur le danger qu'il courait. Des rondes de soldats circulaient un peu partout. Des voitures stationnaient dans les rues. Treskovitch avait déjà lancé le grand jeu. Mais le traîneau passa presque inaperçu.
Par chance, le froid maintenait le jeune homme éveillé. Mais la fatigue reprenait ses droits et les paupières se faisaient lourdes, lourdes...
- Tiens encore un peu, Nicoloushka. Il y a un village non loin d'ici où tu trouveras peut-être un lit chaud et confortable. Chaud, surtout.
On savait où il allait. On devinait qu'il était parti. Des sbires sillonnaient la Russie. Mais toute méfiance était endormie par cette puissante fatigue. Les bois se découvrirent pour laisser place au village. Et l'unique auberge du lieu, miteuse et sale, l'accueillit sans plus tarder. Il s'écroula sur une méchante paillasse dans un lourd sommeil réparateur. Sans rêve.
Hélas ! À son réveil, une mauvaise surprise l'attendait.
- Vous devriez partir, monsieur ! J'ai demandé à tous les clients de filer sans plus tarder et vous êtes le dernier.
- Que se passe-t-il ? S'étonna immédiatement le jeune homme en saisissant le pistolet dessous son oreiller.
- Des hommes sont là qui viennent de tuer un client. Ils disaient que c'était un blanc, mais nous savions bien, nous, qu'ils se méprenaient. Après avoir compris leur erreur, ils ont voulu fouiller l'auberge. Des gars du village les retiennent. Dépêchez-vous ! Fuyez !
L'adrénaline le réveilla tout à fait. Il sauta à bas de son lit et récupéra d'une main adroite le sac qui contenait ses affaires. Il s'était endormi tout habillé, avec ses bottes encore. En dévalant l'escalier à toute vitesse, il eut le temps de voir les visages des tueurs. Et l'un d'eux le marqua à tel point qu'il parut recevoir un coup et s'arrêta net. L'aubergiste le poussa vers la porte de sortie. Le jeune prince sauta dans son traîneau et fit claquer son fouet.
Greskov.
- C'est lui ! S'écria une voix qu'il ne connaissait que trop bien. C'est lui le blanc ! Le prince Odov !
Les hommes parvinrent alors à se libérer de la poigne des villageois, sans doute parce que ces derniers trop surpris par ces cris s'étaient laissé effrayer. Et Nicolas comprit qu'on allait le prendre en chasse.
Inquiet, il fit accélérer son cheval mais il entendit derrière lui un coup de feu et la balle passa si près de son crâne qu'il prit peur. Il se retourna subitement et s'apperçut que ses poursuivants le talonnaient de près. En quelques mouvements, il plaça son sac derrière lui pour lui former un rempart et donna un large coup de fouet à sa monture. Le traîneau fit un bond et accéléra encore.
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Le Prince russe
Historical Fiction1917 - La Russie se meurt. "Nicolas n'était pas communiste, mais cavalier seul. Nicolas n'avait pas de principes, mais une flamme d'amour et de haine qui brûlait en lui. Nicolas ne voulait pas le pouvoir, mais la satisfaction d'avoir réussi." Et Nic...