XIII - Jumeaux

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- Il est étrange de voir quelqu'un qui me ressemble autant.

- Est-ce une coïncidence ?

- Possible, mais j'aurais voulu m'en rassurer !

Natacha écoutait les deux amis discuter sur le chemin en sentant sa curiosité être piquée également. Elle avait donné aux deux jeunes hommes des vêtements d'ouvriers, parce que malgré leurs habits sobres il valait mieux afficher figure d'ouvrier en ces temps.

- Pour qui est Sergueï, Natacha ? S'enquit Andreï.

- Comme son père et le mien, comme moi... Bolchévique. Mais lui ne doute pas comme moi j'ai pu le faire.

- Bien.

Nicolas observait la rue d'une curiosité insatiable. Il y avait bien longtemps qu'il ne s'était pas promené aussi simplement. Il y avait trois ans, depuis qu'il avait été emprisonné. Et l'atmosphère avait grandement changé. Il y avait quelques bandes d'ouvriers qui battaient le pavé en criant. Il y avait de la saleté et surtout du désordre dans l'air. Tout signe de richesse avait disparu, volé des maisons, mis de côté sur les habits des passants... Moins de fiacres. Du désordre. Les deux aristocrates se sentaient même mal à l'aise dans ce décors. Et ils craignaient sans cesse qu'on ne leur tombe dessus.

- Comment marche un ouvrier ?  Questionna le futur comte dans un sourire amusé à l'oreille de Natacha.

- Eh bien, regarde autour de toi ! Se moqua son amante.

- Si l'on me demande, je suis ouvrier, d'accord ? Mais où... ?

- Avec moi, l'assura la jeune ouvrière. Tu me laisseras parler. Et toi, Nicolas ?

Pour toute réponse, il fit briller entre ses deux doigts l'insigne prouvant son état de soldat. C'était leur couverture, leur moyen de survivre.

Ils parvinrent dans une petite rue tranquille et rejoignirent le dernier étage d'un immeuble.

- C'est ici qu'habite Sergueï, annonça Natacha. Je vais vous laisser, si vous le voulez bien.

- Pourquoi ?

- Je ne l'aime pas, cracha-t-elle.

Il y avait de quoi la comprendre. Il était le fils de la prostituée avec laquelle son père trompait sa mère...  Mais les deux amis ne s'en formalisèrent pas et frappèrent.

- Sera-t-il là ? Murmura Nicolas le cœur battant.

La porte s'ouvrit.

- J'étais sûr que vous reviendrez, dit-il simplement. Entrez.

Ils passèrent au salon.

- Est-ce que tu vas mieux, Nicolas ?

- Mieux. J'ai encore quelques malaises et mon épaule me fait toujours mal. Mais ça va mieux.

- Vous êtes toujours chez le comte ? Demanda encore Sergueï.

- Il... Il a été arrêté, révéla Andreï avec hésitation.

Mais une idée lui traversa l'esprit et il sentit son cœur s'accélérer.

- C'était toi ? C'est toi qui a donné l'adresse de notre maison pour que mon père soit arrêté ?

Sergueï baissa le regard et sourit.

- Tu devrais savoir que tu as pris un risque...

- Et maintenant ? Reprit le futur comte. Tu ne vas pas nous faire arrêter, j'espère !

- Je suis curieux. Moi aussi, je m'étonne de cet hasard. Yougavitch...

- Il y a autre chose qui me fait croire, ce que je n'ose prononcer, intervint Nicolas. Quand j'étais petit, et que je demandais pourquoi je n'avais pas de frères ou de sœurs, ma mère me répondait souvent que c'était parce qu'elle était stérile. Je pense que si elle avait vécu plus longtemps, elle m'aurait révélé son secret.

Le Prince russeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant