VII - Amis

103 18 22
                                    

- C'est moi.

- Vous êtes revenu, finalement. Encore.

- Je ne comprends plus rien... Si vous pouviez m'expliquer...?

- Je vous aurais bien dit d'entrer, mais...

Natacha jeta un regard éloquent aux riches vêtements d'Andreï. Il parut gêné et ferma machinalement les pans de son manteau, ce qui fit rire la jeune fille.

- Mais suivez-moi, ordonna-t-elle en tournant à droite dans une rue du centre-ville. Vous avez besoin de parler, n'est-ce pas ?

- Je... Je crois oui.

Ils s'arrêtèrent sur la terrasse d'un café. D'abord silencieux, ils s'observèrent d'un air embarrassé. Puis Andreï se racla la gorge :

- Bien. Pourquoi est-ce qu'on nous en veut ?

- Dites-moi... Avez-vous mangé à votre faim durant votre enfance ?

- Euh... Oui.

- Avez-vous eu froid ?

- Parfois...

- Avez-vous fait de grandes études brillantes qui vous ont assurés un avenir confortable ?

- Non. Enfin, presque.

- Alors, vous reprendrez les affaires de votre père, n'est-ce pas ?

- C'est ce qu'il veut, oui.

- Voilà pourquoi on vous en veut. Parce que vous avez la vie facile et que nous trouvons cela injuste.

- La vie facile ? Mais... Non ! Je n'ai jamais eu la vie facile.

- Ah bon ? S'étonna-t-elle en levant un sourcils ironique.

- Vous parlez de bonheurs matériels, mais moi je voudrais autre chose ! On a tué ma mère, dans mon enfance. Mon père n'est jamais là parce qu'il a consacré sa vie à ses affaires. Quand il m'adresse la parole, c'est uniquement pour me réprimander. Et vous savez quoi ? J'aime qu'il me gronde, parce qu'ainsi j'entends sa voix. Alors, j'ai accumulé les bêtises. Mais cela n'a fait que me rendre plus malheureux. J'ai l'impression d'être un bon à rien. Je passe mes soirées dans des lieux douteux. Je me saoule, j'oublie. Je me perds. Et je ne suis pas aimé. Je n'ai pas d'amis. Je n'ai jamais eu d'amis. Sauf un.

- Un ?

- Nicolas Yougavitch Odov.

- Qui est-ce ?

- Le prince Odov. Mais... Il... Il a disparu, il y a deux ans.

- C'est bizarre... Je n'en ai jamais entendu parler.

- Et cet homme est prince, vous savez. Mais lui, c'est peut-être pire que moi. Il a vécu des événements qui le traumatisent et le font encore cauchemarder. La richesse, ça ne veut rien dire.

Natacha prit un air mutin pour sussurer alors :

- Mais... Partagez votre fortune ! Vous en serez peut-être plus heureux.

Andreï eut l'air troublé :

- Nous donnons la charité, déjà.

- Ce n'est pas la charité qui a jamais changé l'équilibre des fortunes.

- Pourquoi vouloir être riches ?

- Pour manger à sa faim, avoir chaud, travailler moins durement peut-être.

- Et qui fera le travail difficile ?

- Vous.

- Ce n'est pas un peu orgueilleux, comme paroles ?

Le Prince russeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant