XII - Réflexions

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- Et maintenant ?

- Maintenant... Murmura Andreï rêveur. L'aube est là. Maintenant, l'aube est là.

Nicolas lui jeta un regard dérouté, mais sans répondre. Il souffla doucement en faisant apparaître un petit nuage glacée.

- Maintenant, où vas-t-on ? Répéta-t-il laconiquement.

- Je ne sais pas... Au gré de nos envies et des aléas du Destin.

Cette fois, le jeune prince s'immobilisa tout à fait, pour tourner en boucle cette phrase et tenter de la comprendre. Il secoua la tête, comme un chien qui s'ébroue, et lâcha du même ton détaché :

- Je ne te savais pas poète.

Petit air pensif, la tête penchée sur le côté droit...

- Mais moi, je suis pratique. Il nous faut un abri. En qui pourrions-nous avoir une totale confiance ?

- En l'Amour... Rêva encore Andreï.

- Tu sais que tu peux être parfois sur une autre planète ?

- C'était pratique pourtant. Je te proposais d'aller rejoindre Natacha.

- Je ne l'ai pas vu comme cela, rit Nicolas.

- Viens.

La jeune ouvrière eut l'air surpris en voyant réapparaître son amant, qui venait de la quitter, accompagné d'un inconnu. Mais elle les fit entrer sans tarder.

- Je suppose que ça y est ? S'enquit-elle. Les rouges ont trouvé la maison de ton père, Andreï ?

- Oui. Nicolas est l'ami dont je t'avais parlé. Le prince Nicolas.

- Tu sais, ces titres, cela ne m'impressionne pas plus que cela. Au contraire.

Troublé, le jeune prince observa l'appartement et l'allure de la jeune fille. Il ressentit une immense gêne en sa présence.

- Tu es bolchévique, c'est bien cela ?

- En fait, mon père l'est. C'est...

Elle hésita.

- C'est même quelqu'un d'assez important chez les bolchéviques. Hum... L'un des membres les plus influents du parti, ami proche de Trotski.

- Ah.

- Mais moi, je l'ai été. Et la rencontre avec Andreï a... M'a fait douter.

- Alors maintenant, ajouta encore Nicolas curieux. Pour qui es-tu ?

- Pour personne. Pour ceux que j'aime. Mon père dit que les femmes ont également le droit de jouer un rôle politique et social, et se le doivent même. Mais moi, je voudrais juste vivre ma vie, sans me préoccuper de tout ce tourbillon qui m'affole.

- Et les blancs ?

Elle lui jeta un regard étrange, tout en les invitant à s'asseoir dans le salon.

- Vous ? Tu ne crois pas qu'il y a des choses qui doivent changer ?

- Est-ce que tu me dénonceras ?

- Non, tu es l'ami d'Andreï.

- Et si je ne l'avais pas été ?

- Eh bien peut-être.

- Pourquoi ?

- Parce que tu es blanc.

- Et alors ?

- On en veut au bonheur que vous avez vécu, là où nous avons tant souffert. On veut détruire le pouvoir que vous pouvez encore garder. On veut détruire aussi le symbole que vous représenter.

Le Prince russeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant