XV - Camp

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"Nicolas, méfie-toi du comte Treskovitch. Je ne sais pas dans quelle époque tu vivras, mais comprends bien ces mots : tout est une question de pouvoir. Je frémis, rien que d'y penser. Mais lui ne lâchera jamais. Il a porté tous ses espoirs en moi, m'a tout donné. J'ai cru pouvoir refuser, mais j'en savais trop. Beaucoup trop. L'amitié s'était déjà éteinte depuis longtemps. Ce n'est pas pour ses propres profits que l'on crée une amitié. Étudie les documents joints avec cette lettre. Certains ont de quoi venir à bout du monstre que tu combattras.

S'il nous a tué, tu dois penser à te venger, n'est-ce pas ? Ce n'est plus une question de vengeance, Nicolas, mais de survie. Il sait que tu sais, et tu en deviens dangereux.

Nous t'aimerons toujours, quoi qu'il arrive, et permets-moi de signer une fois de plus,

Ton père,
Alexandre Gregorili Odov."

***

- Je suis le prince Odov. Enchanté de vous connaître monsieur Darienine, annonçait Nicolas avec son petit sourire habituel.

- Vous êtes joueur... Que me cachez-vous ?

- Je suis un mystère pour moi-même. Mais l'histoire est longue. Alors que choisissez-vous ? Me mettez-vous directement aux fers ou me laisserez-vous parler ?

Darienine fit un geste bref à l'un de ses amis présents qui ferma immédiatement l'unique porte de la pièce. Puis il invita les deux jeunes frères à s'asseoir. Sergueï, troublé, fixait son protégé d'un regard où perçait la surprise. Jusqu'où comptait-il jouer ainsi ?

- Mais suis-je vraiment le prince Odov ? Ajouta Nicolas d'une voix teintée d'amertume.

Son récit captiva les quelques personnes présentes. Sa voix chaude et douce transportait son auditoire dans chacune de ses péripéties. Mais pour couronner ce feu allumé dans la pièce, il fallait des mots forts. Et Nicolas, parfait acteur, finit par se lever pour annoncer fermement :

- Tuerez-vous également un prince qui se sent communiste ? Tuerez-vous également votre propre fils ?

Un silence accueillit ses paroles. Darienine s'approcha doucement du jeune homme et vint lui caresser la joue :

- Vous vous ressemblez tellement avec Sergueï.

Nicolas sentait son cœur battre trop fort. Il s'était livré aux communistes, presque démuni comme un enfant. Il avait joué. Mais il aimait jouer. Seconde d'incertitude... Seconde à bascule.

- Mais je ne te connais pas, mon enfant. Je n'ai aucun sentiment pour toi.

Nicolas sentit qu'on lui attrapait le bras. Il banda le muscle.

- Quand donc cesserez-vous, maudits aristocrates, de rechercher toujours le pouvoir ?

Et le pire était que le jeune prince ne pouvait que donner raison à ces paroles. On le fit sortir. Sortie de scène.

Le Prince russeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant