Il y avait Moscou. Et les frissons de terreur enveloppèrent Nicolas comme un manteau. Il observait son amante du coin de l'œil. Depuis le début du voyage et leur douloureuse altercation, Aïsha s'était enfermé dans un mutisme curieux. Elle s'était doucement laissée emportée, sans chercher à analyser précisément ce qui lui arrivait. Son regard rêveur glissait sur les choses sans les voir. Mais Moscou amenait un peu d'animation dans ses traits. Et Nicolas, ravi, la vit esquisser un faible sourire.
- Tu es heureuse, Aïsha.
Non, il se méprenait sur ses sentiments. Elle n'éprouvait qu'une curieuse excitation qui pouvait simplement se comprendre par l'agitation de la ville. Et ses regards furtifs notaient avec étonnement la pauvreté soudaine des alentours de la capitale.
- Nous sommes en sûreté, Nicolas ?
La question n'aurait pu être que rhétorique, mais la soudaine nervosité du jeune prince dévia son but premier.
- Tu crains quelque chose ?
- Je... J'ai quelques ennemis, Aïsha.
Et comme elle se détournait vers la fenêtre avec cette mimique ironique particulièrement blessante qui lui était coutumière depuis quelques temps, il reprit dans une hésitation :
- Est-ce que tu m'aimes ?
Il inspira.
- Je me suis battu pour toi ces dernières années. Il n'y avait que ton souvenir pour réchauffer mon cœur, Aïsha. Au fond de moi, je suis le même que dans mon enfance. Mais un vernis épais de rancœur et de violence recouvrent mes anciennes vertus. Les vernis craquent, Aïsha. Et moi je t'aime toujours d'un amour infaillible.
- Je sais.
Le jeune homme vit soudain avec terreur le barrage face à eux. Des policiers.
- Moi aussi je t'aime, murmura la jeune fille dans un souffle tandis qu'une autre voix tonitruait dehors...
- Arrêtez-vous !
Un coup de feu retentit et le cœur de Nicolas battit tout d'un coup plus fort.
- Il me faut rentrer dans Moscou ! J'y ai mon notaire et ma fortune. Sans cela, nous sommes à la rue, sans rien.
Et il appuya frénétiquement sur la pédale de l'accélérateur. Trois hommes armés face à lui, et une barricade. Nicolas avait le visage en feu. Il se concentra sur la route, Aïsha attrapa sa main et la serra très fort. On entendit rugir le formidable vrombissement du moteur et la voiture parut faire un bond en avant.
Aïsha étouffa un cri et écrasa nerveusement les doigts du jeune prince.
Une balle vint frapper contre la vitre et la fit éclater. Mais les deux jeunes gens avaient eu le réflexe de se protéger la figure. On n'entendait plus les voix au-dehors, seulement les cœurs qui battaient. Et la voiture parut sauter au-dessus de la barricade qui se renversa.
- Nicolas... Ils nous suivent...
Deux cavaliers venaient de les prendre en chasse et les rattrapaient peu à peu.
- Les rues de Moscou, souffla le jeune prince.
Les passants s'écartaient précipitamment. Quelques étalages trop près de la route se renversaient. Et Nicolas écrasait violemment la pédale de l'accélérateur.
- S'ils nous attrapent, s'interrogea la jeune fille, que nous feront-ils ?
- Ils nous tueront.
Comme elle avait l'air surprise, il précisa :
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Le Prince russe
Historical Fiction1917 - La Russie se meurt. "Nicolas n'était pas communiste, mais cavalier seul. Nicolas n'avait pas de principes, mais une flamme d'amour et de haine qui brûlait en lui. Nicolas ne voulait pas le pouvoir, mais la satisfaction d'avoir réussi." Et Nic...