XXII - Sauveurs

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Quand Nicolas se réveilla, il n'avait plus faim. Il n'avait plus froid. Et le paysage avait changé.

Il se trouvait allongé dans son traîneau, bien plus bas que l'endroit où il avait chuté. À cet endroit, la neige était plus fine, boueuse et sale. Les prairies rocailleuses et désertes qui habitaient le sommet des montagnes avaient laissé leur place à des bois épais.

Ce phénomène étrange réveilla dans l'instant le jeune prince qui se leva d'un coup. Il souleva la couverture dans son dos et découvrit avec stupeur une grosse miche de pain. Il n'y avait personne autour de lui, et rien d'autre que le bruit des torrents de cette saison.

- Ma boussole ! Et la carte ! Qu'est-ce que je fais ici !

Il comprit rapidement qu'il n'était plus très loin de Iekarerinbourg, comme s'il avait avancé dans son inconscient d'une journée de marche. Et rien, personne autour !

Au-dessus de lui, le ciel déchirait de gros nuages noirs pour laisser passer un rayon chaud et doré. Nicolas sourit et sentit son cœur faire un bond de fierté.

- C'est Dieu. Je suis protégé par le ciel.

Et il donna ordre à son cheval de reprendre la route sans plus tarder, s'ennorgueillissant intérieurement de cette aventure. Mais tout à ses pensées, il ne vit pas l'ombre épaisse et grande d'un ermite qui s'échappait entre deux rochers. Dieu peut-être, mais par la main de l'homme. On lui avait sauvé la vie. Sa misérable vie.

Iekarerinbourg marqua une nouvelle étape dans son voyage. Il put échanger son traîneau contre une voiture et racheter des vivres. Narquois, il vint s'arrêter dans l'hôtel le plus luxueux de la ville et choisit la suite royale. Pourquoi ne pas profiter de ses immenses richesses ? Le lit moelleux et les mets délicats lui firent oublier son imprudence.

C'était une chose qu'il découvrait, à mesure que les épreuves passaient. Il se sentait attiré vers le danger comme un aimant. Absolument fasciné par tout ce qui pouvait le tuer. Pourquoi ?

Les membres en étoile, allongé sur le lit, il ferma les yeux et sourit.

Le danger faisait battre son cœur plus vite. Peut-être même que la mort le tentait... Il n'y avait qu'Aïsha pour le rattacher à la vie. Et Nicolas avait tellement vécu, déjà, qu'il se demandait ce qu'on pouvait lui faire de pire encore.

- Comment vous nommez-vous monsieur ? C'est pour le registre de l'hôtel.

- Nicolas Yougavitch Odov. Le prince Odov.

Mais avant de s'endormir, il coinça sa porte avec un meuble épais et lourd et s'assura qu'arriver par sa fenêtre ne se pouvait pas. La nuit vint le cueillir. Il savait, amusé, que le réveil serait vif. Alors, il avait gardé tous ses habits sur lui. Et son oreiller reposait sur son pistolet et ses munitions.

Bam !

La porte s'ébranla. Nicolas se réveilla en sursaut et fut sur ses pieds en quelques instants, son arme à la main. Six heures et demi. Il était tôt. Mais ses poursuivants avaient mis plus de temps qu'il ne se l'était imaginé.

Bam !

Déjà, la porte se fissura. Le meuble tenait bon. Le jeune prince ouvrit la fenêtre en coup de vent et grimpa sur la gouttière.

Bam !

La porte éclata. Le meuble vola à un mètre de sa position. Et deux hommes apparurent. Nicolas sauta dans le vide.

- Tuez-le !

Une balle manqua de le toucher. Le jeune homme comprit dans une grimace que d'autres sbires attendaient en bas. Et il ne se trouvait pas dans une position très sympathique, là... Une main accrochée à la gouttière, le corps pendant dans le vide à trois mètres du sol, et les balles autour. Mais il ne pouvait pas rester immobile, alors il sauta jusqu'à la corniche suivante. Son bras reçut une large égratignure brûlante, mais il n'y prit pas garde. Et il sauta encore, cette fois jusqu'au sol.

Le Prince russeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant