XVII - Andreï

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Quelques semaines plus tôt... Peu après l'emprisonnement de Nicolas.

Andreï était introduit chez Trotski pour lui porter sa requête. Ce jour-là, Staline s'y trouvait également et il put suivre l'entretien dans les moindres détails.

- Mon fiancé est ouvrier avec moi, expliquait Natacha. Mais il a longtemps travaillé directement sous les ordres du comte Treskovitch.

- Ne peut-il pas parler lui-même ?  S'énerva Trotski. C'est ton père,  Natacha, Darienine, qui m'a assuré que l'on pouvait lui faire confiance ?

- Ou... Oui. Hésita-t-elle troublée.

- Bien, comment t'appelles-tu ?

- Andreï Kestrovitch.

- Et quel serait notre intérêt pour libérer le comte ?

- C'est pour cette raison que j'ai jugé bon de venir. Je connais plutôt bien le comte, et le sait prêt à tout. Il connaît toute la haute aristocratie sur le bout des doigts et, pour peu qu'il y trouve son intérêt, il serait prêt à vous guider. Dans cette guerre entre blanc et rouge, il pourait être un atout puissant.

- On le dit également plutôt manipulateur que manipulé. Qui nous dit que sa mise en liberté ne se retournera pas contre nous ? Rétorquait Trotski.

- Vous le craignez donc ? Ironisa Andreï.

- Je peux me montrer prudent.

- Et quand la prudence vous a-t-elle réussi ?

- Faites la différence entre décision audacieuse et décision irraisonnée. Il est bon de prendre des risques, mais il est mieux de connaître le mieux possible la situation dans laquelle on s'engage. Je voudrais mieux connaître le comte, donc. Vous le connaissiez bien ? N'avait-il pas un fils ?

Andreï prit un air troublé et ne sut quoi répondre. Mais Natacha vola à son secours :

- Il s'est enfui en France.

- Ne peut-il pas répondre lui-même ? Répéta encore Trotski avec agacement.

- C'est que je ne le savais pas, expliqua Andreï. Je ne me suis jamais intéressé à son fils, quand Natacha a toujours été plus ou moins son amie.

- Et comment s'appelait-il déjà ?

- Paul.

La réponse avait été précipitée et maladroite. Elle fit sursauter le bolchévique. Mais il poursuivit de ce même ton doucereux et trompeur :

- De quel capital dispose-t-il ?

- Ces cinq propriétés ont certainement été pillées maintenant. Mais il avait une fortune assez conséquente. Je ne saurai dire combien exactement, excusez-moi.

Ils discutèrent encore longuement sur le même thème. Andreï tentait de prendre de l'assurance et répondait en cachant à demi la vérité quand cela le touchait de trop près. Trotski devinait doucement qu'il y avait anguille sous roche et commençait à se méfier. Staline souriait en retenant bien chaque détail de cette conversation. Et Natacha observait tout...

"Je ne sais pas à quoi m'attendre... Ces loups méditent certainement en silence quelque pensée secrète et mon Andreï est trop naïf pour eux."

- Une dernière question, monsieur Andreï Kestrovitch. Pourquoi m'avoir menti au sujet du fils du comte ?

Intérieurement, le jeune homme s'affola. Mais il plissa des yeux et sourit doucement :

- Menti ? Ou vous êtes mal renseigné, monsieur Trotski.

- Je suis parfaitement bien renseigné. Je sais que son fils se nomme Andreï Vassili Treskovitch. Pourquoi m'avoir menti à son sujet ?

Le Prince russeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant