XXV - Notaire

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- Tiens, tiens, tiens... Mais ce cher notaire n'est pas seul ! Et Kezanskov, ce loyal ami...

La voix semblait partir des profondeurs de la nuit et se répercuter sur tous les murs. Elle effraya terriblement chacun des hommes présents dans la salle car tous craignaient son propriétaire comme s'il était le diable.

Voilà que le comte Treskovitch venait de faire son entrée.

- Et Nicolas, adorable Nicolas, tendre Nicolas... Tu nous as manqué, tu sais, mon garçon.

Le jeune homme ne réagissait pas et gardait cette posture terriblement neutre. Mais il sentait le piège se refermer doucement autour de lui.

- Et toi, Kezanskov, tu t'apprêtais à te servir de ce jeune homme sans penser à tes anciens amis. Au diable tes dettes ! Tu finiras en prison comme tu le mérites si simplement ! Après tout, Nicolas ne t'a rien fait. C'est à moi, à moi qu'il s'en est pris ! Et j'ai tout perdu ! Mon fils, mon fils même je l'ai perdu ! Perdu !

Ce dernier cri fit sursauter le notaire dans son coin.

- Mais ne t'inquiète pas, cher Kezanskov. Je ne renie pas mes amis, moi. Je vais t'aider tout de même dans tes affaires. Et toi Nicolas Yougavitch, tu signeras.

Le jeune prince esquissa un sourire de défi.

- Oh, si ! Tu signeras, reprenait le comte les yeux largement écarquillés par une sorte de folie. Je vais te ruiner. Et tu verras la misère, l'odieuse misère. Tu es détesté, Nicolas Yougavitch. Que feras-tu dans une ville où tu es haï et recherché ? Jusqu'où pourras-tu encore t'abaisser ?

- Je ne signerai pas.

- Évidemment. S'il n'y avait que toi, peut-être aurais-tu déjà cédé. Mais il y a Aïsha, que tu protèges.

Et Treskovitch gifla violemment le jeune homme qui chancela.

- Aïsha, que tu protèges... Mais sais-tu où elle est, ta beauté ? Dans les mains de mes hommes. Dehors. Et si tu ne signes pas, je la tue.

- Je ne vous crois pas.

- Non ?

Le comte leva un sourcil curieux et fit un geste à la brute qui l'accompagnait. La jeune palestinienne entra tout aussitôt, blême, tremblante.

Mais Treskovitch dissimula qu'il l'avait attrapée loin d'ici, près de son ancienne demeure, où logeait désormais les bolchéviques avec Sergueï. Et cette circonstance changeait de beaucoup la donne en réalité car elle supposait encore une nouvelle entrée.

Mais Aïsha apparut, toute frémissante et si belle. Elle voulait faire confiance à son amant mais se trouvait perdue dans de si gros bouleversements. Mais lui, Nicolas, devait comprendre la situation. Il allait l'aider. Elle avait fait ce qu'elle avait pu. C'était à lui de jouer maintenant.

Le prince russe était impuissant. Il cherchait dans son esprit une solution mais ne voyait que des impasses. Et Treskovitch sortit de sa poche un pistolet, tout en attrapant fermement le bras de la jeune fille.

- Il paraît, dit-il négligemment en caressant la crosse de l'arme, que tu as tué Greskov, Nicolas Yougavitch.

- C'était de la légitime défense.

- Cesse de te justifier, cela ne te fait que paraître plus sot.

- Vous n'êtes pas mon père. Je suis majeur.

Le comte frémit.

- Non, je ne suis pas ton père. Mais j'aurais pu. J'aimais ta mère.

- Ma...

Le Prince russeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant