Première nuit

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 Tout me paraissait flou. Les images me parvenaient effacées. Fondues. Pourtant je savais exactement où j'étais. Je me trouvais dans un gigantesque parc d'attractions. Cela me semblait trop réel pour être une hallucination. Je percevais certains détails dont je me souviens encore aujourd'hui malgré l'incertitude que je ressentais. Une fille aux cheveux tressés et au regard éclatant de vivacité. Un ballon rouge qui s'envole loin au-dessus des manèges. Un magasin de chocolat à la façade violette. Ou encore des bulles de savon qui virevoltaient dans les airs au gré du vent.

J'en rêve encore. Oui, des cauchemars de cette nuit me réveillent encore, vingt-deux ans plus tard.

Je voudrais tout oublier. Que ces épreuves s'effacent de mes souvenirs. De ma vie. Mais voilà qu'aujourd'hui, tout recommence. Mais cette fois ci c'est dix fois pire.

Repartons donc vingt-deux ans en arrière.

Il faisait nuit. Les illuminations des manèges éclairaient le ciel sombre. Des lumières de toutes les couleurs possibles et inimaginables. De grandes tours surplombaient le parc, auxquelles étaient suspendues des chaises qui tournaient à toute vitesse ou des avions qui voltigeaient dans les airs. Des odeurs de barbe à papa, de pommes d'amour, de crêpes et de chocolat planaient dans la légère bise. C'en était presque écœurant. Et des cris de terreur et d'euphorie accompagnaient les wagons qui filaient à toute allure le long des rails élevés à plus de trente mètres de hauteur.

Dans ce décor de folie, je me rendais vers de nouvelles attractions toujours plus émouvantes. J'étais allée à un spectacle fantastique. Des acrobates et des danseurs parcouraient la piste de long en large dans une musique classique remixée. Des illuminations rouges dansaient sur l'estrade et sur les artistes qui semblaient avoir répété toute leur vie pour être en pareille concordance. Leur costume scintillaient comme les toges des étoiles et leur regard déterminés rougeoyaient tandis que leur corps mouvaient tel des flammes indomptables. Des braises sur le point de s'enflammer. Je n'aurais pas trouvé mieux pour les décrire.

Désormais j'allais vers un manège à sensations où un wagon était lancé à toute vitesse dans un parcours aux décors de mythologie nordique. Le long de la file d'attente, j'étais seule. Où étaient donc mes amis ? Puis au derniers moment, les voilà qui me rejoignaient. Ils étaient essoufflés et doublaient le peu de personne qui attendaient dans un concert d'excuses en toutes langues et de bêtises.

- Pardon...sorry... Ich liebe dich...

Deux allemands les regardèrent avec de grands yeux. Je pouffai de rire en les entendant déblatérer de pareilles âneries.

Rebecca, une amie du lycée était vêtue d'une robe bleu marine et Gabriel, un camarade de classe, d'une veste en cuir et d'un jean troué. Reby me fixait de ses yeux bleus océan, à moitié dissimulé sous une touffe de cheveux roux. La connaissant, je savais que des tâches de rousseur traversaient son visage. Mais pour un étranger, il aurait été impossible de le deviner dans la pénombre. Quant à Gab, pas évident de croiser son regard fuyant. Cependant, je connaissais ses yeux par cœur. Ils étaient profonds et noirs, comme des charbons luisants. Mais ses cheveux était si blond qu'ils en étaient presque blanc.

-On y va ? demandai-je, un frisson me parcourant l'échine au moment où je comptais grimper dans le wagon.

-C'est parti ! s'écria Rebecca attirant des regards intrigués et fatigués des touristes.

Nous montâmes dans le véhicule et abaissâmes nos barres de sécurité. Puis après une vérification rapide et peu rassurante des employés, le train démarra. Il prit de la hauteur. Dix mètres. Vingt mètres. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine. Et nous nous hissâmes à plus de trente mètres de hauteur ! Enfin, il commença à redescendre tout doucement. Finalement, il accéléra, et prit une descente raide quasi verticale !

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