3/ A vos marques, prêts...

104 17 32
                                    

 Après s'être quittés, Gab et moi nous étions téléphonés aux alentours de vingt-deux heures afin de récapituler ensemble la première manche de ce jeu odieux. Je m'étais frottée les tempes avec le pouce et l'index d'une même main, et Gabriel avait soupiré :

-Donc nous étions cent. Divisés en dix groupes de dix. Et il n'y a que trois gagnant par poule. Ce qui fait un total de trente vainqueurs. Tu me suis? m'avait-il demandé de sa voix légèrement déformée par le portable.

-Oui, jusque-là, oui. Mais nous n'avons aucune information sur le déroulement de la suite des épreuves.

-Ce qui m'inquiète le plus, c'est ce que nous réserve ce monstre.

-En parlant de ça Gab, j'ai une chose à te demander...

Silence. Il avait soupiré de nouveau comme sachant déjà ce que j'avais en tête.

-Retrouvons les autres joueurs, avais-je annoncé.

-Comment? s'était-il exclamé.

-Je pense qu'en cherchant un peu, en fouillant les histoires des autres concurrents, nous pourrions trouver un point commun qui nous permettrait de trouver qui se cache sous le masque du joker.

-C'est donc ton hypothèse ? m'avait-il questionné, plus calme. Que nous avons un élément identique dans notre passé qui nous relie tous à ce personnage ?

-Oui.

-Madame a bien grandi. Elle ne croit plus en la magie ?

J'avais ri. Cela faisait longtemps que je n'avais pas été si détendue. La voix de mon ami avait le don de me calmer, d'apaiser mes sentiments négatifs. Puis j'avais repris plus sérieusement :

-Ecoute-moi, un de mes adversaires n'était autre qu'un jeune du collège de Périaz. Une autre était une célèbre musicienne que j'ai déjà rencontrée ! Quant à la vieille dame qui m'a permis de gagner, elle vit à l'établissement Leblanc !

-Mais... Ces deux lieux se situent à quelques kilomètres du centre-ville !

-Je te propose qu'on aille leur rendre visite demain. Et qu'on fasse des recherches sur Internet.

-Mais... nous avons cours !

-T'es sérieux ? On joue notre vie dans ce foutu jeu ! On ne tiendra pas indéfiniment ! Si on ne s'effondre pas par manque de sommeil, on restera coincés à tout jamais dans ce fichu cauchemar ! Merde ! Réagis !

-Je... Ok. On fait semblant d 'être malades et on rend visite à ces deux concurrents.

-Enfin un peu de bon sens.

Tout à coup j'avais entendu des bruits de pas provenant du couloir et m'étais empressée de stopper la conversation.

-Mes parents rappliquent, je te laisse ! RDV demain à huit heures tapantes devant chez moi !

Puis j'avais enfoui mon portable sous mon oreiller et m'étais ruée sous la couette en feignant de dormir.

Mes parents étaient entrés en silence dans ma chambre.

-Margot ? m'avait appelée ma mère de sa voix suave.

Je ne lui avait pas répondu. Le visage face au mur, les yeux grands ouverts je redoutais le pire.

- Nous lui annoncerons demain, avait proposé mon père en chuchotant. Ne la réveillons pas. C'est l'une de ses dernières nuits à la maison après tout.

Un frisson m'avait glacé l'échine. Mais je n'avais pas bougé. C'est à peine si j'avais pensé à respirer. Finalement mes parents étaient répartis sans un bruit. Ma respiration s'était accélérée. Vite. Il fallait que je parle à Gabriel de ma découverte. Trop risqué de lui téléphoner à nouveau..

Alors j'avais pris la décision de m'endormir -Ce qui ne fut pas long- dans l'espoir de le retrouver dans mon sommeil.

Malheureusement il n'en fut pas ainsi. A mon "éveil", je ne me retrouvai pas dans le parc, mais dans une ville désertique, en compagnie de deux autres concurrents. Un jeune garçon d'à peine douze ans aux cheveux roux carotte et une inconnue svelte mais musclée à la chevelure noire et au regard identique. Nous étions côte à côte, à environ cinq mètres d'écart dans nos cylindre de verre, à observer les alentours. Les immeubles aux faces décrépies et taguées paraissaient si fragiles qu'on pensait les faire tomber en leur soufflant dessus. Les arbres étaient morts, les poubelles renversées, et les déchets jonchaient les routes où quelques voitures avaient été abandonnées.

-Bienvenue ! sonna une voix dans toute la ville. Bienvenue au Parkour de la Cité ! Je vais sans tarder vous donner les règles du jeu, qui promettent du frisson, de l'adrénaline et du suspens ! déclara le joker.

Soudain un hologramme du joker apparut en face de nous et fit un courbette en retirant son chapeau pour nous saluer. Des applaudissement retentirent.

-L'objectif de cette course est évidemment d'arriver premier à l'autre bout de la ville, annonça-t-il en se relevant, mais attention, certaines zones sont des espaces de conflits entre différentes armées ! Tenez, j'entends déjà un avion !

En effet, un jet fonçait droit sur nous dans vacarme infernal. Le jeune homme hurla en apercevant l'engin. Par réflexe, je mis mes bras devant mon visage, mais alors que l'avion allait nous percuter, il remonta légèrement, et nous esquiva. Peu de temps après, des bruits de tirs résonnèrent au loin, et des explosions projetèrent des masses de terre dans les airs.

-Eh oui, c'est là-bas que vous devez vous rendre, sourit le joker en pointant du doigt la zone de bataille. Effectivement vous devez traverser ce no man's land entier pour gagner. Mais ce ne sera pas le seul obstacle. Car avant ce champ de bataille, vous devrez passer par un long chemin parsemé d'embûches ! Mais je ne vous en dirai pas plus sur les obstacles. Avant de partir, vous êtes sûrement curieux de savoir qui a obtenu le bonus de la manche précédente ? Est-ce que l'un des trois heureux élus se trouve parmi vous ?

Nous observâmes avec impatience le joker, priant pour être cet "élu". L'hologramme au masque leva son bras, et tendit son doigt vers mon cylindre.

Je crus que mon cœur allait exploser. Je poussai un cri de joie en souriant comme un enfant le jour de son anniversaire. Mais cette comparaison est bien faible pour décrire le sentiment d'euphorie que je ressentais. En fait, j'eus beaucoup de chance tout le long de ce jeu diabolique. De la chance et du cran.

-Oui ma chère Margot, c'est à vous que revient l'honneur de commencer cette course dix secondes avant les autres ! Et afin de vous éviter de vous perdre, votre chemin vous sera indiqué par une ligne lumineuse ! À la moindre tentative de triche, vous reviendrez immédiatement au point de départ !

Je n'eus pas le temps de cligner des yeux que déjà trois lignes colorées apparurent au sol, chacune partant d'un cylindre, et nous indiquant le chemin. Une rouge pour la fille, une bleue pour le garçon, et une dorée pour moi.

-Présentons maintenant nos coureurs !

Le joker s'avança d'un pas vers la femme, et tout sourire, il dit :

-Voici Juliette, vingt-cinq ans. Elle a intégré un club de course à pied de la ville de Seynod depuis deux ans, elle est mariée, et est actuellement au chômage !

Il se dirigea vers moi et me présenta par mon prénom et mon âge. Puis il tendit son bras vers le jeune homme :

-Et enfin, voici Kevin, onze ans, qui vit avec sa mère et étudie au collège d'Arnas !

Entre chaque présentation, des cris jaillissaient de nul part.

-Vous êtes prêts ? QUE LA COURSE COMMENCE ! lança le joker.

L'hologramme disparut, aussitôt remplacé par celui d'un compte à rebours de trente secondes.   

Jeu de cartesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant