7/ Finale

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  J'étais couchée à même le sol, sous une fine couette. Enroulée dans cette protection, je me sentais à l'abri, loin de tous mes ennuis.

La pluie tombait toujours drue. Elle frappait la vitre avec force comme une rafale de poings. Mais le bruit m'apaisait. Il créait un rythme me rappelant étrangement le métronome que j'utilisais durant mes leçons de piano.

Gabriel s'était endormi quelques secondes après s'être couché tandis que moi, assise devant son bureau, je traçais un schéma sur une feuille pour trouver le lien qui nous rassemblait entre nous. Reliant des bulles entre elles, je me creusais les méninges dans le but de découvrir les éléments en communs. Mais il y en avait trop. Il fallait retourner voir Emma. Ainsi que ce jeune Arthur. Puis si nous avions le temps, partir à la rencontre de cette fameuse Natacha avant qu'elle ne reparte en Russie. Projet que nous avions découvert dans l'article d'Internet. Cependant, elle habitait à Paris et s'y rendre n'allait pas être chose aisée.

J'avais enfoui le papier dans ma poche, et regardé avec tristesse celui que j'aimais. Ses baisers me manquaient déjà, bien que je n'y avais goûté qu'une seule fois. Mais c'était l'expérience la plus palpitante que j'avais eu depuis longtemps !

Sûrement était-il en train de se battre afin d'obtenir une carte. Se battre contre quelque chose de surnaturel, effrayant, improbable.

Il était temps pour moi d'affronter ce rêve d'ailleurs. Si j'avais bien suivi le concours, nous n'étions plus que cinq. La grande finale allait commencer. Il était à peine neuf heures, mais la fatigue m'emportait. Alors je m'étais couchée au sol, et avais fermé les yeux.

J'attendais le sommeil comme on attends la mort. Et il vint à moi exactement comme elle, vicieusement et en silence.

***

Les quatre autres joueurs semblaient déterminés, mais si angoissés que l'air ambiant avait une odeur de stress. Avant même d'observer la pièce où nous étions, j'analysai leur physique et leur visage.

Le premier concurrent était grand. Très grand, et très musclé. Sa chevelure sombre ainsi que ses yeux obscurs et emplis de colère ne laissaient rien présager de bon. Il souriait d'une manière provocatrice et restait immobile.

Le deuxième ne bougeait pas non plus, mais cela n'était probablement pas un signe de sa confiance. Il paraissait plutôt tétanisé par la peur. Maigrichon, tremblant et pourtant aussi grand que le ténébreux, il ne me faisait pas forte impression et je me demandai comment il avait réussi à remporter l'épreuve précédente. Ainsi que toutes les autres en fait.

Venaient ensuite les filles :

Je fus si étonnée de voir deux jeunes adolescentes exactement identiques que je crus d'abord à une plaisanterie. Mais il s'agissait apparemment de deux jumelles qui avaient réussi à se hisser ensemble jusqu'ici. Elle se jetaient des regards en coin, en remettant leurs mèches bouclées et brunes derrière leur oreille. Une seule différence : L'une portait des lunettes rectangulaires et l'autre non.

Tous étaient vêtus de la même manière, et je n'avais pas échappé à la règle : Un solide et imposant manteau de cuir noir sur les épaules, un jean, et des chaussures semblables à des baskets mais qui paraissaient en plomb tant elles étaient lourdes.

Je m'attardai ensuite à la pièce : Nous étions dans un parking à en juger par les voitures garées aux emplacements prévus, et au plafond assez bas. Loin devant nous, se trouvait une sortie d'où provenait une lumière éblouissante en contraste avec la noirceur du hangar. Derrière nous, des motos étaient disposées en rang devant une ligne blanche. Sur les motos étaient déposés des casques de couleurs différentes.

Soudain apparut une voiture de course qui dérapa deux mètres devant nous pour s'arrêter. En sortit un homme masqué, aux habits pittoresques et bariolés. Puis cingla la voix du joker.

-WELCOME ! Bienvenue pour cette finale de notre concours annuel que j'ai décidé de nommer "Ma fête d'anniversaire"! Original n'est ce pas ? Enfin, nous sommes ici pour vous départager, reprit-il plus grave. Pour désigner le grand vainqueur de cette compétition. Et je ne tiens plus en place ! Voici sans attendre les prénoms de nos heureux joueurs! A ma droite, fit il en désignant le gargantuesque bonhomme, JAMES! Vient ensuite à ses côtés le jeune HUGO! Je ne vous présente plus les deux jumelles qui n'ont cessé de nous surprendre par leurs techniques : MEGANE et JESSICA! Quant à notre toute dernière concurrente qui a, jusque là, eu une chance à toutes épreuves, il s'agit de MARGOT !

Des applaudissements firent écho à ses présentations. Nous étions à son écoute. Nous n'aurions pas été plus attentifs s'il s'agissait d'un chirurgien expliquant comme il allait inciser notre poitrine pour y extraire et opérer notre cœur.

-Et je vois que chacun d'entre vous est très concentré alors voici sans attendre les règles de la course : Le but est bien évidemment d'arriver en premier mais pour pimenter les choses, le parcours sera semé d'embûches et vos engins disposeront de capacités spéciales! Et je vous laisse la joie de les découvrir sur la piste de course ! s'esclaffa-t-il. Vous n'avez qu'à choisir une moto et suivre votre ligne pour finir à l'arrivée, est ce clair ? Très bien! Enfourchez vos montures braves et preux chevaliers! Et que la course des vingt-quatre heures du parc commence !!

Avec précipitation, nous courûmes jusqu'aux véhicules. Nous hésitâmes un instant. Lequel choisir ? Mais avant que je puisse me décider, les autres avaient déjà fait leur choix en se dirigeant vers les plus grandes motos. Il ne me restait plus qu'un petit engin doré.

Mais je souris. Sa petite taille me permettrait de me faufiler dans les endroits les plus exigus mais sa legéreté serait un frein à ma vitesse. Je l'enfourchai tout en mettant mon casque assorti à l'engin. M'attendant à me retrouver face à un système complexe, je fus surprise de ne découvrir qu'un simple mécanisme de vitesse semblable à celui des vélos, un écran où allaient sûrement être indiquées la vitesse et d'autres données dont j'ignorais le rôle, et un étrange bouton sur le manche gauche. Je compris immédiatement de quoi il s'agissait : la capacité.

Une fois tous assis, nous enclenchâmes les moteurs en tournant simplement le manche de droite. Ceux ci vrombissaient en créant des secousses inquiétantes qui nous obligeaient à nous cramponner solidement au volant et au siège. Les engins laissaient échapper une fine fumée noire tandis que le bruit assourdissant des machines nous vrillait les oreilles.

Puis à peine le maladroit Hugo avait -il enfilé son casque que déjà était apparu le compte à rebours de dix secondes. L'hologramme bleuté volait au dessus du sol et les secondes défilaient si rapidement que le temps semblait accéléré. J'eus tout juste le temps d'observer les autres véhicules.

James, la montagne de muscle avait choisi en premier son engin. Celui ci était rouge sang et parcouru de zébrures noires. Le petit Hugo s'était assis avec gêne sur un bleu marine aux reflets superbes, quant aux deux jumelles, elles avaient décidé de prendre les deux plus élégants modèles, l'un argenté et l'autre vert aux motifs militaires kakis. Tous les deux possédaient un fuselage léger et maigre qui ne recouvrait pas toute la mécanique de la machine.

Nous nous penchions sur nos motos, le regard fixé sur la route. Puis à une seconde de la fin du chrono, j'eus une pensée vers mes parents qui avaient toujours insisté pour que je passe mon code à seize ans. Je m'y étais opposée et le regrettais amèrement désormais. J'avais perdu une bonne occasion de me taire en refusant de passer ce foutu code...

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