N-6

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-Il faut que l'on parte de cette ville, murmurai-je. 

Gabriel ne me répondit pas. 

Dissimulés derrière des poubelles, observant la pluie s'intensifier, nous retenions nos larmes et notre désespoir. 

-Nous devons continuer notre recherche, rétorqua Gabriel.

Je me suis tu. Natacha ne nous avait rien caché, mais que pouvait elle nous dissimuler ayant déjà tout oublié ?Nous lui avions posé une bonne vingtaine de questions. De quoi se souvenait elle à part des bribes de noms, de lieux, et d'événements ? Rien.  Elle nous avait congédiés et nous nous étions retrouvés sans objectifs et sans réponses à chercher un lieu où dormir.

-La seule chose dont je me souviens c'est du regard passionné de feu mon mari, de l'enfance de ma fille et mon fils et de leur nom, pleurait-elle. Le reste est flou. je suis désolée. 

Nous l'avions quitté avec quelques informations sans liens entre elles.

-Je rentre à la maison demain, annonçai-je. Tu devrais en faire autant.

Gabriel ne répondit pas, se coucha, s'enroula dans sa couverture, et se recroquevilla près du mur. Je le suivis et les dernière paroles que j'entendis avant de m'endormir furent les suivantes :

-Je ne perds pas espoir.

***

Je parcourais des couloirs sombres où serpentait un tapis ôcre et écorché, en suivant deux colosses vêtus de noirs. Enfin, après avoir franchis deux portes battantes nous arrivâmes dans une salle minuscule où siégeaient une table et une chaise. Une odeur de poussière planait, pas un rayon de soleil ne passait à travers l'unique fenêtre recouverte de crasse. La seule source de lumière provenait de l'ampoule grésillante du plafond.

Les deux hommes m'ayant escortée fermèrent violement la porte derrière eux, me laissant seule. Sur la table était posée une enveloppe noire. Je m'avançai, et après l'avoir ouverte, parcourus d'un regard rapide les inscriptions dorées qui sillonaient le papier cartonné.

Le 10 juin, une personne a égaré son porte monnaie. Voilà les informations dont vous disposez :

Le porte monnaie contenait 200 euros, dépensés par le voleur.

Sept personnes ont été suspectées.

Vous n'avez le droit qu'à sept questions

Vous n'avez pas le droit d'utiliser deux fois la même interrogation.

Vous n'avez pas le droit de toucher l'objet.

Les suspects ne vous diront pas si ils sont coupables, inutile de leur demander si ils ont volé ce porte-monnaie où si ils ont usé ces 200 euros.

Et vous ne pouvez pas interroger les suspects sur ce qu'ils possèdent, possédaient ou ne possèdent pas. 

À vous de dénicher la personne ayant dépensé les 200 euros de cette bourse.

Vous avez quinze minutes.

En effet, un porte monnaie vert kaki venait d'apparaître sur la table sans que je m'en rende compte ainsi que les sept photos des suspects : trois hommes, une femme et trois enfants. Chaque image portait un chiffre.

Intérieurement j'échafaudais des dizaines de plans différents, farfouillait dans les faiblesses de ses règles afin de trouver une faille me permettant de poser LA bonne question.

Lorsque je me saisis de la photo de la jeune fille, celle ci apparut sur la chaise. Je sursautai et lâchai la vignette. Aussitôt l'enfant disparut. Je commençais à saisir le concept et souris. Mais le temps passait.

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