Onzième jour

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Je m'étais réveillée aux alentours de deux heures. Pas étonnant vu que le combat n'avait duré que quelques instants et que le temps semblait se dérouler proportionnellement à celui dans la vraie vie.

Un surplus d'émotions se débattait dans mon esprit. Un entrelacement de pensées. Un buissons d'incompréhension , un lac de rage et une pluie de chagrin.

C'en était trop. Il fallait que je respire. Je me levai, enfilai une robe de chambre et sortis par le jardin. Je mis mes sandales et m'aventurai dans le pré qui longeait notre maison. Quelques étoiles pointaient le bout de leur nez mais la lune, elle, s'exposait complètement, ronde, et pure. Le vent frais qui soufflait ne m'affectait même pas. J'étais plongée dans mes souvenirs, si loin, que j'étais comme dans un autre monde.

Par quoi commencer ? Remontons le passé : D'abord Emma, ensuite mes parents, puis Gabriel.

J'accédais, grâce au forfait d'Emma, à la suite de ce concours. J'avais peur. Et j'étais redevable. J'avais une obligation immense envers mon ancienne nourrice. Comment aurais je pu m'acquitter de cette dette ? Je ne le pourrais jamais. En s'avouant vaincue, elle avait perdu ce à quoi elle comptait le plus... J'ignorais même de quoi il s'agissait. Je pris alors la décision de lui rendre visite à la première occasion. Mais ce que j'entrepris ne m'en laissa pas le temps.

Mes parents, quant à eux, voulaient m'envoyer dans un asile pour enfant. Ce ne sont pas les mots qu'ils avaient employés, mais cela revenait au même pour moi. Non. Hors de question. Dans ma tête s'échafaudait tout un plan pour y échapper. Mais j'avais encore le temps, je ne devais y aller que la semaine suivante. J'avais le temps de... De quoi au juste ? Une idée poussait dans ma tête mais elle me semblait incongrue.

Puis il y avait Gabriel. Lorsque je repensais à lui, mon cœur s'emballait et mes jambes tremblaient. Sa présence m'était si agréable. Mais au même instant je ne pouvais empêcher mon esprit de divaguer jusqu'à Rebecca. Elle qui l'avait aimé avant moi. Enfin, depuis quand éprouvais je des sentiments pour lui au juste ? Je tentais de me persuader que cela datait d'avant le coup de foudre de mon amie.

Demain, ou plutôt dans quelques heures, j'allais retourner au lycée. Serait elle revenue? Je l'espérais et en même temps, le redoutais.

Au bout de deux heures à contempler les mystères du ciel, les herbes folles qui me chatouillaient, et à méditer sur Emma, mes parents, mes amis, mon futur et mon passé, je me dirigeai vers ma maison bien décidée à partir au lycée avant tout le monde.

***

Le soleil était levé depuis peu, et cela faisait deux heures que j'attendais devant le portail. Un surveillant vint m'ouvrir avec de grands yeux. Une élève renvoyée du lycée si matinale le jour de sa rentrée ? Il y a de quoi vous surprendre hein ?

Je me rendis jusqu'au hall et m'assis sur les escaliers face au casier de Gabriel, avec une impatience manifeste. Mon pied tapait les temps comme lorsque je débutais le piano. Je grognai en apercevant que mon corps réclamait la musique et stoppai net ma jambe en la clouant au sol de la main.

Petit à petit arrivèrent quelques jeunes. Puis ce fut toute une foule qui entra dans la cour. Lorsque j'aperçus Gabriel qui pénétrait dans l'établissement, je souris, mais, à bout de forces, ne me levai pas et l'attendis à ma place. Il semblait dérouté, mais venait vers moi. Seulement, il ne me regardait pas. Il avait un énorme coquard à l'œil droit, et trois griffures parallèles sur sa joue. Et lorsqu'il passa devant moi sans même m'adresser une parole, je me vexai et l'attrapai par l'épaule.

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