8/ 24 heures du parc

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Le caoutchouc des pneus couina en frottant le sol. Nous avions démarré et les roues tournaient sur place en frictionnant le béton. Une odeur de brûlé s'éleva dans l'air.

Puis la course débuta réellement tandis que les engins s'élançaient sur la piste.

Le ronronnement puissant des motos, le vent glacial fouettant nos visages, et l'adrénaline qui montait en nous promettaient une course exceptionnelle et difficile.
Des lumières étaient apparues sur les cadrans, ainsi que des chiffres. Les plus gros affichaient déjà soixante-dix kilomètres par heure !

Je pris la tête du peloton, et me garantissais une petite avance. Ma ligne dorée s'effaçait au fur et à mesure que j'avançais. Je jetai un rapide coup d'œil derrière moi. Tous les concurrents me talonnaient, même cet empoté de Hugo qui, par je ne sais quel miracle, avait réussi à démarrer. Je me cramponnais de toutes mes forces au guidon, et serrais les mains à un tel point que mes jointures devenaient blanches.

Mon chemin me conduisit jusqu'à la sortie du garage, vers une grande montée qui nous amenait dans un endroit inconnu. J'empruntai donc cette route, et arrivée en haut, ne pus réprimer mon étonnement.

Nous étions arrivés dans une forêt luxuriante, et semblable aux grands espaces de verdure des montagnes enneigées. Des sapins aux branches recouvertes d'une fine couche de neige et au tronc enseveli sous de la mousse verdâtre encadraient le chemin. De nombreuses carrières de pierres encombraient la route, et le sol blanchi par les flocons glissait dangereusement. Mais je ne m'arrêtai pas. Au contraire j'accélérai.

Je slalomais entre les rochers, dérapais le long des virages comme si j'avais fait ça toute ma vie. Tout en souriant, je ne remarquai pas la jeune Megane se rapprocher. Je n'y fis attention que lorsqu'une volée de flammes me frôla le bras gauche. Par réflexe je tournai vers la droite. Et quand j'aperçus les longues langues de feu qui sortaient de la moto de mon adversaire je voulus d'abord crier au scandale, à la triche, au favoritisme !

Puis les paroles du joker au sujet des capacités de chaque véhicule me revinrent à l'esprit. Il fallait que je trouve de laquelle je disposais. J'appuyai alors sur le bouton actionnant la spécificité de mon engin. Mais à mon grand étonnement, rien ne se produisit.

Profitant de ma surprise, Megane et sa jumelle me doublèrent. Je me ressaisis et alors que j'allais réussir à pousser Jessica sur le bas côté, son double usa de nouveau de son pouvoir pour m'enflammer. Trop de mauvais souvenirs lié à la première épreuve resurgirent, mais je gardai mon sang froid.

- Dégage ! beuglai-je.

Mais celle-ci sourit et enclencha le bouton rouge de son manche, actionnant une pluie de flammes qui m'enveloppa le bras.

***

J'étais dans un cocon de feu. Mais je n'allais sûrement pas me métamorphoser en beau papillon à ma sortie. Je hurlais mais ne lâchais pas mon engin. Non, pour rien au monde je ne l'aurais fait. L'enjeu était trop grand. Que faire ?

"Ce n'est qu'un rêve"

Ces paroles surgirent dans un coin de mon esprit. Emma avait raison. Le joker ne nous avait que volé le titre de maître de nos songes. Je pouvais contrôler une partie de ce rêve. Je croyais qu'il était temps que je montre qui était le véritable chef. Oui, il était temps.

Persuadée de ne plus rien avoir à craindre de moi, Megane et Jessica ricanèrent, mais ralentissaient. Je saisis cette occasion pour pousser Jessica dans le fossé d'à côté. Elle rugit de terreur, mais disparut avant même d'avoir pu toucher le sol. J'avais compris avant elle ce qui lui était arrivé. Interdiction d'emprunter un autre chemin que celui qui nous était indiqué par les filaments de couleur !

Le feu allait atteindre ma peau, il fallait que je fasse vite. Je fermai le yeux deux secondes. Deux secondes où je me concentrai si fort qu'il ne m'aurait pas étonnée de sentir de la fumée sortir de mes oreilles. Rapidement les flammes diminuèrent avant de disparaître, ne laissant derrière elles qu'un trou béant dans mon blouson.

La jumelle de l'éliminée, verte de rage, appuya de nouveau sur le bouton de son guidon, mais, comme si la capacité suivait ses émotions, les flammes qui apparurent étaient si gigantesque qu'elles brouillèrent la vue à celle qui les avait fait naître. Elle jura, tandis que le feu s'emparait de la faune autour de nous. Puis ce qui devait arriver arriva, James arriva derrière elle et la poussa contre un arbre. Elle s'écrasa brutalement sans même comprendre ce qu'il s'était passé.

Plus que deux.

Soudainement, celui-ci, qui était en première place, enclencha sa capacité, et disparut.

Maintenant, il n'y avait plus que moi, le pauvre Hugo qui nous talonnait, et... les traces de pneus de James ! Je pouffai de rire, d'un rire qui se perdit dans les rugissements des motos. Il semblait que cet avantage soit inutile lorsque l'on était premier. Je profitai de cet inconvénient, et du sentiment de sécurité qu'éprouvait probablement James pour me faufiler à côté et l'éjecter du chemin. Il perdit sa transparence en tombant lamentablement.

Plus qu'un. "Si l'on peut le compter pour une seule personne" ricanais-je. J'étais bien loin de me douter que Hugo cachait bien son jeu.

En effet, celui-ci venait de me doubler dans une accélération impressionnante et risquée lorsqu'il activa sa capacité. Aussitôt, des clones se séparèrent de son corps d'origine et formèrent une muraille.

Ma bouche s'ouvrit d'elle même. Et je fronçai les sourcils en me mordant la lèvre. Merde !

Et voilà l'arrivée ! A environ trois cent mètres ! Mon compteur indiquait cent-vingt kilomètres heure. Et je suivais tout juste mon ennemi.

Comment doubler une barrière de concurrents ?

Il fallait que j'utilise ma capacité. J'actionnai de nouveau celle-ci, mais une deuxième fois, aucun effet notable ni visible. Il n'y avait que deux explications rationnelles. Mais y avait-il des éléments rationnelles dans ce rêve ? J'en étais persuadée. Tout comme j'étais certaine que ce rêve avait une origine dans le monde réel.

Première explication : le joker m'avait joué un sale tour et m'avait privée de pouvoirs pour me punir de ma chance "à toutes épreuves".

Mais comme Emma me l'avait dit, le joker était peut-être fourbe, mais intelligent. S'il s'amusait à jouer des tours vicieux aux concurrents, plus aucune chance de gagner, et donc, abandons de ses précieux joueurs. Cependant, il se pouvait que le joker ai une dent contre moi. Mais ça, je ne pouvais pas le vérifier pour le moment.

Deuxième explication : l'effet de la capacité ne touchait pas les autres, et n'étant pas visible, affectait mon propre engin. Cela soulevait une énième question : quel était cet effet ? J'avais bien une petit idée en tête. Combien de chances pour que ça soit celle-ci ?

Si ma deuxième supposition s'avérait juste, j'avais des chances de doubler à nouveau mon concurrent. Sinon, je disais adieu à mon souvenir le plus précieux.

J'inspirai une grande bouffée d'air. Il était froid, piquant, et possédait une odeur de bois mouillé. Avais-je le cran de risquer un défi pareil ? J'expirai avec regrets cette brise. Elle me quittait tout comme le courage commençait à me délaisser. Oui, je n'avais pas le choix. Le vent était si glacial que des larmes perlaient à mes yeux. Oui, je devais le faire.

Je pressai le bouton du manche droit de ma moto, et accélérai.

Cent-trente.

Il était désormais à quelques mètres de moi. Les contours étaient flous. La forêt miroitait comme un lac au soleil. Le froid était brûlant.

Cent-quarante.

Je le touchais presque. Je ne voyais plus que lui et alors que j'allais le percuter, fermai les yeux en croisant les doigts. 

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