Le joker

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 Il ne faisait que siffloter, mais il en était déjà effrayant. La mélodie s'élevait dans l'air. Et le joker se servait une tasse de thé. Le son de l'eau qui coule paraissait être au ralenti. Tout me semblait aller plus doucement. Les battements de mon cœur, le temps, la vie.

Il n'y avait pas une minute, Elisabeth et moi avions cru que c'en était fini de nous. Nous entendions les pas de quelqu'un ne pouvant être que le joker descendre vers nous. Puis la bouilloire avait explosé. Du moins, c'était mon impression. Mon cœur avait fait un tel bond que j'avais presque senti ma poitrine me faire mal. Alors que j'étais pétrifiée, Elisabeth avait du prendre les devants. Avec une réactivité surprenante, elle avait bondi vers l'armoire la plus proche puis m'avait poussée dedans. J'étais tombée, mais sans une once de pitié, elle avait refermé la porte. Puis, elle avait couru vers la cuisine d'où provenait le son aigu de la bouilloire qui, fort heureusement, dissimulait les bruits de notre fuite.

Les larmes me montèrent aux yeux lorsqu'une forme humaine apparut dans mon champ de vision à travers les interstices des volets horizontaux de la porte. Elle s'immobilisa, mais je ne pouvais pas distinguer les yeux de la personne. Pourquoi s'était elle arrêtée ? Pourquoi ?

"Pitié, pitié... pensais-je.

Je m'arrêtai de respirer. Ma poitrine paraissait exploser sous les battements de mon cœur. J'étais gelée, mais j'avais aussi terriblement chaud. Une vague de terreur s'insinuait dans mes veines ! Lentement. Inexorablement.

Puis la silhouette reprit son chemin en direction de la cuisine. Alors j'inspirai une bouffée d'air en tentant de faire le moins de bruit possible. La respiration saccadée, je priai pour qu'Elisabeth ai trouvé une cachette. Ce qui était apparemment le cas, car le joker continuait à siffloter.

Ce qui se passa par la suite parut durer des heures. Que dis-je, des mois, des années !

J'entendis très distinctement le choc d'une tasse que l'on pose sur une table. Le joker allait boire.

Puis ce fut le son caractéristique d'une coulée d'eau. Il se servait à boire.

Enfin, une chaise racla le sol dallé de la cuisine. Il s'installait.

Pour finir ce fut le tintement d'une cuillère qui heurte du métal. Il allait boire.

Mais ce fut le silence qui suivit qui nous glaça d'effroi. Plus un bruit, plus un souffle, plus une action.

-Qui est là ? questionna l'habitant.

Un frisson glacial me parcourut l'échine, et mes poils se dressèrent sur mes bras. J'avais si froid. Si froid, et si peur !

"Non, non, non, non me répétais-je comme un disque rayé.

-C'est dommage, mais je vais devoir appeler la police qui que vous soyez, expliqua l'homme. Je n'ai pas pour habitude de laisser des intrus entrer chez...chez moi. Alors allez vous en immédiatement !

J'en restai bouche-bée. Il avait peur ! Le joker avait peur ! Alors je ricanai. Mais je le regrettai vite. Car j'entendis le son caractéristique d'une arme que l'on charge, le raclement d'une chaise que l'on écarte, puis les pas d'une foulée rapide. Soudainement, la silhouette réapparut dans l'encadrement de la porte qui s'ouvrit violemment. Le canon d'un pistolet était pointé sur moi, et derrière, un sourire dément s'étirait sous un regard fou, et vairon !

-Trouvée, s'esclaffa le joker.

Alors une détonation retentit dans l'appartement !

***

Élisabeth s'était ruée sur le joker, le coup de feu avait frôlé mon visage, et la balle était partie se figer dans le mur derrière moi !

En premier lieu hésitante, je me mordis la langue dans un élan de doute puis, ni une ni deux, je pris mon courage à deux mains, je bondis hors du placard et me précipitai sur l'homme ! Au fond de moi, je réalisais que ce monstre m'avait fait vivre un enfer, et que je devais lui faire payer, que je devais venger Rebecca, Emma, et tant d'autres. J'étais hors de moi. J'agrippais le joker, je le griffais jusqu'au sang, je le frappais. Nous roulions au sol en nous battant comme des harpies enragées. Avoir évité la mort m'avait fait réaliser que je n'allais pas avoir de seconde chance !

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