Troisième nuit

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 Il faisait nuit. Le soleil venait de se coucher. Mais je gardais les yeux grands ouverts. Hors de question de m'endormir. Je me frottais le visage en baillant. Quatre heures plus tôt, j'avais parlé à ma mère de mes cauchemars répétitifs . Cela ne l'avait pas inquiétée.

-Sûrement un manque de sommeil, avait elle bafouillé en examinant les dossiers de ses clients.

Ma mère m'avait ensuite conseillé d'aller me reposer. J'avais fait semblant d'accepter contre mon gré et je m'étais rendue dans ma chambre où je faisais les cents pas d'une marche saccadée et épuisée. Si je dormais, je m'abandonnais à ce rêve cauchemardesque qui jouait avec mes nerfs, avec ma sérénité, avec ma vie. Si je cessais de me reposer, j'arrêtais tout simplement de faire ce songe affreux.

Mais... en choisissant cette option je me laissais convaincre que cet absurde jeu existait réellement. Ce qui n'était pas possible. Ça ne pouvait pas être vrai. De plus je n'allais pas tenir longtemps sans me reposer. Car ces rêves avaient beau être épuisants ils n'en demeuraient pas moins des rêves, tentais je de me persuader, et en restaient reposants. Ne serait ce qu'un repos minime.

Je secouai la tête. Je n'allais pas me laisser malmener par un mirage qui détruisait ma santé à petit feu!


"Ce n'est qu'un songe." marmonnai-je.


Un songe qui me faisait parler toute seule mais un songe. Je réfutais toutes autres hypothèses farfelues et insensées. Alors je m'étais allongée sur mon matelas, les mains croisées sous la tête et j'avais soupiré.

Mes yeux s'étaient fermés. Puis ma respiration s'était ralentie. J'avais de nouveau soupiré. Et mon corps s'était relevé. Je marchais. Mon pouls s'était accéléré. Ma tête tournait. Les images me parvenaient floues. Mais j'arrivais à distinguer les manèges et la musique angélique d'un parc d'attraction.

-Non...avais je pensé . Pas encore...

Rebecca et Gabriel étaient à côté de moi. Ils semblaient aussi désemparés et désolés que moi. J'étais tombée à genoux.

-Non, répétai je.

-Tu n'es pas un rêve? me questionna mon ami aux yeux rouges.

- Non! Enfin...je ne crois pas. C'est la troisième fois que je fais ce soi-disant rêve! Je ne sais plus! Est ce que vous êtes réels?

-Je...oui! s'exclama Reby. Mais je pensais que vous faisiez partis de mon imagination! continua-t-elle.

-Eh bien apparemment non... fit remarquer Gabriel. Nous sommes tous "réels" dans un rêve commun. C'est...

-Impossible, terminai je.

-Que faisons nous? s'interrogèrent mes amis.

-Nous sommes obligés de continuer. Jusqu'à sortir de ce songe...proposai je. C'est la seule idée qui me vienne à l'esprit.

- Tu as toujours ta carte? demanda Rebecca.


Je fouillai dans les poches de ma veste et en trouvai une. Celle que j'avais gagnée la veille. Un pique noir s'étendait sur le papier cartonné qui reflétait la lumière des ampoules colorés d'un stand. Je la rangeai vite en voyant tous les regards de convoitise des autres joueurs qui nous entouraient.

Puis tout à coup je remarquai l'étrange veste qui me recouvrait. Noire avec des pins colorés accrochés un peu partout. Je l'avais déjà vue quelque part. Oui je m'en souvenais. C'était en Espagne. Durant un voyage. Quant aux yeux rouges de Gabriel je les avais aperçus lors du carnaval de la ville, sur un jeune vampire. Et les cheveux bleus et courts de Rebecca appartenaient à mon ancienne professeur excentrique de français.

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