Neuvième nuit

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Je n'étais plus qu'un dessin sans couleurs. Un livre sans mots. Une partition sans notes.

J'avais perdu. Lorsque j'avais ouvert la porte de sortie du manoir hanté, j'avais atterri sur Gabriel, le visage dégoulinant de larmes. J'avais alors compris que le temps imparti s'était écoulé et que je n'avais pas ouvert la porte avant la minute donnée. Un zombie nous avait attendus à la fin de l'attraction, sourire aux lèvres, se frottant les mains.

-Je pense qu'il est temps de vous faire perdre un souvenir réellement important, avait il annoncé de sa voix grésillante. Après tout vous avez échoué huit fois chacun, et cela se fête n'est ce pas? J'hésite...Ho! Me voilà une idée tout à fait exquise! Je vous laisse le plaisir de découvrir par vous même ce que vous aurez perdu! Bonne journée!

Puis je m'étais réveillée. Je n'avais pas eu le temps de deviner ce que j'avais oublié, et m'était rendue au lycée encore plus fatiguée que les jours précédents.

Les effets secondaires du manque de sommeil apparaissaient. Un mal de crâne abominable m'assaillait sans cesse, me faisant livrer un combat de chaque seconde pour ne pas gémir de douleur ou me masser la tête ce qui aurait attisé des soupçons. De plus, je voyais apparaître de temps à autre des sortes de mirages au soleil. Une carte posée sur le sol. Un nuage en forme de pique. Ou un trèfle noir parmi les verts dans la pelouse de notre jardin.

Arrivée à notre point de rendez-vous , je me suis assise sur le banc libre et j'avais combattu l'irrépressible envie de fermer mes paupières. Ma tête semblait sur le point d'exploser. Ma respiration était saccadée et sifflante.J'avais pris une inspiration. Mais l'air me semblait toxique, irrespirable, pollué. Comme pourri. Alors j'avais toussé pour expulser de mes poumons tout cet air putride. Puis ma simple quinte de toux s'était transformée en un étouffement incontrôlable. Je m'étais pliée en deux pour tenter d'adoucir ma toux dont la douleur s'associait à celle de mon crâne. Tout tournait autour de moi.

-Margot?

J'avais relevé la tête.

-Gab... murmurai je, éteinte.

Gabriel et moi même nous étions donnés rendez-vous sur notre banc le long de la piste cyclable.

-Il faut qu'on en parle.

-Ça ne servirait à rien... me lamentai je. Nous sommes bons pour finir coincés dans ce parc à vie!

-Alors je te demanderai de ne pas baisser les bras et de me faire confiance!

Nous restâmes silencieux, scellant un pacte muet.

-Est ce que....tu sais quel souvenir nous avons oublié? demandai-je

- Non, mais nous le saurons avant la nuit prochaine. Le joker est trop malin et nous a sûrement pris un souvenir qui a un lien avec le jour d'aujourd'hui.

Je réfléchis. Mais cette atroce et cuisante douleur m'empêchait de me concentrer. Impossible de voir ce que ce jour avait de spécial.. Je me levai mais mes jambes se dérobèrent sous le poids de mon corps. Gabriel me rattrapa par le bras et me souleva.

- Nous ne tiendront pas longtemps...marmonnai-je.

-Il le faut, rétorqua Gabriel. Rentre chez toi et repose toi. Nous aurons besoin de force cette nuit.

Nous nous séparâmes alors, en ayant chacun un regard inquiet pour l'autre.

Chaque jour j'apprenais à redécouvrir ma sœur. J'avais appris qu'elle s'appelait Mérédith. Qu'elle avait dix ans. Qu'elle faisait de la chorale. Et qu'elle avait la voix d'un ange descendu sur Terre pour apporter le bonheur tout simplement en chantant. Malheureusement, la fatigue faisait de moi un être associable et antipathique. Voire même cruel. Je me montrais si désagréable avec Meredith que je m'en dégoûtais moi même.

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