Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme

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22 ans plus tard...

-Bonne nuit ma chérie, me chuchote à l'oreille mon mari.

-Bonne nuit, je réponds comme chaque soir.

Cependant il sait que cette nuit sera comme toutes les précédentes : agitée de cauchemars qui me réveillent en sursaut. Le front ruisselant, les mains tremblantes et des larmes coulant le long de mes joues, je me réveille chaque nuit après avoir vu le visage de mes deux amis en rêve.

-Je t'ai aidée! Et toi qu'as tu fait ? me crie Rebecca le regard brillant de haine.

Elle me prend dans ses mains gigantesques, et m'écrase. Elle me serre si fort que j'étouffe. Puis j'explose en des milliers de cartes de jeu.

Ensuite viennent Elisabeth et Emma qui s'amusent à attraper chaque carte qui tombe du ciel avec des filets à papillons pour ensuite me jeter dans un feu de cheminée. Dans ce brasier je brûle et ai beau hurler de douleur rien n'y fait. Personne ne vient.

Finalement de ces flammes surgit une personne qui s'avance vers moi. C'est Gabriel. Il pleure des larmes de sang et se lamente avec la voix du joker.

-Pourquoi m'as tu forcé à faire ça ? Tu avais le choix ! Tu pouvais rester avec moi ! Monstre ! Monstre!

Ce mot résonne tandis que le visage désolé de Gabriel se transforme en une face euphorique et traversé d'un sourire enragé et fou.

Un rire s'élève alors. Un rire dément. Terrifiant. Et je me réveille en pleurant à chaude larmes. En pleurant ma meilleure amie. En pleurant ma nourrice. En pleurant Elisabeth. Et en pleurant celui que j'aimais.

Cette nuit là comme d'habitude, je fais le même rêve. Je me réveille en pleurs et je murmure :

-Gabriel pourquoi m'as tu abandonnée?

***

Ce matin je me rends aux locaux du journal. Je suis désormais journaliste et la vie que je mène est celle dont n'importe qui pourrait rêver. Mais je ne suis pas n'importe qui.

Ce matin le soleil brille. Les mouettes crient dans le ciel et planent sous les rayons qui plongent dans le lac miroitant. Cette grande étendue d'eau scintille. Il fait beau.

Ce matin comme chaque matin, je croise les mêmes personnes. Le vendeur de café qui tient assidûment son stand et qui me propose une boisson et une viennoiserie. Le clochard à qui j'offre mon gâteau. Le voisin râleur qui promène son chien. Je le caresse. Je l'aime bien Le chien pas l'homme. Non j'ai compris que je fais partie de cette race immonde qui n'a pas de cœur ni de conscience. Alors j'essaie de me rassurer en me disant que nous ne sommes pas seuls sur cette Terre. Et j'essaie de me racheter.

Depuis que Gabriel m'a poussée à la sortie du parc, j'ai compris quel genre de créature abominable j'étais devenue.

***

J'allais franchir le portique d'acier de l'entrée du parc mais revint sur ma décision. Avant de partir je voulais emporter autant de personne que possible avec moi et parmi ces personnes je voulais Elisabeth. Je ne pouvais pas l'abandonner. Ni elle ni quiconque d'autre. Alors je me retournai, mais avant de pouvoir l'appeler elle et ceux qui avaient décidé de rester Gabriel me poussa à travers la porte. Une fois de l'autre côté, je trébuchai et roulai au sol. En me relevant je maugréais.

-Qu'est ce qu'il t'a pris ? M'exclamai-je en m'adressant à mon ami.

Mais au regard de ce dernier je compris immédiatement ce qu'il venait de faire. Je le maudissait, tout comme je le maudis toujours.

Jeu de cartesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant