Rebecca

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-Je ne pense pas que tu y arriveras... soupirait Elisabeth.

Nous étions assises sur un banc dans la cour qui permettait aux jeunes de la clinique de s'aérer après les repas. Certains marchaient, seuls, les bras bandés, les mains croisées, tristes. Ceux-là me faisaient le plus de peine. D'autres allongés dans l'herbe riaient aux éclats. Ils me faisaient aussi de la peine.

Il y avait Héléna, maigre comme un clou, qui ne mangeait qu'un minuscule morceau de pain aux repas. Elle ne portait que des larges pulls qui la dissimulait de nos regards pourtant bienveillants. Ses cheveux étaient ternes et grisâtres, comme son humeur.

Et puis il y a avait Elsa, jeune fille d'à peine treize ans aux bras recouverts de bandages, qui fixait de temps à autres le lointain coucher de soleil sans cependant en profiter. Dans ces moments là, elle serrait les mains et ses ongles s'enfonçaient dans sa chair pâle.

Ensuite venait Jules, qui d'un instant à un autre pouvait frapper un mur et éclater dans un chagrin et une colère avec une origine connue de lui seul et de Charlène. Car il ne la partageait avec personne d'autre qu'avec elle.

Charlène, la plus âgé des jeunes, aux yeux cernés, chétive, allait vers n'importe qui qui aille mal , qu'il soit arrogant, insolent, vulgaire, cruel ou encore tout simplement blessant. Elle savait trouver les mots comme personne, mais elle aussi était terriblement malade.

Il y en avait d'autres. Mais ils partaient, puis parfois revenaient. Ils n'étaient que de passage. C'étaient comme des messagers d'un monde qui délivraient un S.O.S d'un Univers en détresse. Sauf que le centre de cette galaxie n'était autre qu'eux.

Je pourrais parler de cet endroit durant des heures. En bien comme en mal. Mais nous nous égarerions du sujet. S'il fallait résumer en quelques lignes mon aventure là bas ce serait comme cela :

La vie n'était pas facile, j'ai pleuré, j'ai hurlé, j'ai frappé, j'ai souffert. Ces rêves que je contenais en moi explosaient de façon incontrôlable. Ils m'affectaient désormais d'une manière inconcevable. Mais les rencontres que j'ai faites dans cette clinique ne s'effaceront sûrement jamais de mon esprit. Même le joker ne pourrait pas me les enlever. Les fous rires, et les délires que j'ai connus ne partiront jamais. Tout comme le malheur que j'éprouvais.

Je suis restée dans ce lieu qui fut mon chagrin et mon bonheur, mon paradis et mon enfer, durant deux mois. Mais voici la suite de mon récit, et comment je suis sortie du parc.

Ce jour là donc, le premier d'une longue série, je parlais avec Elisabeth.

Le soleil se couchait, ses rayons suspendus dans le ciel laissaient des ombres allongés dans leur sillage.

-Je ne pense plus non plus... avouai-je.

-Mais je vais tout faire pour que tu ailles jusqu'au bout de ton objectif. Je suis ici pour t'aider et c'est ce que je vais faire. Dans tous les sens du terme.

Puis après un silence religieux, elle murmura:

-Rebecca était sur une piste.

Je sursautai, et le visage blême, questionnai :

-Comment le sais-tu?

-Elle était à la recherche du joker. Elle était venue me voir pour avoir des informations. Elle m'a avoué avoir rencontré une petite dizaine de joueurs.

Ébahie par cette découverte, cette révélation, je ne sus pas quoi répondre et restai muette de stupeur.

-Elle m'a parlé de toi. Elle s'est confiée à moi.

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