BLUES

chapitre 19

PDV SKY

Je suis réveillée par le soleil qui transperce les rideaux, les oiseaux qui chantent sous ma fenêtre et le bruit de la pluie qui s'écoule sur les toits.
Je suis réveillée par un rêve ou peut-être un cauchemar.
Je suis réveillée parce qu'il est l'heure et que mon horloge interne me l'ordonne.
Mais je ne suis pas réveillée par Dan, parce qu'il n'est plus là.

Je n'ose pas ouvrir les yeux, ni même lever les draps.
Parce que je sens qu'il n'est pas dans mon lit et encore moins dans l'appart vide.
Je sais que si je bouge, ça sera le retour immédiat à la réalité : il a eu ce qu'il voulait de moi et il est reparti.

J'aurais dû m'en douter, j'aurais dû lui demander s'il vivait avec Layla maintenant, pourquoi est-ce qu'il avait sonné à l'appart...
J'aurais dû lui demander s'il m'aimait, s'il comptait s'excuser, s'expliquer.
J'aurais dû mettre les choses au clair avant de faire quoique ce soit d'autre.

Je me prends le visage dans les mains en soufflant mon indignation, quand j'entends ma porte s'ouvrir, puis se refermer.
Quand je relève la tête, je vois Dan, tout sourire, des croissants à la main.

- Je suis allé chercher le petit déj', j'ai vu que ta cuisine avait été vandalisée.

Je dois avoir l'air d'un zombie, à mettre trois plombes à réagir.
Mais ça m'est égal parce que ce gars, je ne le connais pas.
Ce sourire, je ne l'ai jamais vu, cet humour, je ne l'ai jamais entendu et ces croissants, je ne les aient jamais goûtés.

- Tu es parti... puis tu es revenu.

Je n'en crois pas mes yeux !
J'ai tellement l'habitude qu'il parte rejoindre des potes en pleine nuit pour boire ou des femmes pour...

- Toi et tes constats..., grogne-t-il.

Je fronce les sourcils quand il me rejoint sur le lit, il s'assoit à mes côtés en ne cessant jamais de sourire.
Il me tend un croissant et ses doigts me frôlent.

- Qu'est-ce que Layla est devenue ? je lâche d'un coup, comme pour m'en débarrasser.

Dan se fige, hausse les épaules et avale sa bouchée de croissant.

- Je ne la vois plus depuis ton départ.

J'aimerais qu'il développe ses réponses, qu'il s'ouvre un peu plus et qu'il ne me force pas à poser une autre question à chaque fois.
Je n'aime pas poser des questions...

- Tu vis toujours à...

- Un pâté de maisons, affirme-t-il.

Ses yeux ne lâchent pas les miens et il me semble que c'est la première fois qu'il me regarde bien en face.
J'en ai le souffle coupé.
Malgré le fait qu'il m'a coupé la parole, il n'est pas aussi bête que je le craignais ce matin.

- Que faisais-tu durant mon absence ? Tu étais avec...

- J'étais en tête-à-tête avec moi-même.

Je suis sidérée qu'il réponde à mes questions.
Avant, il me reprochait sans arrêt de trop en poser, d'être trop curieuse...
Et en plus de ça, il me dit qu'il était seul ?
Seul avec sa tête, son esprit torturé et sobre ?
Impensable.

- Pourquoi t'as sonné à mon appart, si tu ne t'attendais pas à me voir et ne vois plus Layla ?

- Je viens ici chaque jour depuis ton départ.

- Et tu prends la peine de sonner et d'attendre qu'on vienne t'ouvrir ?

- On ne m'ouvre pas d'habitude, alors je reste sur le seuil.

- Tu n'as plus ton double ?

- Si.

- Alors pourquoi tu n'entrais pas ?

- Parce que je voulais que tu m'y invites.

Je me stoppe dans mon interrogatoire, la bouche ouverte, ne savant plus trop quoi dire ensuite.
Puis, le plus important me vient :

- Est-ce que tu comptes t'excuser un jour ? Est-ce que tu comptes m'expliquer pourquoi t'as agi ainsi avec moi ?

- J'agis ainsi avec tout le monde.

J'ai envie de lui répliquer que c'est un connard, mais je lui ai déjà dit.
Alors je mange mon croissant en silence.
Puis :

- Et tu comptes t'excuser ?

- Non.

Ça a le mérite d'être honnête...

- Quoi ?

- Je ne vais pas m'excuser alors que je ne regrette pas. Et tu es là maintenant, on va pouvoir tout reprendre à zéro.

Et là, je perds toute notion du temps, je deviens carrément folle à lier.
Non seulement parce qu'il a le culot de clamer haut et fort qu'il ne regrette pas sa partie de jambes en l'air avec ma meilleure amie, mais en plus, il me considère déjà comme acquise, il croit que parce que j'ai couché avec lui, je vais rester à ses côtés...
Ce qui est peut-être vrai après tout, je l'ai déjà fait maintes et maintes fois, partir pour revenir.
Il sait qu'il m'a sous son emprise et je suis sa roue de secours dès qu'il n'a plus aucun plan cul.
Je suis sûrement la seule fille qu'il ait baisé plus d'une fois, je devrais me sentir unique et pourtant, je me sens tellement sale.

Et soudain, je me mets à penser à Fly, je me mets à le comparer à Dan parce que c'est devenu mon nouveau jeu préféré, parce que je ne sais plus trop de quel côté mon cœur penche.
Fly ne m'a jamais prise pour acquise.
Même quand je lui ai annoncé que je restais, même quand il m'a pris dans ses bras, même quand il a séché mes larmes...
Tout ce qu'il prenait pour acquis, c'était mon bonheur, il savait qu'il était le seul à pouvoir m'en offrir un tout nouveau.
Et puis il ne m'a jamais trompé, certes on a jamais été en couple, mais je sais qu'il ne ferait jamais ça.
Ni avec moi, ni avec aucune autre.

J'essaie de me lever pour partir, mais Dan me stoppe dans mon élan en disant :

- J'ai aussi cherché ton père pendant ton absence.

- Tu as fait quoi ?

Je n'en reviens pas.
Je lui ai parlé de mon père une fois seulement et il était défoncé.
Je n'en reviens pas qu'il s'en soit souvenu et qu'en plus, il l'ait cherché pour moi.

Je secoue la tête en me rappelant qu'il fait ça seulement pour m'avoir sous son aile.
Et il n'a pas du beaucoup chercher, il a dû survoler quelques journaux, annulaires...

- J'ai une adresse, dit-il.

Je me sens ouvrir de grands yeux et il sourit à cette réaction.