PDV SKY- Ça sera comme d'habitude, commande Fly, pour deux.
- C'est parti !
La jeune serveuse s'empresse de partir vers les cuisines tandis que nous nous installons à une table.
J'ai encore du mal à croire que je laisse un inconnu me payer à manger, dans un restaurant au bord de la plage.
Nous sommes contre une baie vitrée avec vue sur la plage, la table est décorée de sable et de coquillages.Fly replace ses lunettes d'un geste mécanique.
- Ce sont des lunettes de repos ou tu as vraiment un problème de vue très avancé ?
Il semble content que je le questionne sur ses yeux plutôt que sur quoique ce soit d'autre.
- Juste un accessoire, se contente-t-il de répondre tandis que la serveuse approche.
Des croissants, du café, du chocolat au lait, de la confiture pour tous les goûts...
C'est le paradis.
Je pourrai tout engloutir.Quand la serveuse repart, la conversation que je tenais avec Fly un peu avant me reviens :
- Tu portes des lunettes, parce que tu en as envie ? Pas parce que tu en es obligé ?
Il hausse les épaules.
- C'est un accessoire de mode comme un autre. Je ne comprends pas pourquoi les lunettes sont reliées à un problème de santé, un handicap.
Je ne m'étais jamais penché sur le sujet, mais maintenant qu'il en parle, beaucoup de personnes sont bien plus belles avec des lunettes que sans.
C'est comme le maquillage : les femmes sont belles avec, mais très souvent, quand elles le retirent, elles ressemblent à des thons.Et puis Fly est très joli ainsi.
La rondeur des lunettes affine ses traits et leur noirceur fait ressortir ses yeux.
Et quand il les remet en place d'une main, ça le rend que plus attirant.
Bon sang, j'ai vraiment dit qu'il m'attirait ?
Fichu gueule de bois !- Et donc..., commençai-je, tu travailles dans un bar le soir et tu vis au bord de la plage.
- C'est ça. Je me coltine ma sœur et supporte mon meilleur ami.
J'ai envie de lui dire que la colocation, c'est de la merde, qu'on ne peut faire confiance à personne au point de partager son toit.
J'ai envie de lui dire que vivre avec sa sœur, c'est quand même assez spécial, surtout maintenant qu'ils sont adultes et qu'ils ont le choix.
Mais je m'abstiens, parce que je sens qu'il ne dit pas tout, qu'il a ses secrets.- Alors, à mon tour, dit-il. Tu vivais où avant de débarquer ici ?
- Manhattan. J'ai grandi là-bas.
- Ça doit te faire tout drôle de quitter ta ville natale, surtout si tu n'as jamais bougé.
Pas vraiment.
J'ai le mal du pays, mais je n'y retournerai pour rien au monde.
Plutôt crever que de recroiser Layla et Dan.- J'ai pas mal bougé ces dernières années, dis-je.
Je cherche mon père.
Mais ça, il n'a pas besoin de le savoir.- J'ai de la famille en dehors de Manhattan.
Il baisse les yeux sur son croissant et l'enfourne presque entier dans sa bouche.
D'accord : il n'est pas très branché famille.- Parle-moi de tes passions, je demande.
J'ai l'impression qu'il va se mettre à rire.
Son regard se fait un peu fuyant, il regarde son café, la salle, le plafond...
Puis... :- Je jouais dans un groupe, j'aime bien la musique.
- Et... ?
- Et mes potes ont grandi, ce sont trouvé une copine et ont abandonné le groupe.
- Oh.
Je me tripote les doigts, un peu mal à l'aise.
On ne devrait pas tracer un trait sur ses rêves, encore moins sur ses passions.
Et ça ne devrait pas être de la faute des autres si on abandonne.- Et tu joues encore, toi ?
- Je n'arrive pas à écrire des partitions. C'est Gus qui s'en chargeait.
Pourquoi est-ce que j'ai l'impression que sa vie est encore plus pourrie que la mienne ?
Et pourquoi est-ce que ça me rassure ?
Je suis quelqu'un d'horrible.- Je peux tenter le coup, je déclare. Je peux essayer de t'en écrire.
- Tu es musicienne ?
- Presque : je suis écrivaine.
Il hausse les sourcils, comme si je venais de lui apprendre que j'étais un Alien.
- Mais ce n'est carrément pas pareil ! Je respecte le boulot des auteurs, hein. Mais la musique et les livres...ils ne font pas bons amis.
- Qu'est-ce que ça me coûte de tenter ?
- Ça ne s'apprend pas du jour au lendemain.
- C'est un don comme un autre : on l'a ou on ne l'a pas.
Je décide que ça y est : j'ai entièrement merdé.
Du début à la fin.
Je suis en train de lui proposer mon aide et par la même occasion, j'annonce que je reste.
Je suis en train d'accepter la colocation, à quatre.
Comme si la colocation à deux ne m'avait pas servi de leçon.- Parle-moi de lui, souffle Fly, le Trompeur.
- Tu vas réellement l'appeler comme ça ?
- Je trouve que ça lui va bien. Alors ?
Je pousse un long soupir, en posant mes coudes sur la table.
Je ne me sens pas prête à parler de Dan.
Je sais que je m'effondrerai à la seconde ou je prononcerais son nom.
Pourtant, je me sens prête à parler de lui à Fly.- Il a couché avec ma coloc Layla. J'étais avec lui depuis plus de trois ans et c'était le genre de gars...
Je serre les paupières pour me concentrer seulement sur les battements de mon cœur.
- C'était le genre de gars qui se fichait pas mal d'où tu te trouvais, du moment que lui, il était à un endroit qui lui plaisait, avec ses potes et quelques putes. C'est le genre de gars qui, en trois ans de relation, ne va pas t'offrir une fleur, te dire "je t'aime" une seule fois.
Quand je regarde de nouveau Fly, il me prend la main.
Je le laisse faire.- C'est le genre de gars qui va te dire combien tu comptes pour lui quand tout se termine, quand c'est le moment de se quitter. C'est le genre de gars dont on tombe éperdument amoureuse, on sait qu'on se pète la gueule en l'aimant, mais on continue, parce qu'il est comme une drogue. Dangereux, mais tellement envoutant.
Une larme coule le long de ma joue et fini sur la nappe de la table.
Fly en essuie une sur l'autre joue en me souriant tristement.- Il y a des types comme ça, qui ne méritent pas l'amour. Qui ne savent pas quoi en faire et qui le ruine totalement. Ce n'est pas fait pour eux...

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BLUES
RomanceQuand Fly rencontre Sky, elle est ivre, triste et son cœur semble brisé à jamais. Mais malgré sa peine immense, elle reste la plus jolie femme qu'il n'ait jamais vue. Il lui propose alors son aide et à partir de là, les deux jeunes adultes vont app...