BLUES

chapitre 10

PDV SKY

Une semaine passe.
Je n'ai jamais autant apprécié le vent dans mes cheveux, le sable sous mes pieds, le soleil dans mes yeux...

J'ai aidé Fly toute la semaine dans ses partitions, je n'aurai jamais cru qu'il y avait autant de boulot derrière une simple chanson.
Lui, il écrit les paroles, des "flymes" pour mon bouquin et parfois, il joue ce que j'écris.
Je crois qu'il apprécie mon travail, que ce que je lui donne à jouer lui plaît.
Mais j'ai du mal à croire que j'ai ça dans le sang, que j'ai le truc, parce que j'ai mis une semaine pour une seule partition.
Ce qu'il aime, c'est jouer de la guitare, il a été aux anges toute la semaine.

- Tu devrais mettre de la crème solaire, tu vas cramer.

Je détourne le regard de la mer et observe Fly qui sort de la maison, descend les marches et me rejoins dans le sable.

- Qu'est-ce que tu fais de beau ?

J'essaie du mieux que je peux de dissimuler les journaux entre mes bras, mais Fly les aperçoit.

- Tu lis le journal, toi ?

Je serre tellement fort le papier, qu'il se chiffonne entre mes doigts.

- Hé...

Fly vient s'asseoir à côté de moi et me prend dans ses bras.
Je ne sais pas exactement quand est-ce qu'on a dépassé le cap d'inconnu, de jeunes adultes complètements dans la merde.
Mais une chose est sure, on l'a dépassé et il n'est pas du genre à laisser ma peine m'atteindre.

- Je cherche quelqu'un de ma famille, je lui apprends.

Il fronce les sourcils et desserre un peu son emprise autour de ma taille pour me regarder.
Je vois qu'il se fait un tas de films et qu'il est complètement paumé, mais je n'ai aucune envie de lui confier cette part de moi.

- Fly...

- Ça va, je comprends. Tu as encore besoin de temps pour...

Il ne finit pas sa phrase, à quoi bon ?
Moi-même, je ne sais pas de quoi j'ai besoin, combien de temps encore avant que je redevienne Sky ?
Comment puis-je passer à autre chose, essayer quelque chose de nouveau, si je suis coincée dans cet hier à l'intérieur de moi-même ?
J'ai envie de crier, de pleurer et de me rouler en boule.
Je sais que ce n'est pas la solution et que je devrai m'en foutre, parce que Dan, lui, il ne se gêne certainement pas pour coucher et rire avec Layla.
Mais mon amour pour lui reste en place, plus stabilisé que jamais.

- On rentre ? J'aimerais écrire quelques lignes pour mon livre, dis-je.

Je me lève avant d'entendre sa réponse, avant même qu'il n'est eu le temps d'analyser ma question.

Je croise Matthys dans le salon qui mène à la chambre de Fly.
Il est couché sur le canapé et décuve, comme chaque matin :

- T'es pas mal habillée comme ça, dit-il en me lorgnant.

Je jette un coup d'œil à mon jean tout troué et à mon tee-shirt gris, froissé à cause de son long voyage en valise.
Matthys se fout de ma gueule, évidemment, pourquoi est-ce que ça m'étonne ?

- Va au diable, crachai-je.

- J'y compte bien ! me crit-il en retour alors que j'ouvre la porte de chambre.

Je m'affale sur le lit, Fly a laissé la musique enclenchée.
C'est du AC/DC qui se fait entendre.

« Je suis sur la route de l'enfer... »

J'aime bien cette phrase.
Comme si c'était un chemin bien droit, qu'on avait le choix de suivre ou non.
Comme si on pouvait décider d'être heureux ou malheureux.

J'aime bien cette phrase.
Comme si l'enfer était un endroit bien réel, et s'il est réel, il en est bel et bien ma destination.
Comme si on avait qu'à virer de bord, pour atterrir ailleurs.

Fly entre dans la pièce au moment où la musique s'arrête.
Comme à son habitude, il ouvre la porte tout en parlant :

- J'y ai bien réfléchi et... on devrait former un groupe.

- Quoi ?

- Oui ! On essaie de rassembler les déchus de la musique.

Je me redresse sur le lit et le regarde un peu en biais :

- Fly, je ne te suis pas du tout.

- On ne peut pas laisser les gens arrêter de jouer de la musique. Je vais former un groupe, il s'appellera... Bon ça, on peut voir plus tard !

- Tu veux nommer ton groupe, "bon ça, on peut voir plus tard" ?

- Non !! Ecoute Sky, depuis que tu es entrée dans ma vie, je fais des tas de choses sur un coup de tête et ça m'a plu jusqu'à maintenant. Ça ne serait pas génial ?! Tu imagines ? Toutes ces personnes qui ont été obligées à un moment ou à un autre d'arrêter la musique... elles seront toutes à ma porte !!!

Je prends le temps d'observer sa mine enchantée, histoire de m'en souvenir le jour où il ne trouvera personne devant sa maison.
J'hésite entre lui donner mon point de vue et le laisser vivre son kiff.
Je ne dis rien.