chapitre 23

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PDV FLY

Mes yeux passent de Sky à Ray en un temps record.
Je crois que je ne respire plus, ou peut-être bien que mon cœur a cessé de battre, mon corps s'est figé, comme mis en suspens.

Sky a l'air aussi surprise que moi quand elle croise mon regard, je sais qu'elle y voit de la tristesse.
Et elle sait autant que moi que cette tristesse lui est destinée, c'est de sa faute. 
Sa main se plaque sur la bouche et elle parcourt mon corps des yeux, à la recherche d'une autre anomalie.

- Sky...

Son prénom sort de ma bouche sans que je lui permette, je ne me retiens plus, je ne veux plus lui cacher ce que je ressens.
Et là, je ne sais absolument pas ce que je ressens.
Je suis perdu.

Elle est revenue pour Ray et Ray est son père.
Comment ne m'en étais-je pas rendu compte plus tôt ?
Les cheveux de blés de Ray, ses yeux presque aussi éblouissants que ceux de Sky...
Lui dans mon bar en train de se saouler pour une fille.
Elle dans mon bar en train de se saouler pour un garçon.
Ils sont pareils et c'est impossible de le nier.
Quand je pense que j'ai dit pleins de choses à Ray, je lui ai avoué que sa fille ne me laissait pas indifférent, qu'un gars l'a blessée...

Je.
Suis.
Mal.

Cette fois je suis carrément mal barré et si ce n'est pas Ray qui me tue, je sais que Sky s'en chargera.

Je fais un pas en avant, mais Sky recule dans les bras de son père.
Elle ne sait pas comment agir avec moi, je le vois bien dans ses yeux.
Elle cherche à se donner un air vexé, énervé, mais elle est juste aussi paumée que moi.

- Fly, dit-elle.

Seulement ça.
Prononcé du bout des lèvres, comme une question, sans en être tout à fait une.

J'ai passé une semaine affreuse loin d'elle et je voudrais lui dire tant de choses, lui faire tant de promesses d'avenir...
Mais les mots ne sortent pas, parce que son regard affolé m'intime de ne rien dire, de laisser le temps faire ce qu'il faut.
Elle doit déjà se faire à l'idée qu'elle a son père à ses côtés.

Je me tire un peu les cheveux, pour rester sur Terre, pour m'empêcher d'avancer vers elle.
J'essaie de rester calme, de me comporter en adulte et je demande :

- Alors c'était d'elle que tu me parlais hier, pendant que je te servais des vodkas ?

Ray a l'air abattu, il ne sait pas trop s'il est censé affirmer avoir bu devant sa fille.

- Euh...

Sky me regarde bien en face, comme pour me dire de me taire.
Chose que je fais dans la seconde.

- Je suis désolé, murmure enfin Ray, pour hier.

Je fronce les sourcils, ne sachant trop pourquoi est-ce qu'il s'excuse.

- Tu étais encore plus mal que moi et je sais qu'on pleurait tous les deux la même Sky, sans vraiment le savoir. Tu avais besoin de mon aide, je le sais. Parce que tu n'as pas travaillé pendant une semaine et je sais que tu n'es pas du genre à rester chez toi, à glander, réfléchissant à un tas de choses inutiles... Tu étais triste, paumé et tu avais besoin de mon amitié et je suis profondément désolé de t'avoir mis un poids en plus sur les épaules.

Sky pose une main sur son bras et me demande :

- C'est vrai ça ?

- Q... quoi ?

- Tu n'es pas allé travailler ?

Je secoue la tête, elle n'a pas besoin de plus pour fondre en larmes.
Elle prend alors pleinement conscience du mal qu'elle m'a fait, au point que je n'ai plus eu la force de me lever le matin.

- Et je suis désolé pour toi aussi, dit Ray en se tournant vers Sky. Je suis désolé que tu sois mal en point à cause de ce gars et que tu sois incapable de t'attacher à Fly qui est un très bon garçon, j'en suis certain... Vous êtes adorables tous les deux et si tu savais les soirées qu'on a passées à parler de toi. Si j'avais su que tu étais ma fille, si j'avais seulement su que j'en avais une...

Sky a soudain l'air en colère :

- Tu ne savais pas pour moi ? Alors c'est ça, tu n'as même pas cherché à savoir ?!

- Ce n'est pas ça, ta mère ne m'a jamais rien dit. Comment aurais-je pu deviner que...

- Ne rejette pas la faute sur ma mère ! J'ai passé ma vie à te chercher moi, est-ce que tu as seulement conscience de ce que ça représente ? Chaque jour de mon existence, j'ai pensé à toi, chaque jour de mon existence, j'ai prié pour te rencontrer un jour.

- Sky...

Ray a l'air franchement mal, il serre les poings et s'en veut affreusement, c'est certain.
Sky est en train de le faire culpabiliser.

- Chaque jour, dit-elle difficilement, j'ai eu envie de pouvoir te toucher, te sourire et te voir. Je te voulais à mes côtés et... tu apprenais le surf à d'autres gosses ?!

- Sky, bon sang.

- Tu n'as pas idée de ce vide que tu as laissé, de ce truc qui me ronge le bide du matin au soir et tu...

Ray souffle fort, faisant taire Sky.
Quand il relève les yeux vers elle, elle en est bouche bée : son père pleure.

- Écoute, dit-il, je sais que tu es en colère, je comprends. Je ne t'ai pas vu devenir celle que tu es... et je te vois maintenant, après tout ce temps, après tous les combats que tu as menés. Et je sais que jamais, à aucun moment de ta vie tu n'aurais eu besoin de moi de toute façon, parce que tu as tout pris, tout ce que tu as traversé, toute la souffrance, et tu l'as transformé en force. Et pour ça, je suis fier de toi... si fier.

- Papa...

- Tu n'as eu besoin de personne, tu t'es débrouillée toute seule. Tu as continué d'avancer sans ton père et avec ton cœur brisé et tu as rencontré Fly. N'est-ce pas un signe qu'il devait te venir en aide ? On m'a souvent dit que " quand tout va mal, ça ne pourra qu'aller mieux " eh bien, le voilà ton mieux.

Sur ce, il me désigne d'une main.

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