chapitre 14

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PDV SKY


J'ai terminé une seconde partition quand Fly débarque dans la chambre, en disant :

- On sort.

- Quoi ?

- On sort. On va marcher sur le sable, manger, voir des gens, danser... s'amuser.

Je fronce les sourcils.
Depuis mon arrivée ici, jamais Fly ne m'avait proposé de sortir avec lui, pourtant, j'en mourrais d'envie.
Je mourrais d'envie de me changer les idées.
Mais là, ce soir, alors que je me sens mélancolique d'avoir terminé cette partition, je doute.

- Je viens de terminer ta nouvelle chanson, dis-je timidement.

Je lui tends le papier d'une main tremblante.
J'ai cette appréhension, cette petite tension dans mon ventre, cette boule dans ma gorge...
Et s'il me rit au visage, s'il n'aime pas ce que ça donne ?

Son regard accroche le mien, une seconde de trop.
Une seconde de trop, il s'attarde sur mes yeux, mes lèvres...
Puis il prend une de ses guitares, s'assoit sur son lit et se concentre sur la partition.

Le rendu me plaît, tout à fait comme je l'imaginais.
Mais quand Fly s'arrête de jouer, il ne bouge plus d'un poil, serre sa guitare contre lui et ne dit pas un mot.
Il ne me dit pas que c'est nul, mais ne dit pas non plus que c'est bien.
Ce qui commence à me faire sérieusement douter de ma capacité à écrire des partitions, à faire quelque chose d'intéressant pour une fois dans ma vie.

- Sky...

Il semble perdu, comme-ci cette musique représentait un énorme dilemme, il a l'air en pleine réflexion et je ne comprends absolument pas ce qu'il se passe ensuite.
Il se lève d'un bon, afin de déposer sa guitare à l'autre bout de la pièce.

Quand son regard croise de nouveau le mien, il ne se contrôle plus.
Je vois sa poitrine se soulever, ses mains tirent sur ses cheveux et ses yeux se font plus fous.

- Bon sang, Sky...

Ce ne sont plus des mots, ce sont des gémissements, il couine son désarroi.
Et je mets un temps fou à comprendre ce qui le désarçonne ainsi.

J'essaie de m'approcher, mais je vois son corps se tendre, se figer.
Alors je fais machine arrière et m'assois sur le lit.
Je le regarde regarder le plafond, le sol, les cassettes, les posters...
Tout, sauf moi.

- C'est parfait, c'est magnifique, c'est sublime, c'est époustouflant, tu... c'est tellement, tellement génial ce que tu me fais. C'est tellement beau ce que tu fais à mon cœur.

Il a l'air tellement vulnérable en cet instant que j'en perds mes mots, je suis à bout.
Je suis à bout et j'ai la certitude que je vais mourir d'une crise cardiaque, d'une overdose de Fly, de vie, de bonheur.

Il me tourne le dos et plaque ses deux mains contre le mur, baisse la tête.
Je vois son dos parcouru de frissons.

Je sais que je devrai parler, je devrai me lever, le prendre dans mes bras, lui souffler que moi aussi, je trouve ça génial, nous deux, ici.
Mais je ne fais rien de tout cela, parce que d'un coup, je vois Dan.
Je pense à ce gars qui m'a détruite et je me dis : "Qu'est-ce qui empêcherait Fly de faire pareil ? "
Et je me sens tellement désorienté, tellement paumé, que je fuis, je quitte la chambre de Fly en courant.

Je passe le couloir, la cuisine, puis traverse le salon.
J'ouvre la porte en grand et cours jusqu'au sable.
Mais je suis stoppée dans mon élan par une masse, un corps face à moi, qui retient mes épaules pour m'éviter de chuter.
Je ne relève pas la tête, parce que je vois ses chaussures et je sais déjà qui s'est, je sais déjà ce qui va suivre...

- Sky ?

Matthys me secoue un peu.
Je sais qu'Ari est dans son dos, je vois des pieds plus petits.

- Sky, où vas-tu ? demande-t-elle. Je pensais que tu voulais rester pour finir d'écrire les partitions de Fly...

Elle a l'air perplexe, elle sent que quelque chose cloche et je dois me dépêcher de trouver une échappatoire.

- En fait, dis-je, j'ai fini. Je voulais prendre l'air... seule.

- Où est Fly ? demande Matthys d'un ton sévère.

Lui aussi, il sait.
J'ai fui son ami, j'ai brisé son ami.
Matthys n'attendait que ça, que je fasse une connerie, et bien la voilà sa bêtise !
Il n'a plus qu'à me virer.
Mais de toute façon, je partirai avant qu'il n'en ait le temps...

- Dans sa chambre, dis-je d'une petite voix.

Il se décide seulement à lâcher mes épaules et s'écarte un peu.

- Tout va bien pour toi ? s'enquiert Arizona.

Je hoche la tête sans la regarder pour autant et disparais dans l'ombre, loin, le plus loin possible de cette vie, de Fly...

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