BLUES

chapitre 8

PDV SKY

Ce matin, je me sens déjà un peu mieux.
J'ai une migraine et des courbatures en moins, ce qui est déjà un début.
Le matelas de Fly est divin et a fait des miracles sur mon corps et mon sommeil.

- Bien dormi ?

Je sursaute à l'entente de la porte qui s'ouvre.
Une seule personne au monde ouvre une porte à la volée et parle en même temps : Fly.

Je ne sais pas trop comment agir étant donné que je suis en sous-vêtements sous sa couette et qu'il n'est vêtu que de son boxer (encore une fois).

- Je...ouais. Ton matelas est hyper confortable !

Il me sourit tout en ouvrant son armoire.
J'admire les muscles de son dos qui se tendent tandis qu'il attrape ses vêtements.

- Tu as travaillé tard hier soir ? je demande.

- Comme chaque fois, jusqu'à la fermeture.

Dans mon souvenir, je suis entrée dans le bar vers 23h00.
Je n'ai absolument aucune idée de l'heure à laquelle il ferme.

- 3h00, dit Fly comme s'il lisait dans mes pensées.

Il se tourne de nouveau vers moi, vêtements en mains.

- Si tu as besoin de la salle de bain, n'hésite pas. Tu sais où la trouver. J'ai déjà pris ma douche hier soir, en rentrant du boulot.

J'ignore pourquoi il se sent obligé de préciser qu'il s'est lavé.

- Très bien, dis-je au bout de quelques secondes de silence. Mais il faudrait que tu quittes la chambre pour que je puisse m'habiller.

- Oh.

Il semble tout à coup pressé de partir, je lui demande :

- Je ne risque pas de croiser Matthys dans la salle de bain ?

- Non, aucun risque. Il passe ses nuits et ses débuts de matinée dehors.

Je lève les yeux au ciel.

Ce Matthys est l'exemple typique du gros crétin de première.
Comme Fly hésite sur le seuil, je lui souris comme pour lui dire : "Ça va, ne t'en fait pas. Je ne risque pas de tuer ton coloc aujourd'hui. "

Dans un hochement de tête, il quitte la pièce et je me dirige vers la salle de bain adjacente à sa chambre.

                           ***

- Alors c'est toi, la nouvelle coloc ?

Alors que je m'apprête à sortir de la maison pour rejoindre la plage, un gars aux cheveux bleus m'arrête sous le porche.
C'est marrant, on a parfois tendance à s'imaginer les gens, à se créer une image d'eux, quitte à les changer complètement de ce qu'ils sont réellement.
Je m'imaginais Matthys plus baraqué, plus attirant, presque sexy.
Je l'imaginais avec de beaux yeux noirs, les cheveux bruns en bataille, le portrait typique de Dan.

Mais il est mince, grand, avec les cheveux bleus et couvert de tatouages.
Et c'est assez impressionnant parce que je m'étais préparée à cet affrontement, en l'imaginant complètement différemment.

Lui aussi, à l'air totalement désemparé.
Comme si Fly avait omis de lui parler de moi, comme s'il ne s'attendait pas à me voir aujourd'hui, ni jamais.

- Je m'appelle Sky, dis-je. Et...euh. Ouais, c'est bien moi la petite nouvelle !

- Et quoi...t'es genre une sorte d'alcoolo ? Une alcoolo super canon qui se fait payer ses verres ?

Nous y voilà...

- Tu te prends pour qui espèce de...

- Sky !!

Je sens Fly dans mon dos, il pose ses mains au creux de mes reins et me murmure à l'oreille :

- Je sais : c'est un crétin. Mais s'il te plaît, garde le pour toi.

- Ça tu peux le dire : C'EST UN CRETIN, je hausse le ton afin d'être sure que Matthys m'entende.

Fly toujours dans mon dos, souffle d'exaspération, à en faire voler mes cheveux.

- Ecoute Mat', commence-t-il, elle...

- Ça va, crache-t-il, j'ai compris. Elle t'a envoûté et t'es accro.

- Je...non !

Matthys a un petit rire et je sens les mains de Fly se crisper contre ma peau.
Je ne sais pas si c'est parce que je n'ai pas été touchée depuis plus d'un mois, ou parce que c'est Fly, mais je suis parcourue de frissons.
Même sans s'en rendre compte, il me fait du bien.
Mais qu'est-ce que je raconte ?!

- Je...hum, commençai-je. Je voulais juste aller marcher un peu sur la plage.

- Je t'accompagne, murmure Fly. Je t'invite à manger au passage.

- Non. Tu m'as déjà invitée hier.

- Rien ne m'empêche de recommencer.

Matthys nous pousse un peu pour pouvoir accéder à la porte d'entrée.
Quand il me frôle, il chuchote :

- J'ignore ce que tu fiches ici, mais à la première connerie je n'hésiterai pas à te virer.

Virer.
Comme si j'étais une gamine incapable de se tenir.

Fly se recule, lentement, prenant bien le temps de me caresser une dernière fois, me rendant presque folle au passage.

- Je suis vraiment désolé. Je savais qu'il serait infect, mais pas à ce point.

- Il est toujours aussi... ?

- Con ?

- Ne me coupe pas. J'allais dire "direct".

Il hausse les épaules, descendant les escaliers.
Il hôte ses chaussures quand il atteint le sable et me tend une main pour m'inviter à en faire de même.

- Il accorde une certaine importance à l'honnêteté, explique finalement Fly.

Je commence à marcher, me demandant ce qu'il penserait de ma sincérité, si je lui balançais tout ce que je pense de lui au visage.
Les gens accordent une certaine importance à beaucoup de choses, mais quand ça se retourne contre eux, ça plaît de suite moins.

Nous avons une vue extraordinaire sur la plage et son lever de soleil.
Je me souviens alors ce que je fais ici, je me lève en même temps que le ciel.

- Je dois écrire un bouquin, en plus de tes partitions, dis-je.

Je ne lui dis pas que je compte écrire sur Dan, pour Dan.
Pour lui prouver à lui, et au monde entier, que ce qu'il m'a fait me passe au-dessus, que je vais bien.

Puis je me dis que la plupart des choses qu'on fait, on les fait pour les autres.
C'est vrai !
Qu'est-ce que vous avez fait pour vous-même au cours de votre vie ?
Ce genre de chose peut se compter sur les doigts d'une main.

- Tu écris sur quoi ? demande-t-il.

Soit il m'a grillé.
Soit il s'intéresse à moi.
Dans les deux cas, il me porte bien plus d'intérêt que Dan.
Pourquoi est-ce que je le compare à Dan d'abord ?!

- J'écris sur les peines que peuvent provoquer l'amour.

- Et tu crois que c'est comme ça que tu vas te remettre du Trompeur ?

Dan.
Bon sang, Dan.
Comme il me manque, affreusement, terriblement, cruellement...

- J'aime écrire sur ce qui me révolte, expliquai-je. Ça fait du bien à l'esprit.

- Et ton cœur va tenir le coup ?

- Mon cœur ? Quel cœur ?