BLUES

chapitre 18

PDV FLY

         
Le truc avec l'amour, c'est que c'est éphémère, il se fait désirer, puis on l'oubli facilement.
J'ai aimé des filles au cours de ma vie, beaucoup, et j'en aimerais d'autres.
Parce que c'est comme ça, on oublie les premiers amours, pour pouvoir en vivre d'autres.
A croire que la recherche d'amour est la seule quête véritable de toutes nos existences, puisqu'on recommence inlassablement malgré la peine.

Le truc avec l'amour, c'est qu'on sait que ça va finir par nous retomber dessus tôt ou tard.
Un jour, on va se réveiller et la personne qu'on aime ne sera plus là, ou alors ça sera nous la personne qui partira.
Parce que c'est comme ça, on part, on se quitte, et ça déchire celui qui reste, celui qui voulait continuer.
A croire qu'on est maso, à croire qu'on est con, on se casse la gueule et on en redemande.
C'est comme tomber de six mètres, se casser les jambes et vouloir remonter.

Le truc avec l'amour, c'est que c'est une drogue, on en veut toujours plus dans cette société où, pour être cool, il faut être aimé de tous les côtés.
L'amour n'est plus ce qu'il était, il est devenu aussi manipulateur que ses occupants.
Il nous fait croire au prince charmant et nous met face à des violeurs, des tueurs, des drogués, des enculés.
Parce que c'est comme ça, nous ne vivons pas dans un conte de fées, nous sommes sur Terre, avec l'interdiction de trop rêver.
A croire que l'amour est devenu un putain cliché, une putain de publicité.

- Fly...

Chaque matin, Ari tente de me faire lever.
Je sais qu'elle pense bien faire, qu'elle veut m'aider, me ramener dans la lumière...
Mais j'ai envie de rien et encore moins de me lever et travailler au bar.

- La vie continue, dit-elle.

Je sais qu'elle doit bientôt repartir pour le boulot et qu'elle est triste de ne pas avoir assez profité de moi.
Je le suis aussi, triste.
Mais pour toute autre raison.

J'entends les pas lourds de Mat', qui rejoint ma sœur sur le pas de ma porte.
Puis c'est un déclic inhabituel qui me pousse à m'asseoir dans mon lit.
Matthys est en train de crocheter ma serrure, je me recouche en sachant pertinemment qu'il n'y arrivera pas.

- Debout, beugle-t-il alors que je replonge dans un sommeil profond.

Et en deux-temps trois mouvements, il est sur moi, m'empoigne le tee-shirt et me fait lever.

- On a assez joués comme ça, ça fait une semaine que ça dure bon sang !

J'ai envie de lui lancer un regard noir, terrifiant, qui le dissuaderait de me faire chier... mais mes yeux n'ont pas vu la lumière depuis des lustres et n'arrivent pas à rester ouverts.
Je pousse alors un long soupir et dis :

- Va te faire foutre, Matthys.

Il sait que quand je l'appelle par son prénom tout entier, c'est que je suis agacé.
Pourtant, il explose de rire et me donne une tape dans le dos.

- Allez mon pote, j'ai envie d'une bonne bière ce soir. On va à ton bar !

- Ce n'est pas mon bar, j'y travaille seulement, je grommelle. Et puis je n'ai aucune envie d'aller travailler.

- Le monde ne va pas s'arrêter de tourner pour toi, me dit Ari.

- Alors qu'il aille se faire foutre lui aussi ! Je m'en fiche, j'ai sommeil.

Matthys me retient avant que je n'aie eu le temps de tourner les talons vers mon lit.
Il me pousse presque hors de ma chambre, hors de mon lit à l'odeur de Sky...

- Tu as dormi toute la semaine, déclare-t-il, tu dois prendre une douche maintenant.

Et le voilà qui m'enferme dans la salle de bains avant que j'aie le temps de dire "ouf".

- Et frotte bien partout, crit-il alors qu'il s'éloigne déjà, tu ne sens pas la rose !