chapitre 15

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PDV FLY


Il fallait que ça arrive.

J'aimerais pouvoir dire que j'ai préservé mon cœur de tout ça, que je l'avais préparé au départ de Sky.
Mais la vérité, c'est que mon cœur voulait simplement Sky, toujours plus proche de lui.
Il la voulait le matin à ses côtés, dans le lit, sur le canapé, sur le sable, n'importe où, il voulait se réveiller à ses côtés.
Il la voulait la journée, assise par terre dans la chambre, occupée à écrire, elle ne l'aurait pas vu s'attacher à elle.
Il la voulait la nuit, dans un bar, ivre et désespérée, prête à reprendre sa vie en main dès le lendemain.

Je ne demandais pas plus qu'elle.
C'était elle, ça a toujours été elle.
C'était elle à deux heures du mat et en plein milieu de l'après-midi.
C'était elle quand je pleurais en silence, quand je riais et quand j'écrivais.
C'était elle quand je dormais, mangeais et travaillais.
Elle était tout, elle est tout.
Et elle est partout.
Et bordel, ce que j'aime la savoir dans ma tête constamment !

On frappe à ma porte, je ne me lève pas du lit, je reste sous ma couette, prêt à mourir de chaud là-dessous.

- Fly, je t'en prie..., couine ma sœur.

- C'était une imbécile, dit Mat', une alcoolo ! Tu n'as pas voulu m'écouter et voilà où... aïe !

Arizona a dû lui donner un coup pour qu'il se taise et à présent, c'est le silence complet.

Voilà deux jours que j'ai tenté de lui avouer ce que je ressentais.
Voilà deux jours qu'elle est partie en courant.
Voilà deux jours que ma vie n'est plus qu'un combat quotidien.

Je me réveille, je pense à elle, je me rendors.
Je me lève seulement pour aller aux toilettes.
Me laver et manger, c'est en option.
Prendre le soleil, toucher le sable, travailler et voir des gens, c'est en option.
Tout est en option, hors-mis Sky qui doit revenir un jour, deux journées sans elle s'est déjà bien trop long.

- Fly, tente de nouveau ma sœur, tu la connaissais depuis seulement deux semaines...

C'est fou quand on y pense, c'est vrai...
Cet attachement presque immédiat, cette envie de la chérir, de la ramener à la vie.
Au fond, je savais que je faisais ça pour moi.
Je ne pouvais pas être heureux, parce que je vivais de mes propres moyens, sans jamais avoir connu mes parents, alors je devais faire le bien, je devais pouvoir rendre au moins une personne heureuse...
Non, ce n'est pas de l'attirance, encore moins de l'amour.
C'est l'envie de la ramener à la vie, de la rendre joyeuse, amoureuse à nouveau.
Et ça me bouffe, ça me ronge de l'intérieur.
Ce manque, ce besoin, ce désir... qu'on pourrait presque le confondre avec de l'amour.

- Okay, mon pote cette fois, je rigole plus, murmure Mat', assez fort pour que je l'entende à travers la porte.

Comme-ci je considérais tout cela comme une triste blague.
Je serre les poings sur ma couette et enfoui mon visage sous les coussins.
J'ai clairement conscience de passer pour un gamin, ou un gars en manque en cet instant, mais je m'en contrefiche.
Parce que la seule chose qui pourrait me ramener à la raison, c'est Sky.
Sky, Sky, Sky... je n'ai que ce nom à la bouche.

Parfois, la tristesse nous tombe dessus sans raison, sans qu'on l'ait vu venir.
On se sent heureux, on danse, on chante, on rit et puis, d'un coup, ça change, d'un coup le monde s'assombrit.
On se sent mourir de l'intérieur, on regarde dans le vague, on pleure, on cri et puis, on se dit : "A quoi bon sourire ? Personne n'est jamais là pour le voir".
On commence à se poser un tas de questions sur l'existence-même, sur notre impact sur les gens, la vie, l'amour.
Et puis on se rend compte, après maintes réflexions qu'on ne sert strictement à rien sur cette Terre, parce qu'on est qu'un pauvre humain paumé, larmoyant, avec un cœur brisé.
On ne se bouge pas le cul, on chiale à tout-va et on se plaint jour comme nuit.

Alors, non.
Non, on n'est pas exceptionnel, on ne changera jamais la mentalité des gens, on n'arrêtera jamais la guerre.
Et, oui.
Oui, on y pense de temps en temps, c'est normal de se demander à quoi on sert.
Mais la triste vérité, c'est qu'on est des putains de pantins inutiles.

Et l'ironie du sort veut que Sky me rendait plus fort, plus invincible.
Pour la première fois de ma vie, je me sentais important.
Non, je n'avais pas de parents.
Non, je n'avais pas une maison à moi.
Non, je n'avais pas beaucoup d'argent.
Mais je l'avais elle.
Je l'avais elle et ça me suffisais amplement, parce que tout ce que j'ai toujours demandé dans ma vie, c'est un peu d'attention, un peu d'amour.

- Fly, s'il te plait, souffle Ari.

J'entends sa tête s'appuyer contre la porte et je l'imagine regarder Mat' d'un air affolé.

Elle est ma seule famille, ma seule constante, la seule qui a toujours été là...
Elle, elle ne m'abandonnera jamais et aujourd'hui, je m'en rends compte plus que jamais.

- Ouvre seulement cette porte, je t'en supplie...

J'entends alors Matthys souffler, perdre son calme.
Ça n'a jamais été son truc d'attendre, de consoler, d'aimer.
Il ne sait pas trop où se mettre.
Mais je ne lui en veux pas, je le prends avec ses défauts, c'est à ça que sert un ami.

Je serre les paupières et décide de chantonner pour ne pas les écouter, eux.

« Nous aurons pour nous l'éternité. Dans le bleu de toute l'immensité. »

Je chante, je pleure.
Jusqu'à ne plus avoir de voix, jusqu'à ne plus avoir de larmes.

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