chapitre 5

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PDV FLY

- Tu ne m'as toujours pas dit ce que tu écrivais.

A la vue de sa voiture, elle se met à sourire :

- Je savais qu'elle n'était pas perdue !

Sky sort ses clefs et ouvre la portière du côté passager.

- Côté chauffeur, elle ne s'ouvre pas, explique-t-elle. Je dois l'ouvrir de l'intérieur.

Joignant le geste à la parole, elle m'apprend :

- Je n'écris plus depuis des mois.

Elle m'invite à monter, ce que je fais sans protestations.

- J'avais la tête ailleurs...

- Ce ailleurs ne serait pas le Trompeur, par le plus grand des hasards ?

Le regard qu'elle me lance ensuite, efface toute envie de la tester.

- Quand est-ce que tes colocs reviennent ?

Elle démarre.
Son air concentré est adorable, je pourrai la peindre, la photographier, ou encore écrire des chansons, rien que pour son visage en cet instant.
J'ai peur de prononcer un mot, parce que si je parle, c'est certain, elle s'envolera tel un songe.
Elle me fait penser à un rêve : trop lointaine pour être réelle.

- Arizona est en déplacement pour le boulot. Matthys devrait être là à notre retour, il a dû passer la nuit chez quelqu'un d'autre.

Du coin de l'œil, je la vois froncer les sourcils.
Elle doit penser que par "quelqu'un d'autre", j'entends "une fille avec qui il a baisé".
Et elle a entièrement raison, alors je ne sais pas quoi lui dire.
J'appréhende sa rencontre avec Matthys si déjà, elle commence à le comparer à Trompeur.
Il n'est pas du genre affectueux, mais ce n'est pas le dernier des connards non-plus.

- Tu penses souvent à lui ? je demande.

Elle serre le volant un peu trop fort, regarde droit devant elle et dans un premier temps, je me dis qu'elle ne répondra pas.
Mais quand on atteint ma ruelle, elle murmure :

- Mon amour pour lui me bloque. Je suis enfermée dans ma bulle d'amour et personne ne parvient à l'exploser, pas même moi.

                             ***

- J'ai fini par croire que tu m'avais abandonné ! cri Mat' quand j'ouvre la porte d'entrée.

Je passe le hall d'entrée et arrive dans le salon.
Il est couché sur le canapé et regarde la télé, un bol de pop-corn dans les mains.
Ses cheveux habituellement blonds sont teints en bleu et ses yeux bleus sont rougis.

- Qu'est-ce que tu as fait à tes cheveux ?

Il hausse les épaules et change de sujet :

- Je regarde les Retour vers le futur.

Je lève les yeux au ciel.
Il a dû les voir cent fois déjà.
C'est un grand fan de Doc, il dit que c'est un génie.
J'ai beau lui rappeler qu'il n'est pas réel, Matthys me répond sans cesse qu'il n'en est pas moins un génie.

- Met en pause, dis-je en m'essayant à ses côtés. J'ai un truc à t'annoncer.

Il me lance un coup d'œil, perplexe.

- Tu te maries ? demande-t-il en enfournant un pop-corn.

- Non.

- Tu attends un enfant ?

- Non.

- Tu es viré ?

- Non.

- Tu décides enfin de déménager ?

- Non !

Il finit par mettre en pause et me regarde droit dans les yeux :

- Tu as une MST ?

- Mais qu'est-ce que tu vas chercher ?!

- D'accord, d'accord ! Je m'en rapproche ?

Je souffle mon exaspération.

- C'est une fille, dis-je.

- Oh. Elle a une MST et elle va mour...

- Bon sang, Mat' ! Sois sérieux deux secondes.

Il se tait pendant deux secondes.

- Elle vient du passé ?

- Matthys, sérieux ?

Haussant les épaules, il murmure :

- On ne sait jamais.

- Elle s'appelle Sky et...

- Et elle est toute bleue comme le ciel ? C'est ça ? C'est un schtroumpf !!

Cette fois, j'abandonne, je m'enfonce dans le canapé et me passe les mains dans les cheveux.
Matthys n'est pas du genre à prendre la vie au sérieux.
Il garde son humour de jeunesse et ses farces de gamin.
Il peut continuer sur ce train-là toute la journée.
Même avec une gueule de bois.

- Je l'ai trouvé ivre au bar hier soir. Elle vient de Manhattan et elle va rester un peu, ici.

- Ivre ? J'espère pour toi que tu n'as pas ramené une alcoolo chez nous.

- Elle a eu un moment de faiblesse, de blues. Ça arrive.

Il remet le film en route et me lance :

- Elle n'aura qu'à prendre la chambre d'Ari.

- Je dormirais sur le canapé. Ari n'aime pas qu'on entre comme ça dans sa chambre, alors prêter son lit...

Mat' ri à une blague du film, il ne me prête plus aucune attention.

- Tu ne veux pas la rencontrer ?

- Après mon marathon de Retour vers le futur.

- Ce n'est pas très poli...

Bon sang, je croirai entendre ma sœur !
Toujours en train de me faire la morale.

- Depuis quand est-ce que je suis quelqu'un de poli, éclaire ma lanterne.

Je tourne les talons en serrant les poings.
Il pourrait au moins faire un effort pour Sky.
Elle mérite qu'on se bouge, qu'on bouge le monde entier, rien pour elle.

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