CHAPITRE VII.

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Derrière la baie vitrée, je découvre une longue table autour duquel, à droite, sont assis une vingtaine d'enfants. A gauche, quatre femmes ailées -et je reste calme en les voyant, car plus rien de m'étonne- remuent leurs baguettes et font servir par une force invisible chaque enfant en œufs et bacon.
Arthur et un autre homme restent silencieux, et, trônant au bout de la table, la Dame frappe dans ses mains pour demander le calme, en vain.

Ils discutent bruyamment, ne semblant pas m'avoir remarqué. Lorsque j'ouvre la porte fenêtre pour les rejoindre, un silence tombe et tous les regards se figent sur moi. Je déglutis, gênée, et je commence sérieusement à vouloir disparaître sous terre.
-Hum... Bonjour, je murmure, luttant pour ne pas m'enfuir en courant.
-Bonjour et bienvenue, Alpha, déclare la Dame en se levant.
Tous les autres se lèvent à leur tour et répètent les paroles de la femme.
-Assis toi, mademoiselle.
Je cherche une place libre, et Peter me fait signe en désignant la chaise entre lui et Charlène. Son bras est bandé et relié à sa nuque pour le maintenir.
La blonde me fait un grand sourire.
-Bien dormit ? me demande t-elle en avalant une tranche de bacon.

J'attrape ma fourchette et découpe l'œuf dans mon assiette.
-Oui, très bien.
Je n'ose pas relever la tête, de peur de croiser un regard curieux. Le silence reste présent, et la Dame semble remarquer mon malaise. Elle frappe à nouveau dans ses mains.
-Bon, mes chers, reprenons.
Le brouhaha repris de plus belle et je me sens rassurée.
-Ne t'inquiètes pas, ca ne durera qu'un jour, ensuite tous le monde te laissera tranquille, déclare Aria, assise en face de moi.
-J'espère, parce que c'est très gênant.
Une fois que tout le monde a terminé de manger, la Dame propose de faire des présentations. Chacune des personnes présentes autour de la table me donne son nom et son âge. Puis la femme nous laisse partir.

Je suis Peter, Charlene et Aria, ainsi que deux autres garçons, Constant et Aymeric, qui si j'ai bien compris partage le dortoir avec Peter. Nous sortons de la maison et débouchons dans la vallée où tombent de légers flocons. Je reste un instant sur le seuil de la porte à contempler, avant de me faire bousculer par une masse d'enfants se précipitant dehors. Je manque de tomber et me rattrape tant bien que mal sur la rampe du petit escalier qui grimpe jusqu'à l'entrée du manoir.
-Salut, Alpha ! me lance Gary en passant à côté de moi, tandis que Lois me fait un signe de main.

Je me dégage de l'entrée de peur de me reprendre une orde de surnaturels.
Charlene éclate de rire.
-Tu aurais vu ta tête, Alpha ! s'exclame t-elle, c'était épique !
-Ca va, ca va, je marmonne.
Elle rit de plus belle et je souffle, vexée. Peter me donne un coup de coude.
-Tu veux te venger, miss ? me demande t-il, sourire aux lèvres.
Il se baisse et fabrique tant bien que mal une boule de neige de sa main valide. Il me la tend et me pointe du menton Charlene qui marche devant, dos à nous, au côté des deux garçons et d'Aria. J'attrape sa boule de neige.
-T'es sur ? je lui demande.
-Mais oui !
Il me prend la main qui tient la neige et accompagne le mouvement de lancé. La boule s'écrase sur l'arrière du crâne de la blonde. Elle se retourne, nous foudroyant du regard, tandis que Peter explose de rire à mes côtés.
-Bien visée, miss ! s'exclame t-il avant de refaire une boule.

Charlene chuchote quelque chose et Aymeric, Constant, Aria et elle font tomber sur nous une dizaine de boules de neige.
-Bataille générale ! hurle quelqu'un.
Une pluie de projectiles volent alors devant le manoir. Tout le monde tire sur tout le monde dans une atmosphère emplie de joie. Peter m'emmène me cacher derrière un arbre et nous attaquons furtivement ceux qui passent devant nous.
Alors que je fabrique une réserve de boule de neige, je sens de l'eau gelée me dégouliner dans le dos. Je me retourne et découvre Charlene en train de rire.
-Oeil pour œil, dent pour dent ! s'exclame t-elle.
Je ris à sa réplique et attrape une de mes munitions.
-Alors c'est partit ! je déclare et lui balançant toute ma réserve à la figure. Elle s'enfuit en courant et en pouffant. Je m'élance à sa poursuite jusque dans une forêt, avant de m'écrouler, le pied coincé dans la neige m'arrivant au genoux.
-Attends, Char !

Évidemment, cette dernière ne m'écoute pas et je la perds de vue. Je regarde autour de moi. Je ne vois presque pas le ciel, le feuillage des arbres est beaucoup trop dense. Je suis en plein milieu d'un bois et ne connais absolument pas le chemin du retour. Je parviens après quelques efforts à retirer ma jambe de la neige.
-Char, s'il te plaît revient !

Je n'ai droit à aucune réponse. Je me mets à marcher, testant le sol avant d'y mettre un pied. Je passe quelques minutes à appeler mon amie et à retrouver la sortie du bois, sans succès. Je sors mon téléphone. Pas de réseau. Super. Vraiment super. Et pourtant, la journée commençait à merveille.
Mon sweat est de plus en trempé et je me recroqueville un peu plus, me frottant les bras pour me réchauffer.
-Y a quelqu'un ? je hurle, espérant être entendu.
Pas de réponse, à mon plus grand regret. Je m'appuie contre un arbre et m'y assoie. Le contact avec la neige me fait frissonner.
-Merde, je murmure. Bon, ils viendront bientôt me chercher. Ca va bien se passer.

Je commence à fabriquer un bonhomme de neige à mes pieds. Lorsque son corps est terminé, je me lève et vais chercher des branches pour lui faire ses bras. Je ramasse quelques cailloux et les places de façon à créer un sourire et des yeux.
-Tu n'auras pas de nez en carotte, navrée.
Je me rassois en face de lui, soufflant sur les mains gelées.
-Ok, ils arriveront bientôt, lui dis-je, essayant de me convaincre moi même.
-Ou pas, me répond une voix masculine.
-Tu n'es pas... Hein ?!
Je fronce les sourcils. Un bonhomme de neige qui parle. Sois je perds la tête, sois je tombe encore sur un truc surnaturel bizarre. Je préfère peut être la première solution.
-C'est ca, je dois être fatiguée. Les bonhomme de neige ne discutent pas.
-Qu'en sais tu ?
Je laisse passer un rire nerveux.
-Je le sais, c'est tout.
-Est ce pour toi une réponse valable?
Je me penche sur l'amas de neige et plante mes yeux dans les siens -si on peut appeler ça des yeux-, intriguée. Je me retourne. La voix ne vient pas du bonhomme, comment ai-je pu être si bête?
-Qui est la ? Montre toi tout de suite ! je grogne en me relevant.

Un petit garçon sort de derrière l'arbre, ricanant.
-Tu y a cru ! Quelle idiote.
Mon visage vire au rouge, honteuse d'avoir cru à une blague de gamin.
-Ca va. Je suis fatiguée.
-Ca n'excuse rien.
-Tu viens du Manoir ?
-Oui, je me suis perdu, me répond t-il.
Je hausse les épaules.
-Moi aussi. Viens, on va chercher ensemble.
Il met sa main dans la mienne et nous nous mettons à chercher la fin de la forêt.
-Comment tu t'appelles ? je n'ai pas suivi tous les noms ce matin, pardonne moi.
-Juno. En fait, tu sais pourquoi la responsable du Manoir n'est pas encore arrivée ?
-Hum, elle nous cherche sûrement. Mais attends...
Je me stoppe et arrache ma main de la sienne.
-Tu ne viens pas du Manoir. Tous ces occupants l'appelle la Dame. Qui es tu vraiment ?

Son visage se fend d'un sourire mesquin.
-Je suis ton pire cauchemar.

Et des dizaines d'ombres se jettent sur moi.

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