CHAPITRE XXIX.

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C'était une idée stupide de partir ainsi. Me voilà maintenant en train de errer sans but dans le camp ennemi. C'est un grand terrain avec seulement un imposant bâtiment au centre, celui où se trouve l'Espionne. Le reste sont des taules assemblées pour faire des pièces protégées des intempéries, toutes reliés au centre par un couloir de fer au toit fabriqué avec de vieilles bâches. Il doit y avoir ici au moins une centaine de surnaturels. Je repense à la Dame qui disait vouloir les combattre et hausse les sourcils. Tous les pensionnaires seraient exterminés, ils sont à peine une vingtaine, et certains n'ont pas plus de dix ans. C'est de la folie pure.

J'ouvre plusieurs portes en espérant y trouver une sortie mais mes recherches restent pour l'instant non fructueuses. Alors que je sortais d'une des innombrables salles que j'avais explorée, je suis surprise de me retourner et de tomber nez à nez avec un garçon. Il était plutôt grand, très grand, même, si bien que je dois me tordre le cou pour le regarder dans les yeux. Sa peau est noir et il me jette un regard malicieux auquel je m'empresse de répondre par un foudroiement des yeux.
-Qu'est ce que tu veux?

Étrangement, je reste calme face a la situation. Je suis face à un inconnu, un Tueur qui plus est, dans le camp ennemi. Je viens d'apprendre que ma mère m'a caché qu'elle a deux sœur secrètes qui sont ennemis, et je suis seule au milieu de surnaturel qui pourraient bien vouloir la peau, et qui l'aurait sans peine. Vraiment, je ne vois pas comment ça pourrait être pire. Et pourtant je reste stoïque. J'ai bien l'impression que les évènements précédents m'ont forgés un moral d'acier.
Le rire du garçon me sort de mes pensées.
-Tu sais que tu es une personne délicieuse ?
Je pousse un soupir nerveux et agacé face à son ironie.
-Réponds à ma question, je réplique le plus froidement possible.
Il glousse à nouveau et pose une main sur mon épaule, que je dégage immédiatement.
-Rien de spécial, écoute, je me promène, tu te promènes, je ne sais d'ailleurs pas pourquoi tu en as le droit, et nous nous rencontrons.

Je passe à côté de lui en prenant soin de lui donner un bon coup d'épaule qui me fait surement plus de mal à moi qu'à lui. Il ricane et soudain, je reconnais sa voix. Je me retourne brusquement.
-Alors c'est toi, le mystérieux personnage invisible, je lance, défiante.
-Bien jouée, sourit il.
Je me mets à rire, un rire moqueur et ironique.
-Celui qui se cache de peur d'être battu !
Je sens ses muscles se bander et son sourire stupide laisse place à une expression colérique.
-Tais toi, je te tuerai les yeux fermés et sans don si je pouvais.

J'ouvre grand mes bras et sourit avec malice.
-Ah oui ? Alors qu'est ce qui t'en empêche, dis moi ?
Il s'approche de moi avec une expression menaçante sur le visage mais s'arrête. Il est si prêt que je peux sentir son souffle.
-Ne joues pas avec moi, demoiselle de l'eau.
Cette fois, c'est lui qui me heurte violemment. Il s'en va et me laisse à nouveau là, sans voix. Je soupire et me remets en marche. Je retrouve finalement ma chambre et je m'y engouffre. Si il y avait une sortie évidente, je l'aurai déjà trouvée. Et, si il n'y a pas de sortie évidente, il n'y a pas non plus d'entrée. Personne ne pourras me retrouver. Je suis seule ici.

Une idée germe alors dans mon esprit. Et si tout est ma faute ? Si je suis la cause de tous ces malheurs ? Et, c'est surement la vérité. Parce que, si on y regarde bien, si personne n'était venu me chercher parce que j'étais menacée par les Tueurs, Peter n'aurait pas été victime du don de Max. Nous n'aurions pas changé de nom et d'apparence et je n'aurai pas péter les plombs avec ce problème de doutes sur ma propre identité.
Nous ne serions donc jamais partit chercher la fleur Curae, donc nous aurions facilement pu surveiller Constant et protéger le Manoir de sa destruction. Aymeric ne serait donc pas mort. Je serre les poings à cette allusion.
Je n'aurai donc pas embrasser Peter, bourrée, en imaginant que c'était Aymeric, il ne m'aurait donc pas demandé de partir, et je ne me serai pas emportée ainsi. Je n'aurai pas était désagréable avec Torie, ma seule amie au lycée, et je ne serai surement pas ici, seule et livrée à moi même.
Tu as tout gâché, souffla une petite voix dans ma tête avant qu'une larme ne glisse sur ma joue. C'est vrai, j'ai tout gâché. On m'a donné tant de chose que je n'imaginais même pas : des amis, une famille, un don. Mais je n'ai rien fait de ce qu'il fallait et le voilà maintenant piégée et seule. Peut être qu'au fond, c'est ce que je mérite. C'est simplement la conséquence de mes actes. Plusieurs gouttes d'eau strient maintenant ma peau et gèlent instantanément sur mon visage. Je me mords la lèvre inférieure pour retenir un sanglot. Peter avait raison. J'ai changé. J'ai changé depuis la mort prématurée d'Aymeric. Je ne suis plus que l'ombre de moi même. Une personne désagréable qui a perdue le goût à la vie et qui fait du mal à tout le monde. Je me rappelle le froid que j'ai mis entre moi et ma mère, les larmes de Peter, la colère de Torie... tous cela, c'est moi qui l'ai causé. Je me lève et balance violemment mon poing dans le mur. Plusieurs fois, en hurlant ma haine envers moi même, de plus en plus fort, jusqu'à ce que mes phalanges soient totalement ensanglantées, que ma voix soit totalement brisée et que les parois soient totalement recouverte de glace et que le sol soit emplie d'eau sur deux centimètres. Alors, je retourne mollement m'allonger dans mon lit. Je me mets à fixer intensément le plafond et je déglutis. Je ne veux plus être cette Alpha là. Je veux être redevenir la vrai Alpha. Celle qui n'ai pas connue, mais pas inconnue.

Et je répète cette résolution dans ma tête inlassablement tandis que quelques sanglots s'échappent de ma gorge.

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