CHAPITRE XXXV

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Le trajet est vraiment loufoque : la vingtaine de pensionnaires que nous sommes est entassé dans la voiture volante de Arthur qui, soit dit en passant, c'est élargit et allongé jusqu'à se transformer en bus. C'est assez silencieux, et tout le monde affiche un air grave sur le visage : malgré notre hâte de découvrir notre nouvelle demeure, on doit s'attendre au pire. Le directeur du manoir a bien prévenu que les pertes étaient lourdes.

Je frémis à cette idée. J'imagine sans peine les mines détruites des enfants de la maison, pleurant et enterrant leur victime en sentant en eux monter un désir irrésistible de vengeance.
Je jette un regard par la fenêtre : nous voltigeons à une centaine de mètres du sol. Je me hâte de détourner les yeux, prise de vertige. Peter, assit à côté de moi (et je me vengerai plus tard sur Charlène, Aria et Lois qui m'ont lâchement laissée dans cette situation) me lance un regard inquiet.

- Ça va ?

- Oui, c'est juste que me dire que je suis dans un bus qui vole, ça me fait un peu peur.

- En quoi c'est différent d'un avion ?

- Un avion, s'est sécurisé, je te rappelle ! je m'exclame.

- Fais moi confiance, aucun avion n'est plus sécurisé que ce bus.

- Mouais...

Un vrombissement retentit et le véhicule se mit à trembler violemment, faisant accélérer mon cœur à toute vitesse.

- On arrive, déclare mon voisin.

Je saute du véhicule quelques instants plus tard, soulagée de sentir enfin un sol sur sous les pieds. J'attrape ma valise et inhale profondément l'air frais.
Le manoir est gigantesque, ressemblant beaucoup au premier dans lequel nous vivions. Il se situe dans une gigantesque prairie au pied duquel cours un lac. Je sentis deux mains m'agripper la taille brusquement. Sans pouvoir m'en empêcher, je pousse un léger cri de surprise et me retourne. Charlène affiche un large sourire.

- Tu sais ce qu'il y a, dans ce lac ? lança t-elle d'une voix faussement grave et froide.

Levant les yeux au ciel, je me rends compte qu'après tout ce qui m'étais arrivé, il était totalement possible qu'un monstre soit présent dans le point d'eau, comme le disait tant de légende. Je blêmis sans pouvoir m'en empêcher.

- Non, ne me dis pas qu'il existe réellement.

- Le monstre du Loch Ness a déjà dévoré une dizaine de surnaturels, à ce que j'ai entendu !

Elle se met à rire d'une voix maléfique, tel que les méchants dans les dessins animés. J'arque un sourcils, dubitative.

- Sérieux ?

- Il existe, affirme une voix masculine qui nous ai inconnu.

Je me retourne brusquement, immédiatement imitée par Charlène. Un garçon se tient devant nous, un léger sourire sur les lèvres. Une tignasse blonde se dresse sur son crâne, laissant tomber quelques boucles dorées sur son front. Il a des cernes verdâtres sous les yeux et a l'air épuisé. Derrière lui arrive un homme brun, plus vieux, d'environ la trentaine, je dirai. Il est ténébreux, avec ses cheveux bruns et ses yeux sombres. Il affiche un visage froid et dur, contrairement à l'adolescent.

- Bienvenu, lance le plus vieux à notre attention.

La Dame nous passe devant et va lui serrer la main. Ils échangent quelques mots et j'en déduis sans peine que l'homme est le directeur. Il finit par nous inviter à prendre nos affaires et à les emporter dans le Manoir, et la femme a la chevelure flamboyante appuie son ordre pour nous signifier qu'il a autant de pouvoir sur nous qu'elle, à partir de maintenant. Le blond s'approche de Charlène et moi et attrape nos valises en souriant.

- Je vous aide ?

- Merci ! sourit ma camarade.

Elle se retourne vers moi et me fait un clin d'oeil. Je jurerai voir Peter jurer, à quelques pas de moi.
Le garçon nous fait monter un long escalier en colimaçon aux marches en velours rouge, parcourt un long couloir et finit par ouvrir un porte, tout au fond. Ce que je découvre me provoque un mouvement de recul, alors que Charlène pousse un petit cri.
La chambre est à moitié détruite. La grande baie vitrée censée laisser passer la lumière dans la pièce est presque entièrement recouverte de débris de poutres en bois. Il traîne une épaisse couche de poussière sur le sol et les meubles semblent en mauvaise état. Seuls les lits avaient un aspect neuf. Je me tourne vers le blond, mais son sourire a disparu.

- Je suis désolé, la plupart des chambres sont dans cet état depuis l'attaque.

Quand il prononce ces mots, son corps est remué d'un léger tremblement. Charlène hausse les sourcils et pousse un long soupir.

- Bon, on aura qu'à faire un peu de ménage, déclare t-elle, je vais chercher Aria.

Elle s'en va en trottinant. Le blond m'adresse un sourire et me tend la main.

- En fait, je m'appelle Johan, mais tous le monde m'appelle juste Jo. Enchanté.

Hésitante, je finis par lui attraper la main et la serrer.

- Alpha.

- Vous aussi, vous vous êtes fait attaquer par les Tueurs, non ? me demande t-il en lâchant ma main, faisant à nouveau disparaître son sourire et affichant une mine plus grave.

- Oui, il y a...

Je fronce les sourcils : mon passage chez ma tante m'a vraiment fait perdre la notion du temps.

- Environ quatre mois, reprends-je. Mais je n'ai pas très envie d'en parler, désolée.

En effet, ma haine envers Constant ne s'est jamais apaisée, et reparler de cet événement la fait ressurgir en moi. Jo a l'air de comprendre et hoche la tête en signe d'affirmation. Une vague argentée parcours alors son regard bleuté et il se met à me fixer. Mal à l'aise, les joue s'empourprent et je détourne les yeux. A ma plus grande joie, Aria et Charlène débarquent pile à ce moment là. Je pousse un soupir de soulagement intérieur et leur sourit.

- On va vraiment dormir là ? s'inquiète la rouquine.

- Tu peux aussi dormir dehors, si tu veux, rétorque Johan.

Il pousse doucement nos bagages dans la salle alors qu'un blanc insupportable s'installe.

- Euh, tu nous ferais visiter le reste du Manoir et rencontrer les autres occupants ? demanda gentiment Charlène, brisant ainsi le silence pesant.

- Les présentations ne seront pas longues, nous ne sommes plus que sept.

Sa phrase est glaçante, tout comme sa voix, et je frémis à l'entente de chacun de ses mots. Une vision me traverse l'esprit : notre Manoir brûlé avec tous ses pensionnaires coincés à l'intérieur. Je chasse cette idée de mon cerveaux : nous avons eu de la chance de n'encaisser que quelques victimes, même si celle ci impliquaient Gary et Aymeric, ou même ma mère. On ne pouvait même pas imaginer ce qu'ils ressentaient, ici. Le silence se remet alors en place.

- Wow, quelle ambiance, marmonne Aria.

- Désolé. Venez, je vous fais visiter.

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