CHAPITRE II.

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J'attends le train. Dans la grande gare de Manhattan où les voyageurs de toutes origines se bousculent sans faire attention, je songe, assise sur un banc de fer rouillé par le temps. Je suis déjà restée à maintes reprises de cette façon. Le train de Manhattan à Brooklyn est très souvent en retard, surtout en hiver. La neige tombe, recouvrant d'un tapis blanc la ville.

Ma journée au lycée ne fut pas si catastrophique. J'ai eu droit à quelques commentaires, mais rien de trop violent. Une journée banale.

Il est environ vingt heures, et j'ai promis à ma mère de rentrer pour le dîner. Le dîner. Pour ma mère, il est sacré. Et il a lieu impérativement a dix neuf heures trente. Ça va faire seize ans que tout mes repas du soir ont lieu à cette heure, et pas une minute de retard. Ma mère est très ponctuelle. Elle m'en voudrai sûrement d'être arrivée en retard.

Je sers un peu plus le gros blouson refermé jusqu'en haut qui me couvre et me tasse sur le banc. Le froid est mordant. C'est un de ces jours que les gens détestent. Le ciel est gris et morne, il fait terriblement humide. C'est un temps à rester chez soi auprès d'un feu avec une tasse de thé ou un chocolat chaud. Jamais on aurait songé à sortir, sauf si l'on travaillait. Nous sommes mardi, la semaine ne fait que commencer, mais l'on entend déjà pester sur la fatigue.

Tandis que j'essaye tant bien que mal de réchauffer le bout de mes doigts, un garçon s'approche de moi. Il a à peu près mon âge, il a des cheveux bruns ébouriffés, et il porte des yeux aux pupilles différentes, l'une brune et l'autre noire. Plutôt mince, sa peau est claire. Il m'agrippe par la manche et me tire en avant.

-Viens voir ! s'exclame t-il.

J'hésite. La dernière fois que j'ai suivis un garçon, il m'a embrassé contre mon gré. Mais voyant la différence de carrure entre les deux, je me décide. Je me lève du banc pour le suivre. Apres tout, c'est toujours plus intéressant que de rester assise sur un banc à attendre. Il ne me lâche pas, et me tire jusqu'à ce que l'on ne soit qu'à un mètre de la voie. Un train s'avance vers nous a toute vitesse.

-Tu es prête ? me demande le garçon.

-A quoi ?

Sans même me répondre, il me pousse sur les rails. Je pousse un cri horrifié. Le garçon saute à son tour. Les larmes se mettent à couler sur mes joues sans retenue tandis que le train se rapproche et que la peur monte en moi.

-Mais à quoi tu joues ? On va mourir à cause de tes conneries !

Le garçon me sourit.
Le train est là. Encore quelques mètres. Je ferme les yeux. Il m'attrape la main.

Le train nous percute.

Aucune douleur. Aucune sensation. Je rouvre les yeux. Je suis dans Brooklyn, à quelques mètres de ma vieille voiture rouge.

Je relève la tête, étourdie par ce qu'il vient de se passer. Le garçon me regarde en souriant.

-C'était cool, non ?

Je secoue la tête.

-Non, ce n'était pas cool ! Comment tu as fais ça ? je demande sèchement.

-C'est mon don ! Monte, on va tout te raconter, dit il en pointant ma voiture.

Je fronce les sourcils.

-Tu es complètement taré ! Laisse moi tranquille.

Je m'approche de la porte avant de ma voiture quand j'aperçois une jeune fille blonde à la place du conducteur. Elle fait semblant de tourner le volant. Je découvre aussi deux petits garçons sur la banquette arrière. J'ouvre violemment la porte.

SurnaturelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant