Le Spleen du Cygne

Chapitre 33 : Le destin est drôle quand même

D'habitude, je n'angoissais pas pour la moindre soirée. J'y allais toujours en me fichant de tout, sauf que cette fois-ci, c'était chez Rachel. Dès notre arrivée au lycée, nous n'avions jamais eu des rapports amicaux, au contraire. Enfin, au début, j'étais assez invisible à ses yeux, je n'étais qu'une lycéenne comme les autres. Tout avait changé quand j'avais commencé à sortir avec Damon puis que je m'étais ramené avec une chevelure rose après notre rupture. À partir de ce moment, je n'étais plus la lycéenne timide, j'étais Diana, cette fille bizarre.

Alors, je ne pouvais m'empêcher de trouver ça étrange qu'on ait enfin trouvé un compromis. D'ailleurs, je n'avais jamais espéré le moindre rapprochement entre nous, j'étais persuadé que nous resterions en froid jusqu'à la fin de nos années lycée. Visiblement, le destin m'étonnait de jour en jour. Après tout, je n'avais jamais détesté Rachel. Je n'excusais pas ses actes qui auraient des conséquences quoi qu'il arrive, mais elle n'était pas un cas désespéré. Elle n'était pas comme Damon par exemple.

Avant de m'extirper de chez moi, j'avais reçu un message de Sani m'annonçant qu'il pouvait sortir ce week-end et que ce serait une bonne occasion pour se voir. Pendant un instant, je songeai à l'idée de lui présenter Lucine comme ma copine. C'était une pensée à la fois excitante et angoissante. J'avais beau avoir été très proche de Sani, j'ignorais s'il réagirait plutôt bien. Il fallait que je tâte le terrain pour connaître quelques-unes de ses positions sur le sujet.

J'essayais de trouver un sujet d'actualité sur lequel il pourrait réagir, mais aucun ne me vint à l'esprit. Après tout, je n'y connaissais pas grand-chose, alors je fis assez simple :

« Hé ! J'ai une question ! Que penserais-tu si je sortais avec une femme ? »

J'avais envoyé le message avec beaucoup d'appréhensions et je rangeai le portable au fond de mon sac. J'attendrais la fin de la soirée pour regarder sa réponse. Dans le pire des cas, je ne voulais pas me bousiller le moral, en particulier si Lucine était là.

Comme nous avions convenu, elle était devant ma maison. Son père l'avait accompagnée et m'avait proposé de venir me chercher. Encore une fois, je m'étais sentie assez gênée d'accepter, parce que j'avais du mal à considérer que des parents puissent être compréhensifs et aimants.

Assez rapidement, il nous déposa devant la maison de Rachel qui était tout aussi luxueuse que la mienne. Lucine et sa famille semblaient peu habituées à ce genre de décor et je ne pouvais pas leur en vouloir. Son père nous souhaita une bonne soirée et rappela à sa fille de l'appeler quand ça serait fini, puis il s'en alla.

— Tu crois encore que c'était une bonne idée d'accepter ? s'enquit Lucine, maladroitement.

— J'en ai aucune idée... Mais tout est bien trop bizarre dernièrement. Il vaut mieux prendre les choses comme elles viennent.

Elle aussi semblait peu convaincue mais n'ajouta rien de plus. Après tout, nous n'avions pas tellement le choix et cette situation n'était pas si désagréable que ça.

Main dans la main, nous marchâmes jusqu'au porche et je fus assez triste de devoir abandonner sa main. Nous ne savions pas si nous pouvions montrer notre couple à Saphira et Rachel, nous ne savions pas du tout ce qu'elles pourraient en penser et je prenais surtout en compte ce que Lucine avait vécu, ce qu'elle ne voulait certainement pas revivre.

Peu de temps après avoir sonné, Rachel nous ouvrit et nous invita à entrer. Sa maison, étant assez similaire à la mienne, me paraissait à la fois étrangère et familière. Après tout, je connaissais bien ce genre de milieu, malheureusement, mais je n'avais jamais eu envie d'en faire partie. Problèmes de riches, me dirait-on. Enfin, cette fois-ci, je pourrais avoir de réels problèmes maintenant que je sortais avec une femme.

Rachel nous conduisit jusqu'à son immense chambre où se trouvait Saphira. Celle-ci se leva de son coussin et s'approcha de Lucine, tout enjouée de la retrouver. Visiblement, toutes les deux s'étaient énormément rapprochées depuis qu'elles avaient parlé de leurs passions similaires pour l'art et le dessin. Elles s'étaient même rendu compte qu'elles visaient les mêmes études supérieures dans les mêmes établissements. Et j'étais heureuse pour elles, qu'elles arrivent à s'entendre aussi bien.

Lucine et moi enlevâmes nos chaussures et nous installâmes en cercle avec Saphira et Rachel. J'avais comme l'impression de percevoir un peu de gêne dans l'air, mais ça allait sûrement se dissiper assez rapidement. Après tout, nous devions apprendre à nous connaître.

— Pas contre, ce soir pas de drogue, pas d'alcool et pas de sexe ! annonça Rachel. Je veux juste que ce soit clair !

Je me doutais que cette remarque m'était surtout destinée et je ne pus m'empêcher d'en sourire.

— Ça tombe bien, ce n'était pas prévu de mon côté, rétorquai-je naturellement.

Rachel me rendit mon sourire, sûrement reconnaissante que je n'insiste pas. Si je ne me trompais pas, la plupart des personnes présentes ici n'aimaient pas trop l'alcool, alors j'allais me plier à la majorité.

— Mais du coup, je peux vous proposer quelques jeux de société, poursuivit Rachel. J'en ai plusieurs d'assez marrants.

Saphira sortit immédiatement le nom de son jeu préféré, voulant absolument y jouer, et son enthousiasme me fit sourire. Ça pouvait paraître assez simple comme occupation, mais au moins, nous arriverions à passer le temps ensemble sans trop de gêne. C'était finalement l'occupation parfaite.

Rachel partit chercher la boîte du jeu dans son armoire tandis que Saphira se pencha vers nous, hésitant quelque peu à prendre la parole.

— Je sais pas si vous êtes au courant... Damon commence à balancer que vous sortez ensemble.