Le Spleen du Cygne

Chapitre 46 : Besoin de conseils | partie 1

Le lendemain, j'avais réussi à convaincre Saphira et Lucine de m'accompagner au centre commercial. J'avais vraiment besoin de leur parler et j'aurais peut-être mieux fait de les prévenir directement en message des sujets que j'allais aborder. Mais maintenant que j'étais devant le Starbucks – notre lieu de rendez-vous –, il était un peu trop tard.

Et voilà que je me mettais à angoisser. Maria m'avait annoncé que mon père serait en ville dès demain et que c'était probablement ce jour-là qu'il avait choisi pour faire de nouveau intrusion dans ma vie. Bien évidemment, je ne voulais plus avoir à faire à lui, il ne méritait même plus la moindre place dans ma vie, alors le revoir était inutile.

Puis j'avais envie de parler avec Saphira, comprendre comment elle avait réussi à mettre des mots sur son orientation. Parce que jusqu'alors, c'était "bisexualité" qui me correspondait peut-être le mieux, mais peut-être que je me trompais... Peut-être que je n'avais pas assez de recul non plus. Après tout, je n'avais que dix-sept ans et jusqu'alors, je n'étais sortie ou n'avais couché qu'avec des hommes. Plus le temps passait et plus j'avais besoin de réponses. Pour l'instant, je n'étais que dans le flou et je détestais ça...

M'étant perdue dans mes pensées, je regardais brièvement mon portable. Saphira m'avait envoyé un message pour me prévenir qu'elle serait en retard et que nous pourrions commander quelque chose à boire en l'attendant. Enfin... J'attendais également Lucine, qui, en levant mes yeux du portable, était sous mes yeux. Nous échangeâmes un timide sourire. Nous avions terriblement envie de nous prendre dans les bras, d'être bien plus proches physiquement, mais nous craignions toujours les autres regards.

— Saphira sera en retard, la prévins-je. On peut prendre quelque chose si tu veux...

— Pourquoi pas...

Immédiatement, nous rejoignîmes la queue où nous avions toutes les deux choisi un cappuccino. La serveuse nous avait souri, comme si elle avait compris que nous étions en couple, mais elle ne fit pas la moindre remarque.

Une fois qu'on récupéra nos boissons, on trouva une table dans un coin. Normalement, Saphira nous verrait assez facilement depuis la vitre.

Avant de nous retrouver, j'avais bien évidemment informé Lucine que Saphira était au courant de notre relation et qu'elle était bi. Elle n'avait pas été rassurée pour autant, ne pouvant s'empêcher de s'inquiéter.

— Tu crois qu'on tiendra longtemps cachées ? me demanda-t-elle, perdue.

— J'en ai aucune idée... Mais on ne sait pas si les gens pourraient comprendre... Et peut-être qu'après le lycée, on sera un peu plus tranquille.

— Je ne crois pas, affirma-t-elle avec une triste mine.

Elle prit une brève gorgée de son café puis fronça des sourcils, comme si quelque chose lui était soudainement venu à l'esprit.

— Tu espères qu'on soit encore ensemble après le lycée ? s'enquit-elle, souriante.

— Hum... Je sais pas. Pour l'instant, je n'imagine pas qu'on rompe maintenant. Je me doute bien que tout a une fin, mais j'ai pas envie que ce soit maintenant.

— Tant mieux, je trouve ça plutôt toxique les gentes qui veulent rester ensemble quoi qu'il arrive et qui ne supportent pas cette idée, expliqua-t-elle brièvement.

Je repensais alors à ma relation avec Damon. Il n'avait pas arrêté de me dire sans cesse à quel point il serait triste sans moi. Il était capable de me prendre dans ses bras en pleurs en s'imaginant que je puisse ne plus être à ses côtés un jour. Au final, il avait préféré m'abandonner et la semaine suivante, il m'avait remplacée.

— Ça va ? me demanda-t-elle, me tirant de mes pensées.

— Oui... Je repensais juste à des trucs... Je ne suis pas forcément très douée pour savoir ce qui est toxique de ce qui ne l'est pas.

— On est tous pareils. On vit tous dans la même société qui nous apprend à tous les mêmes conneries.

— Ça craint...

Je n'avais vraiment rien d'autre à dire. Après tout, je ne connaissais pas aussi bien mon sujet qu'elle. J'avais encore à apprendre les bases de psycho, de socio pour mieux comprendre notre monde de merde et il allait me falloir du temps.

— Maintenant je me rends compte que ma relation avec Damon était assez... toxique...

Elle hocha timidement la tête sans dire un mot.

— Tu crois qu'il va me lâcher pendant les vacances ? l'interrogeai-je naïvement.

— Peut-être bien... Je pense qu'il va se lasser et chercher ailleurs.

En effet, il allait probablement recommencer avec une autre personne, une personne tout aussi faible que je l'étais. Et si je disais quoi que ce soit à son sujet, personne ne me croirait... Mais il pourrait continuer ses merdes sans le moindre souci. Cette situation m'embêtait. Je ne devais pas culpabiliser, ce n'était pas de ma faute, pourtant, c'était plus fort que moi.

Alors que j'étais sur le point de lui en parler, nous aperçûmes Saphira à l'extérieur. Elle était enfin arrivée...