Chapitre 36 : Comme sur un nuage

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Ce matin, je m'étais réveillé l'esprit léger, chose qui arrivait rarement. En même temps, il était rare que les évènements soient en ma faveur. Généralement, je n'avais pas de chance. Et tout avait changé depuis l'arrivée de Lucine dans ma vie, elle avait vraiment bouleversé toutes mes habitudes.

Néanmoins, le calme ne durait jamais longtemps, Damon venait de m'envoyer un message pour me rappeler qu'il avait organisé une fête ce soir chez lui, cette fête que j'avais volontairement oublié. J'avais mis un terme à la quelconque venue de ma part à ce genre d'évènements désormais et je n'allais pas remettre cette décision en doute. Et puis, j'allais retrouver Lucine et Sani cet après-midi, j'avais bien à faire que de passer la soirée avec de sales types qui espéreraient sûrement que je sois suffisamment éméchée pour se jeter sur moi.

Au dernier moment, Sani m'avait proposé qu'on mange ensemble et j'avais accepté, bien que ce soit totalement imprévu. J'avais prévenu Maria de ma sortie et comme toujours, elle s'inquiéta pour moi, espérant que je ne rentre pas trop tard. Heureusement pour elle, il y avait peu de chances que ça arrive avec Lucine et Sani.

Assez rapidement, j'arrivai sur le lieu du rendez-vous. J'étais la première, alors je patientai un peu en traînant sur mon portable. Damon m'avait encore relancé à propos de sa fête, il commençait à pencher sur le harcèlement, ce qui était à peine étonnant. Facebook lui indiqua que j'avais lu son message mais je ne lui répondis pas, je n'avais pas plus de temps à lui accorder. Et puis, Lucine venait d'arriver.

Immédiatement, elle s'assit à mes côtés et j'hésitai à la prendre dans mes bras. Si seulement nous n'étions pas dans un lieu public. Néanmoins, je lui pris timidement la main en espérant que ce ne soit pas déjà trop. Je savais à quel point elle craignait les jugements des autres et je n'allais certainement pas la brusquer. J'étais bien capable d'attendre qu'on se trouve un moment et un lieu rien que pour nous.

Sani ne tarda pas à arriver et dès qu'il nous vit, il sourit. Et il y avait quelque chose dans son regard qui laissait sous-entendre un "je le savais". Après ce bref échange de regard, il s'installa en face de nous et je fus prise de court, ne sachant pas comment entamer une discussion. Heureusement, il prit les devants, ce qui me soulagea :

— Alors, ça fait combien de temps ? s'enquit-il, curieux.

— Je crois que ça fait deux semaines, répondis-je maladroitement.

— Oui, ça fait deux semaines, presque trois, affirma Lucine, tout enthousiasme.

Sa joie me fit rire et en me tournant vers elle, je pus apercevoir son doux sourire. J'avais envie de coller mes lèvres aux siennes, de sentir un mélange de chaleur et d'humidité. Mais nous étions en public et peut-être pas devant Sani non plus. Je ne voulais surtout pas la brusquer, alors je faisais attention à tout.

En tout cas, Sani avait dû remarquer que j'étais en train de la dévorer du regard puisqu'il m'adressa un sourire amusé quand mon regard se posa sur lui.

— Vous êtes vraiment trop mignonnes toutes les deux, nous fit-il remarquer.

Et ce fut suffisant pour nous faire sourire. J'étais tellement angoissée ces derniers temps, qu'un rien faisait toujours l'affaire pour me remonter le moral.

Assez rapidement, chacun d'entre nous commanda de quoi manger. Sani et moi avions opté pour un simple hamburger frites tandis que Lucine s'était rabattue sur une salade. Durant tout le repas, nous avions parlé de tout et de rien, sauf de notre relation. Visiblement, Sani n'avait pas envie d'aborder le sujet sauf si nous le faisions de nous-mêmes, ce qui était très compréhensif. Et puis, peut-être que Lucine n'avait pas trop envie d'en parler dans un lieu public. On aurait pu argumenter des heures sur le fait qu'il y avait peu de chances de croiser quelqu'un qu'on connaît ici, mais ce serait futile. Lucine avait peur de revivre ce qui lui avait fait quitter son dernier lycée et j'étais prête à tout pour lui éviter de nouveaux traumatismes.

Alors, tout l'après-midi, Sani s'était plaint de son lycée bien trop fermé d'esprit et de tous ces profs qui ne le jugeaient que par sa gueule. Ou encore l'atroce ambiance de ce lieu. Visiblement, un endroit très charmant.

— Pourquoi t'es encore dans ce lycée ? lui demandai-je naïvement.

— Mes parents ne cessent de dire que les meilleurs sortent de ce lycée...

— Alors je peux t'assurer que ce n'est pas entièrement vrai. Je crois qu'il y a un mec super riche qui est sorti de notre lycée... Ce lycée public tout pourri.

— Je ne pense pas que ça convaincrait mes parents, rétorqua-t-il en baissant son regard.

— Pourtant tes parents étaient compréhensifs... Comment ça se fait ?

— Hum... C'est compliqué. C'est d'abord les résultats, le reste après. Et ça serait une énorme erreur selon eux que je cède ma place dans ce lycée. Ils ont pas tort, ça ferait joli sur mon CV...

J'étais assez triste de l'entendre tenir ce genre de discours, mais s'opposer à ses parents était loin d'être faciles. Et parfois, on n'avait pas toujours la chance d'avoir une place de prestige assurée dans sa future vie professionnelle. Sani n'avait pas autant de chances que moi malheureusement.

— Je me dis que je n'ai plus qu'un an à tenir, ajouta-t-il comme pour calmer quelques tensions sur le point de se créer.

J'échangeai un timide sourire. Je n'étais vraiment pas la mieux placée pour le moindre conseil, alors je me contentais de l'écouter.

Nous nous séparâmes en fin d'après-midi et j'avais hésité à embrasser Lucine, même si ce n'était qu'effleurer ses lèvres. Mais rien que lui tenir sa main ne la rassurait pas, alors inutile d'aller plus loin.

De nouveau Maria fut assez étonnée de me voir entrer aussi tôt. Mes habitudes changeaient, ce qui était assez étrange. Elle me demanda rapidement ce que je voulais manger et comme toujours, je la laissai cuisiner ce qui lui plairait, je n'aimais pas lui imposer un menu à suivre. Parfois, j'aimerais tellement que cette femme ait une meilleure situation qui ne l'obligerait pas à travailler pour une famille comme la mienne, mais j'apprenais de jour en jour à quel point le monde était mal fait.

J'espérais pouvoir me poser tranquillement dans mon lit et regarder quelque chose de stupide sur mon ordinateur, mais c'était compter la venue de Damon sur mon balcon.

Le Spleen du CygneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant