Chapitre 14 : En un simple regard

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[Musique : Lana Del Rey - The Blackest Day]

Les lundis n'annoncent jamais rien de bon, c'est bien connu. Après tout, c'était encore une nouvelle semaine à subir dans ce lycée pourri et ce n'étaient pas les sifflements à chaque coin de couloir qui allaient arranger la journée. Au contraire, quelqu'un allait peut-être finir avec mon poing dans la gueule en fin de journée.

Je croisai Lucine dans la salle de maths, notre premier cours en commun. Mais j'eus à peine le temps de lui demander des nouvelles que monsieur François-Ahmed m'annonça que j'étais conviée chez le proviseur adjoint. Encore une fois, ça n'annonçait rien de bon... Et je quittai la salle pour atteindre la salle d'attente. À ma plus grande surprise, Rachel était présente et me fusilla du regard. Je me fichais bien de sa réaction et comme il n'y avait que peu de chaises ici, je dus m'asseoir à ses côtés. Elle ne se gêna pas pour m'éviter du regard, ce qui en devenait presque risible.

— Est-ce que je tente un "bonjour ça va ?" ou tu vas m'envoyer chier ? lâchai-je presque par provocation.

— C'est toi qui envoies toujours chier les autres. Et je sais que tu étais à la fête de Damon.

— Évidemment. Saphira m'a vue et t'a fait passer le message, c'était évident, rétorquai-je naturellement.

Elle se tourna vers moi, furieuse. Rachel avait beau être une fille intelligente, elle avait décidé de se plier aux codes de popularité et de suivre son groupe d'amis en permanence. Dommage. Si elle faisait davantage de choix par elle-même, on aurait pu bien s'entendre, parce que dans le fond, je n'avais rien contre elle.

— Arrête de traîner autour de Damon ! déclara-t-elle comme une menace.

— Damon ne m'intéresse pas.

— Tu as bien couché avec lui alors même que vous étiez séparés et qu'il sortait avec moi. Une fille bien ne se comporte pas ainsi !

— Pourquoi tu mets la faute sur moi ? demandai-je, espérant qu'elle se remette en question.

— Parce que tu n'arrêtes pas de le provoquer ! Tu fais ça avec tous les mecs !

Entendre de tels propos venant d'une femme me fit un peu de peine, surtout parce qu'elle n'avait pas conscience du monde dans lequel elle vivait.

— Sinon, tu fous quoi ici ? C'est pas le genre de Rachel Nathan de se retrouver chez le proviseur adjoint, lançai-je pour détourner la conversation plus ou moins habilement.

— Ce ne sont pas tes affaires, répliqua-t-elle en évitant mon regard.

Je n'insistai pas davantage et attendis patiemment que le proviseur adjoint m'invite dans son bureau. Malgré les légers rideaux, je pouvais l'apercevoir en conversation téléphonique. Après quelques minutes – durant lesquelles Rachel ne m'avait plus jamais adressé la parole –, le proviseur adjoint sortit enfin de son bureau et me convia à l'intérieur. Immédiatement, je m'exécutai tout en ignorant toujours la raison de ma venue.

— Diana, je t'ai dernièrement demandé d'aider Lucine à s'intégrer et je voudrais juste avoir quelques nouvelles, annonça-t-il.

J'arquai un sourcil, assez étonnée que ma présence ne soit pas pour me punir, encore une fois. Après tout, le conducteur du bus avait l'habitude de se plaindre de moi auprès du proviseur adjoint, n'hésitant pas à mentir pour me faire passer pour la pire élève de ce lycée.

— Je suis convoquée ici juste... pour ça ? lâchai-je, ne pouvant retenir mes paroles.

— Oui. Je ne convoque pas que pour des punitions. Alors ?

— Eh bien... Ça se passe bien... Mais je ne comprends vraiment pas pourquoi avoir demandé ça à moi. Je ne suis pas très appréciée dans ce lycée...

— Diana, je ne veux pas de tes excuses. En revanche, j'espère qu'après une semaine, Lucine comprenne un peu le fonctionnement de ce lycée.

— Ça m'en a tout l'air...

— Alors, c'est parfait, déclara-t-il comme s'il se fichait de ce que je pouvais bien lui dire.

Ce proviseur adjoint était lamentable. C'était tout ce que j'avais à ajouter.

— Est-ce que ça veut dire que cette "punition" prend fin ? demandai-je, incertaine.

— En quelque sorte. D'ailleurs, j'ai essayé d'appeler ta mère ce matin, mais impossible. Saurais-tu pourquoi ?

— Elle travaille, comme toujours.

Il ne chercha pas à en savoir plus et je pus quitter son bureau. Je fus alors assez déstabilisée de voir Rachel, les larmes aux yeux. Elle avait pleuré et avait tenté de camoufler le tout, que ce soit par un faux sourire ou par du maquillage. Jamais je ne l'avais vue pleurer et j'en étais assez étonnée... Mais sans dire un mot, je partis. J'aurais peut-être dû essayer quelque chose, voyant bien qu'elle allait très mal, parce que ce n'était pas parce que nous étions censés nous détester que je devais faire comme si de rien n'était.

Alors que j'aurais pu retourner en cours, je me dirigeai vers Sheri's, ce café qui ne devrait pas m'être accessible selon certaines personnes. Mais tant pis. Je franchis le seuil sans me soucier de qui était là ou au contraire, pas là. Et comme la dernière fois, je commandai un simple cappuccino. Encore une fois, la serveuse me complimenta sur ma couleur, rêvant de se faire la même un jour, mais elle avait bien trop peur du regard des autres.

— Je croyais ça à une époque, mais j'ai appris à ne plus faire attention à eux, expliquai-je alors qu'elle préparait ma commande.

— Tu as beaucoup de courage...

— Je ne suis pas sûre que ce soit du courage. Peut-être juste de l'ignorance...

Elle laissa échapper un léger rire et je lui adressai un bref sourire. Parfois, je me disais que tout serait plus facile en dehors du lycée et ce genre de moments ne cessaient de me le prouver.

Elle me tendit ma tasse et après avoir payé, je m'installai à une table. J'envoyai un bref message à Lucine pour lui annoncer que je reviendrai en cours plus tard dans la journée. Rapidement, je pus voir Rachel et Saphira entrer. La belle blonde était encore dans tous ses états alors que son amie tentait de la réconforter. Il y avait vraiment quelque chose de grave qui s'était passé et c'était probablement en rapport avec Damon. J'en serais à peine étonnée...

Nos regards se croisèrent, mais elle ne montra pas la moindre forme de haine. Ça avait forcément un rapport avec Damon, ce ne pouvait être que ça. Mais elle allait sûrement me faire passer encore une fois pour la méchante pour camoufler ses faiblesses...

Le Spleen du CygneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant