Chapitre 6 : Nouveau plan | Partie 3

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J'étais dans la merde.  Surtout quand je voyais le proviseur adjoint sur son ordinateur, comme  s'il réfléchissait longuement à quelle sanction je devrais subir. En  même temps, j'avais volontairement provoqué une prof en espérant y  trouver une issue de secours, ce qui n'avait rien à voir avec une  erreur.

— Diana Kane... Tu viens tout juste d'entrer dans cet établissement, n'est-ce pas ?

Il se tourna vers moi et  son regard grave à travers ses petites lunettes ne me rassurait  vraiment pas. Il les remonta sur son nez en attendant ma réponse.

— En effet monsieur, répondis-je en serrant mes mains entre mes cuisses pour éviter de trop les bouger.

Il laissa échapper un léger « hum » avant de reposer son regard sur son écran.

Je pensais que j'aurais  mieux géré la situation, au moins, mentalement, mais il n'était rien.  J'avais beau être passée des tas de fois devant du personnel haut placé  de mon ancien lycée, Monsieur Prentice dégageait quelque chose de  charismatique et intimidant. D'ailleurs, il était bien plus jeune que je  ne l'aurais cru. À première vue, je lui donnais la quarantaine, mais à  peine entamée.

— Tu es entrée ici suite  à une demande de tes parents. Je suppose que tous les deux sont très  pris par leur travail et que je n'aurais pas de réponse de leur part,  mais je n'ai aucune envie de les contacter. C'est avec toi que je vais  parler.

C'était le bon moment  pour sortir mon monologue et j'espérais vraiment que ce soit suffisant,  sinon, j'étais bien plus dans la merde que je ne croyais.

— Je suis désolée Monsieur, ça ne se reproduira plus et j'accepterai les sanctions que vous m'imposerez.

Il arqua un sourcil, comme si ça l'étonnait, à croire que la plupart des élèves s'enfonçaient dans leur merde.

— J'apprécie tes excuses  Diana, déclara-t-il en se tournant vers moi. Mais ça ne m'explique pas  pourquoi tu n'as pas écouté ta professeur quand elle t'a demandé de  ranger son portable.

— Mes amis me manquent alors je leur envoyais des messages en cours, avouai-je.

Bon, c'était à moitié un  mensonge, mais je n'avais rien de mieux sous le coude. Je ne voulais  pas prendre le risque d'inventer un stupide mensonge, parce que j'étais  persuadée de ne pas être face à un abruti. Il m'observait minutieusement  depuis mon arrivée dans son bureau, il avait inspecté mon dossier et  avait réussi à en tirer quelques conclusions. Je ne pouvais clairement  pas le prendre pour un con.

— C'est très honnête et l'honnêteté est une valeur importante que beaucoup de professeurs essaient d'enseigner à leurs élèves.

Moi aussi j'y avais cru un jour à l'honnêteté et à la justice, jusqu'à ce que je découvre que notre monde était plus que pourri.

— J'aimerais ne pas à  avoir à appliquer le règlement à la lettre, mais c'est la première fois,  alors je vais être clément et seulement te coller pour la semaine.

Je lui adressai un  timide sourire, comme une manière de le remercier. Bon, c'était un peu  improbable de remercier quelqu'un qui venait tout juste de me coller,  mais vu mon impulsivité, c'était ce que je pouvais en tirer de mieux  dans une telle situation.

Il m'expliqua rapidement  comment se déroulaient les colles dans ce lycée. Elles avaient toujours  lieu entre dix-sept et dix-neuf chaque jour. Un de nos professeurs nous  donnait un travail à faire durant cette période et notre présence était  également vérifiée. Rien de bien extraordinaire et j'aurais presque  préféré une punition plus "innovante".

En quittant son bureau,  il espérait vraiment que je ne recommence plus et je l'avais bêtement  promis. Bêtement parce que j'ignorais de quoi était constitué l'avenir  et généralement, le mien n'avait jamais été tranquille. La sonnerie  retentit et je pus apercevoir le message que m'avait laissé Sani, il  était retourné en cours après m'avoir déposé.

Si je voulais le croiser  au moins pour la pause, il fallait que je me dépêche. Mon sac sur le  dos, je descendis les marches rapidement. Heureusement, le bâtiment A  était vide et je m'en extirpai assez facilement. Mais pour rejoindre le  bâtiment D, c'était une autre affaire. Ça avait beau n'être qu'une  simple prérentrée, des cours en supplément pour quelques élèves,  l'établissement était déjà bondé.

Alors, après avoir  bousculé quelques collégiens et lycéens, je rejoignis rapidement Sani et  Hikaru qui venaient tout juste de sortir du bâtiment.

— Alors ? s'enquit Sani.

— Juste des heures de colles, tentai-je d'articuler malgré mon essoufflement.

Je repris petit à petit  mon souffle et je sentais brusquement les effets du tabac sur mon corps.  Le jour où j'arrêterais de fumer, mon corps allait un peu revivre, mais  pas mon esprit. D'ailleurs, vu mes pensées, il fallait vraiment que je  m'en grille une.

— C'est autorisé la clope ici ? demandai-je naïvement.

— Tu déconnes ? Jamais ça ne va pas être autorisé ici.

— Mais c'est n'importe quoi !

— C'est le bon moment pour arrêter, me conseilla Sani avec un grand sourire.

— Tu ne m'as jamais vu en manque de clopes toi ! Et je peux t'assurer que c'est pas beau à voir !

— Pire que lorsque tu es bourrée ? plaisanta-t-il de plus belle.

— Oh que oui ! Bien pire ! lâchai-je d'un air grave.

Hikaru retenait encore  son rire. On semblait l'amuser et tant mieux, je n'avais plus peur du  ridicule depuis un bon bout de temps.

J'annonçai alors que je  m'éloignai d'eux pour fumer dans un coin reculé et qu'on se reverrait en  maths, après la pause. Ils étaient prêts à m'accompagner, mais je  refusai sans hésiter et partis m'isoler dans le parking, sûrement dédié  au personnel de l'école.

Alors que j'étais sur le point d'allumer ma clope, mon regard se posa sur Madame Baden. La poisse allait longtemps me suivre...

— Je ne dirais rien si tu m'en passes une, me proposa-t-elle en s'approchant vers moi.

— C'est un petit peu une menace, mais j'accepte, cédai-je en lui tendant mon paquet.

Elle en sortit rapidement une cigarette avant de me le rendre.

— Je suis très à cran sur les règles, mais celle-ci, je t'autorise sans souci à la transgresser.

Je lui adressai un  sourire reconnaissant qui était plus que sincère. Elle était sévère,  mais pas inhumaine. Au moins, je savais que je pouvais compter sur elle  d'une certaine manière...

Le Spleen du CygneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant