Chapitre 55 : Le manque

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Plus les jours avançaient et plus je comprenais à quel point mes parents tentaient de se débarrasser subtilement de moi, enfin, de se débarrasser de ce qu'ils n'aimaient pas chez moi. Étonnamment, ils s'étaient parlés bien plus de fois que je ne l'aurais cru et en espionnant quelques-unes de leurs conversations téléphoniques, j'avais pu apprendre que mon père avait accepté de payer ma scolarité, comme une "compensation" de toutes ces pensions qu'il avait refusé de payer.

Vraiment, aucun de ces deux-là ne serait jamais de mon côté. Malheureusement, j'en avais encore la preuve.

Et je découvrais une nouvelle facette de ma mère que j'ignorais jusqu'alors. Désormais, je voyais à quel point elle pouvait me coller quand ça pouvait servir ses intérêts. Elle voulait vraiment que je devienne cette gentille petite fille parfaite et elle avait laissé sous-entendre plusieurs fois que ça serait une bonne idée si je trouvais quelqu'un de "bien", en particulier un homme qui pourrait s'occuper de moi. Autant dire que je n'en avais aucune idée... De un, ça ne collait pas avec mes envies et de deux, j'avais Lucine, elle me suffisait amplement.

Alors, durant ces quelques jours, j'avais constamment mis Lucine au courant et la situation ne lui plaisait pas non plus. Puis, elle avait insisté pour qu'on se voie, dans un endroit assez calme. Nous avions trouvé un coin dans le parc, entre deux arbres qui pouvaient nous cacher.

Malgré ses inquiétudes, son sourire était adorable. Et ses yeux pétillaient. Immédiatement, je l'avais prise dans mes bras et j'avais laissé couler quelques larmes en comprenant que l'année prochaine, nous aurions peu d'occasions pour nous voir. Et c'était atroce qu'elle me manque déjà à ce point.

— Je t'aime, murmurai-je naturellement.

Elle prit alors une brève aspiration et me relâcha, assez étonnée par ce que je venais de dire. Et soudainement, je m'en rendis compte à mon tour.

— Est-ce que tu...

— Oui, je l'ai dit. Je t'aime. Désolée, je n'aurais peut-être pas dû... Peut-être que ça te gêne, tentai-je de me rattraper maladroitement.

Et si jamais elle ne ressentait pas la même chose ? Peut-être qu'elle n'avait qu'un attachement très fort ? Et puis, étais-je vraiment sûre de mes sentiments ? Ça avait beau être venu aussi simplement, peut-être que je me trompais.

Mais quand je vis un doux sourire se dessiner sur ses lèvres, je me demandais vraiment comment je pouvais en douter. Après tout, j'en étais persuadée depuis le début de notre relation. Pourquoi est-ce que j'en doutais ? Et puis, Lucine était vraiment une boule de tendresse, elle rayonnait.

— Moi aussi, je t'aime, rétorqua-t-elle timidement.

Elle baissa son regard un instant, parce que c'était la première fois que nous énoncions nos sentiments aussi clairement et aussi facilement. Nous aurions certainement pu le dire des semaines, des mois auparavant, mais l'imprévu de cette déclaration avait une douce saveur à mes yeux.

Puis, lentement, nos lèvres s'étaient croisées et nous avions échangé un bref baiser en espérant que personne ne nous remarque. Nous étions quand même dans un lieu public et nous craignions toujours de prendre le moindre risque.

— Et du coup, t'as pas de solution ? s'enquit-elle.

— Ma mère ne veut rien entendre et elle a l'autorité sur moi, quitte à ne pas respecter mes choix...

— Alors, l'année prochaine... On va à peine se voir ? s'inquiéta-t-elle.

— J'en sais rien... C'est aussi un pensionnat. Alors j'aurais des fois le droit de sortir, mais ça ne risque pas d'être fréquent...

— C'est vraiment nul, lâcha-t-elle simplement.

Nous n'avions aucun moyen d'améliorer la situation, malheureusement, et c'était vraiment terrible de se sentir aussi impuissant.

— Tu crois qu'on arrivera à surmonter ça ? demandai-je naïvement.

— On n'a pas trop le choix... Alors on va devoir tenter, répondit-elle assez calmement. Mais je pense qu'on arrivera à surmonter ça.

— Même si on se voit très rarement ?

— Un couple n'est pas obligé de se voir tous les jours, parfois, on fait comme on peut, lâcha-t-elle en haussant les épaules.

Il était évident qu'elle voulait me rassurer et à ce moment, je me fichais qu'elle le pense vraiment ou pas. J'appréciais juste ses intentions et je remarquais qu'en quelques minutes, nous avions inversé les rôles. Alors que je me voulais rassurante, finalement, c'était elle qui calmait mes angoisses. Parfois, nous n'aimions pas garder un rôle indéfiniment, et puis, ça n'avait rien de bon. Nous avions besoin d'alterner de temps à autre.

— Du coup, on ne prévoit rien et on voit ce que l'avenir nous réserve ? lançai-je avec hésitation.

— C'est une bonne manière de résumer la situation.

— Ça va être tellement galère...

Pour une fois, j'aurais voulu que le futur soit sûr et qu'on m'informe d'une manière et d'une autre que tout irait bien. Malheureusement, j'allais devoir garder mes incertitudes pendant un bon bout de temps, parce que, désormais, plus rien n'était sûr.

J'allais rentrer dans plus d'un mois et pourtant, elle me manquait déjà...


[NDA : Hey ! Me revoilà juste pour vous annoncer que j'ai fini l'écriture du tome 1 et qu'il ne reste plus que 2 chapitres. :x

Mais il y aura un tome 2 et je m'y mettrai trèèèès rapidement. ;)

En tout cas, j'espère que ça vous plaît jusqu'à maintenant :D ]

Le Spleen du CygneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant