Chapitre 47 : Besoin de conseils | partie 2

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Toute souriante, Saphira avait commandé quelque chose à boire et avait rejoint notre table.

— Alors, qu'est-ce qui est prévu ? On reste ici discuter ou on fait un tour dans les boutiques ? demanda-t-elle.

— On finit d'abord nos cafés et on verra après, proposai-je.

Mon idée convenait à tout le monde et nous verrions le moment venu ce que nous ferions après. Peut-être que nous serions tellement plongées dans notre conversation qu'on serait incapable de faire autre chose. Après tout, nous aurions des tas d'autres occasions pour les boutiques. Le centre commercial n'était pas près de fermer durant l'été.

— Comment t'as su qu'on était en couple ? s'enquit Lucine après une brève gorgée.

— En fait... Je vous ai vues être très très proches... Mais j'ai été la seule à le remarquer, en vous en faites pas.

Ceci ne sembla pas vraiment rassurer Lucine et je lui pris sa main pour essayer de calmer ses angoisses. Au mois, comme Saphira savait, je n'avais pas trop peur de ce simple geste et les gens autour ne douteraient probablement de rien.

— Est-ce que tu peux garder ça pour toi ? demanda Lucine naïvement.

— Bien sûr. Jamais je n'irai balancer ça... Je sais très bien ce que c'est de vivre caché. Après tout, vous le savez, je suis bi... Et j'ai pas trop envie que ça se sache dans ma famille. Enfin, je suis aussi aro.

— Qu'est-ce que c'est ? m'enquis-je immédiatement. Enfin, seulement si tu as l'énergie de me l'expliquer, ajoutai-je immédiatement pour corriger ma maladresse.

— En fait, je ne ressens pas d'attirance romantique. Ça comprend les crush, l'envie d'être en couple... mais ce n'est pas être sans sentiment non plus. Et je suis attirée par les personnes de mon genre et des autres genres, c'est pour ça que je me dis bi. Mais j'ai pas forcément envie d'avoir une relation romantique avec, je ne vais pas tomber amoureuse...

— Je ne savais pas qu'on pouvait différencier les attirances romantiques et sexuelles ! m'exclamai-je, bien trop enthousiaste d'apprendre de nouvelles choses.

— Si tu veux, je te passerai des liens pour te renseigner.

— Seulement si tu en as envie.

— Pas de soucis. J'aimerais vraiment que les gens se rendent compte qu'on existe... ce qui est déjà assez compliqué.

Elle semblait tellement heureuse de s'exprimer sur ce qu'elle vivait sans être interrompue, sans être jugée, et j'aimais la voir ainsi. Je découvrais une autre facette de Saphira. Ce n'était plus la fille qui me dévisageait à l'arrêt de bus, mais désormais je la voyais comme cette fille pleine de joie et attendrissante. Enfin, il était évident qu'elle avait sûrement vécu des moments douloureux à cause de ce qui la définissait et qu'elle n'était pas que cette fille souriante.

Puis, j'avais commencé à aborder le sujet de mon père parce que dès demain, je pouvais déjà subir ses stupides états d'âme.

— Et tu sais pourquoi il revient ? s'enquit Lucine.

— Justement, j'aimerais bien savoir... Parce que jusqu'à maintenant, il n'en avait rien à faire de ma sœur et moi. Je ne crois pas l'avoir vu depuis le divorce.

Et depuis le divorce, ça faisait longtemps. Il était brièvement repassé après, plusieurs fois, mais c'était généralement pour s'assurer que c'était notre mère qui se chargerait de notre éducation. Des fois, je les entendais se crier dessus et je prenais ma sœur dans mes bras pour la rassurer, peut-être vainement. Nous avions toutes les deux clairement entendu à quel point il se fichait de nous.

— Je ne sais même pas ce qu'il fait de sa vie, ajoutai-je. Peut-être qu'il s'est remarié et veut me présenter sa nouvelle femme... Peut-être qu'il veut me proposer un travail dans une entreprise de merde où il a des connaissances...

— Tu vas vraiment le revoir ? s'étonna Lucine. Tu ne vas pas trouver un moyen de l'éviter ?

— J'hésite. Soit je l'évite, il s'imagine que je suis occupée et reporte ça. Soit je lui dis clairement le fond de ma pensée et au moins ça sera clair de mon côté.

— Tu arriverais à le lui dire ? demanda Saphira, un peu déstabilisée.

— En fait... J'en sais rien... J'étais qu'une gosse...

Aucune d'elles n'avait la solution miracle face à mon père, surtout quand elles ignoraient qui il était vraiment. Moi-même, j'en doutais de mon côté. Après tout, j'en étais même venue à oublier le visage de mon père, à oublier sa manière d'agir. Néanmoins, j'étais certaine d'une chose : jamais il n'y aurait de réconciliation entre nous. Peu importe que je souhaite arranger les choses, je ne serais jamais gagnante. Et il allait falloir que je me fasse vraiment à cette idée, ce qui était probablement le plus compliqué.

Lucine et Saphira semblèrent remarquer ma légère absence et je prétendis immédiatement que tout allait bien. Elles n'allaient pas me croire, mais elles ne me contredirent pas. Après tout, j'avais toujours eu du mal à accepter que jamais je n'aurais une famille comme les autres...

— Je pense que c'est le bon moment de faire un tour dans des boutiques ! proposa Saphira.

Le Spleen du CygneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant