Chapitre 19 : L'énergie me manque

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[Musique : Air - Playground lover]

Ce soir-là, je n'avais pas été raisonnable. Après le départ de Rachel, j'avais commandé un deuxième verre et je m'étais laissée faire séduire par un homme quelconque. Celui-ci m'avait offert un autre verre et l'idée qu'il puisse verser un petit cacheton de merde, j'en avais fait impasse. Il était évident qu'il voulait me faire boire jusqu'à ce que je sois incapable de me rappeler de mon propre nom. Autant dire que ce n'était pas quelqu'un de recommandable... Mais ce soir-là, je me fichais de tout.

J'avais même accepté qu'il me raccompagne chez moi et comme j'avais refusé de lui donner mon numéro, il m'avait donné le sien tout en s'extasiant sur ma demeure.

— Mais que faisait une fille comme toi dans un bar aussi miteux ? s'enquit-il.

Si seulement il s'agit que je n'avais que dix-sept ans, peut-être qu'il changerait d'avis... Et encore... Il s'en foutrait totalement. J'aurais juste l'illusion d'agir comme une adulte et d'être considérée comme un adulte, ce qui me manquait cruellement dans ma vie.

Alors que je m'apprêtais à descendre de la voiture, il tenta de me retenir, voulant essayer de m'embrasser parce que mes lèvres étaient bien trop roses pour être laissées à l'abandon. Je craignais qu'il insiste davantage, je n'avais pas l'énergie de me débattre. J'étais bien trop ivre pour éviter quoi que ce soit. Heureusement, il ne fit rien de plus et finit par relâcher. Enfin, je crois que ça s'était passé comme ça. Mes souvenirs commençaient à me faire défaut.

Et dans l'obscurité de ma maison, j'avais rejoint difficilement ma chambre pour m'écrouler dans mon lit. Sans comprendre pourquoi, quelques larmes tombèrent sur mon oreiller, se mêlant à mon maquillage. Puis j'avais trouvé le sommeil. Psychologiquement, j'étais épuisée, et c'était suffisant pour que je rejoigne facilement les bras de Morphée...

*

En ouvrant les yeux ce matin, je n'avais aucune envie de me lever. Il avait beau être dix heures et j'avais beau être très en retard, ce n'était pas suffisant pour me motiver. Mon lit n'était pas si agréable que ça non plus. J'avais juste une immense flemme.

Et au pire, que se passerait-il ? Le proviseur adjoint tenterait de joindre ma mère, mais sans réellement insister non plus. Il s'en voudrait bien trop s'il poussait ma génitrice à me faire changer d'école.

Après une bonne demi-heure, incapable de bouger, je finis par quitter mon lit et enfilai rapidement des vêtements. Peut-être que je ne mettrai même pas le pied au lycée aujourd'hui, mais je fis quand même cet effort.

En sortant de chez moi en fin de matinée, je craignais d'avoir une conversation avec Maria. Heureusement, elle n'était pas dans les parages, ce qui me soulagea. Alors, la musique dans les oreilles, je marchai en direction du lycée. La plupart des rues étaient vides. Au moins, c'était bien plus apaisant ainsi.

En franchissant le seuil du lycée, je pus constater que les cours de la matinée venaient tout juste de se terminer. Les couloirs étaient bondés et j'eus quelques difficultés à me frayer un chemin jusqu'à la cafétéria. J'y allais surtout par principe, je n'avais pas faim et ce brouhaha ne faisait qu'accentuer mes maux de tête. Autrement dit, j'avais une belle gueule de bois.

Je n'aurais pas dû boire autant hier. J'aurais dû rester raisonnable. J'aurais probablement dû agir comme Rachel, agir comme une fille modèle. Mais je n'y arrivais plus. Je ne pouvais pas rentrer dans le moule.

Saphira, une amie très proche de Rachel, me vit parmi la foule et n'hésita pas à me faire une remarque stupide que j'écoutai à peine. Néanmoins, j'eus l'impression que la blonde l'arrêta. Visiblement, quelques bribes de la soirée d'hier étaient encore présentes... Enfin, ça ne durerait certainement pas.

Rapidement, je distinguai Lucine qui était assise seule à une table. Et encore une fois, lorsque nos regards se croisèrent, j'eus cette même étrange réaction. Peut-être parce que, pour la première fois depuis un bon moment, j'étais enfin proche de quelqu'un et suffisamment proche pour que je puisse mettre le mot "amitié" dessus. Après tout, je n'avais jamais vraiment eu d'amis au lycée que j'en oubliais le sens quelques fois...

En m'asseyant aux côtés de Lucine, celle-ci s'étonna que je n'aie rien à manger. Sur ce coup-là, je n'avais aucune raison de mentir : je n'avais pas faim, rien d'incroyable.

— C'est vraiment une habitude de sécher les cours chez toi, lâcha-t-elle en prenant une bouchée de son plat.

— Je ne m'étais pas réveillée, rétorquai-je comme si de rien n'était.

Encore une fois, il y avait une partie de vrai. Mais je n'avais pas envie de rentrer dans les détails. Je savais que Lucine ne me ferait pas culpabiliser pour les événements de la veille, mais je préférais me taire pour cette fois-ci. Je m'étais bien trop ouverte dernièrement.

Mon regard se posa alors sur un de ces groupes populaires. Rapidement, je remarquai la présence de Damon et Carter. Tous deux étaient en train de rire et toutes les personnes autour d'eux buvaient les moindres de leur parole. Tous deux avaient toujours été très doués pour charmer leur entourage. Ils savaient trouver les bonnes cibles, celles qui les écouteraient... Et j'en avais fait partie.

Pendant un instant, je repensai à ma relation avec Damon. Rachel était partie quand il avait voulu lui soutirer du sexe, ce qui était contraire à ses convictions. Moi, j'avais cédé...

Le Spleen du CygneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant