Le mois de mai s'était écoulé bien trop vite à mes yeux. J'avais passé la plupart de mon temps en compagnie de Lucine sans que personne ne doute de notre relation. Parfois, je me disais que c'était bien trop facile et qu'une merde allait nous tomber dans la gueule. Mais mon pessimisme était constamment contredit. Tout se passait très bien...
Les seules taches dans le tableau n'étaient que Damon et Carter qui essayaient vainement de prendre contact avec moi. Tous deux espéraient encore me soutirer des faveurs sexuelles, mais j'avais désormais décidé que c'en était fini. Visiblement, ça n'avait pas l'air de leur convenir, ils ne se gênaient pas pour faire la moindre blague salace à mon sujet. Heureusement, leurs remarques m'atteignaient beaucoup moins que d'habitude, surtout depuis que, dès la sortie des cours, je retrouvais Lucine et nous échangions quelques discussions endiablées et timides baisers. J'avais l'impression de me redécouvrir, de comprendre de nouvelles choses sur ma vie, mon ressenti... et j'aimais ça plus que tout.
C'était notre petit secret, notre secret rien qu'à nous, et j'espérais que ça le resterait encore longtemps.
Enfin, tout équilibre ne dure jamais longtemps. Je l'avais souvent appris à mes dépens et j'allais le comprendre de nouveau aujourd'hui. Lucine m'avait abandonné quelque instant pour discuter avec un prof tandis que j'étais passé rapidement aux toilettes. Mais je ne m'attendais certainement pas à tomber sur Damon, Carter et Sam. Tous trois semblaient m'attendre.
Pendant un long moment, on échangea quelques regards et j'entrepris alors de fuir. Vainement. Carter avait déjà emprisonné mon poignet dans sa main. Et j'avais beau me débattre, c'était tout aussi inutile. Il avait toujours eu bien plus de force que moi.
— Diana, ça faisait longtemps, lâcha-t-il d'un air méprisant.
— Lâche-moi ! Je suis pressée ! prétendis-je.
En soi, ce n'était pas tant que ça un mensonge. Je voulais juste retrouver Lucine et passer un peu de temps avec elle. Vivement que les cours se terminent pour qu'on ait davantage de temps pour nous...
Encore une fois, je me débattis mais il renforça son emprise, m'empêchant de fuir.
— À quoi tu joues Diana ? insista-t-il.
— J'en ai rien à foutre de vous ! lâchai-je, complètement excédée par leur comportement.
Damon lui fit signe de me relâcher et je m'empressai de caresser mon poignet pour évacuer la douleur. Mais je fus incapable de faire plus, alors je restai sur place, ne fuyant pas.
— Je pense qu'on doit discuter, annonça-t-il calmement.
— Tu me coinces dans les toilettes, c'est ça que tu appelles "discuter" ? m'emportai-je, supportant de moins en moins ce cirque.
— Je ne t'ai pas vue à ma dernière fête, énonça-t-il d'un air presque bienveillant.
— Parce que tu crois vraiment que j'ai envie de revenir ? Tu crois que j'ai encore envie de te baiser ? Apprends à respecter les femmes et on en reparlera !
— C'est toi qui oses me dire ça ? rétorqua-t-il, amusé.
J'en avais déjà marre de ces énergumènes. Puis mon regard se posa sur Sam qui n'avait toujours pas réagi jusqu'alors. Il était toujours en retrait, comme s'il ne supportait pas vraiment les agissements de ses amis. Il était évident que quelque chose le dérangeait. Si je devais soutirer quelques informations, c'était ma porte d'entrée.
— Damon, c'est fini. Tu ne pourras plus jamais rien soutirer de moi, c'est inutile d'insister. Je ne céderai pas cette fois-ci.
Je repris une longue inspiration. Je sentais mes jambes trembler, mais je ne devais pas faillir, certainement pas face à eux. Ils n'attendaient que ça, ils voulaient me voir faible et abuser de moi. Ça ne devait plus jamais se produire. Plus jamais.
— J'ai essayé de parler avec Rachel, mais elle n'a rien voulu entendre. Je suis obligé de passer par toi pour comprendre.
— Rachel et moi, on n'est pas amies. On ne se doit rien. Et de toute manière, je ne sais absolument rien. Démerde-toi.
Mon ironie reprenait le dessus et je ne pouvais m'empêcher de hausser sarcastiquement les épaules. Je commençais à reprendre le contrôle de la situation et de mon corps. C'était presque satisfaisant.
— Son comportement a changé après votre discussion. Que lui as-tu dit à mon sujet ?
— Je ne te dirai rien, assurai-je avec fermeté.
Il semblait furieux et pendant un instant, je craignais qu'il use de la violence. Après tout, ce ne serait pas improbable venant de sa part. Mais j'étais persuadée que Carter agirait avant. En tout cas, l'un des deux pourrait me plaquer contre le mur d'une minute à l'autre et glisser leurs doigts baladeurs là où je ne l'aurais pas voulu.
— Alors, je vais balancer à tout le monde que tu te tapes cette fille avec qui tu traînes tout le temps. Après tout, si tu es lesbienne, je comprendrais pourquoi tu n'es plus intéressée...
J'ignorais s'il savait, mais être exposée aux yeux de tous ne me plaisait clairement pas. Je craignais ce moment depuis que j'étais en couple avec Lucine. J'aimais bien trop notre secret pour qu'il soit dévoilé aux yeux de tous.
— Si tu crois que les lesbiennes le sont par pure haine des hommes, tu te trompes, rétorquai-je. Et non, pour ta gouverne, sache que je ne suis pas lesbienne.
Il plissa des yeux, comme s'il avait du mal à me croire. Je profitai alors de l'instant pour fuir. En les entendant crier, il était évident qu'ils détestaient mon comportement et qu'ils reviendraient un autre jour pour me hanter.
Je courus jusqu'à la sortie du lycée et croisai Lucine, l'entraînant dans ma course.
— Qu'est-ce qu'il se passe ? s'étonna-t-elle.
— Je t'expliquerai !
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Le Spleen du Cygne
Novela JuvenilLe quotidien de Diana Kane alterne entre les querelles avec les professeurs - pour lesquelles elle n'est jamais punies - et les autres élèves du lycée qui ne se gênent pas pour juger le moindre de ses faits et gestes. Pour la plupart, Diana est une...