Chapitre 14 : De retour à la maison

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Encore une fois, les  jours s'étaient bien vite écoulés et la prérentrée prenait fin. Avec  beaucoup d'étonnement, je constatais que j'étais assez triste de partir. 

Beaucoup d'entre nous  étaient recueillis par leurs parents ou un proche. Hikaru avait  immédiatement rejoint son oncle Hiroshi. Nous avions brièvement discuté  puis ils étaient partis, prévoyant d'aller manger ensemble au  restaurant.

Sani et Hilary avaient  retrouvé leurs parents dans la bonne humeur. Ceux de Sani étaient même  très heureux de me revoir et, comme toujours, avaient été adorables.  Malheureusement, la plupart des personnes les regardaient d'un mauvais  œil à cause du voile qui recouvrait les cheveux de sa mère.

Quant à Elaine, personne  n'avait pu se libérer pour la récupérer. Mais malgré son visage a  priori neutre, il y avait comme une pointe de tristesse dans sa voix et  c'était suffisant pour me persuader que rien n'allait chez elle. Et  pourtant, elle semblait être une fille si rayonnante. Enfin, j'étais la  mieux placée pour savoir que les masques étaient parfois très utiles  pour se protéger.

Puis les minutes  s'écoulèrent, peut-être un peu trop avant que ma mère ne daigne pointer  le bout de son nez. Elle gara sa grosse berline sur le rebord de la  route et ne prit même pas la peine de descendre. Elle m'invita juste à  monter d'un signe de main.

Dès que je m'installai  dans le véhicule, je compris pourquoi elle était restée à l'intérieur.  Elle était en plein appel téléphonique. Ainsi, elle évita toute  politesse à mon égard. Je n'eus même pas le droit à un "bonjour, ça a  été ?" qu'elle avait déjà repris la route.

Alors, je me contentai  de regarder le paysage par la fenêtre. Avec un peu de chance, elle ne  resterait pas cette semaine dans les parages et je n'aurais pas à la  subir. Ça ne changerait pas de d'habitude... Cette pensée était presque  suffisante pour me faire apprécier complètement cette école privée.

En remarquant le décor  qui ne défilait plus, je compris que nous étions arrivées à destination.  Je me tournai alors vers ma mère, presque avec désinvolture.

— Je te dépose et je vais devoir m'en aller, m'annonça-t-elle froidement.

— Bonjour ? Ça va ?

— Pardon ?

— Ah pardon, maintenant que tu m'as éjectée de la maison avec l'aide de ton ex-mari, je ne mérite plus la politesse.

— Tu ne vas quand même pas faire une scène ! s'écria-t-elle.

— Depuis que je suis  gamine, ton ex-mari et toi avez essayé de m'inculquer quelques valeurs.  La politesse en faisait partie, comme toute éducation. Mais encore une  fois, je vois que c'est "fais ce que je dis, pas ce que je fais".

Je ne lui laissai même  pas le temps de répondre, ne voulant certainement pas entendre ses  stupides plaidoiries et me dirigeai vers la maison. Enfin, ce serait  bien trop facile. Elle quitta sa voiture dans la précipitation et me  rattrapa.

— Diana ! Je ne tolérerai pas ces propos bien plus longtemps ! s'emporta-t-elle, persuadée que je me plierais à ses demandes.

— Tu n'as pas un travail ? tentai-je comme simple esquive.

— On a bien fait de t'envoyer dans cet endroit ! Peut-être que tu apprendras enfin les bonnes manières.

Je lui répondis  simplement : un sourire provocateur. Et à en voir sa tête, ça avait  l'air assez efficace. Néanmoins, elle ne rajouta rien et retourna dans  sa voiture. Avant qu'elle parte, je récupérai rapidement ma valise dans  le coffre.

Comme je m'y attendais,  aucune marque d'affection... Elle n'avait même pas échangé un regard.  Elle se fichait totalement de moi. J'aurais pu pleurer. J'aurais toutes  les raisons de le faire. Et pourtant, impossible. Au lieu de ça, seul un  rire nerveux m'échappa.

Tant pis.

Alors, traînant ma  valise à roulettes – qui avait bien diminué de poids depuis –, je  rentrai chez moi. Heureusement, Maria m'accueillit avec beaucoup de  convivialité et me prit même dans ses bras. Son contact était si  chaleureux et si doux que j'avais presque envie de pleurer.

— Comment ça a été là-bas ? Tu t'es fait des amis ? s'empressa-t-elle de demander, tout sourire, en me relâchant.

— Tout va bien et j'ai rencontré quelques personnes sympas.

Son visage rayonnait et la voir ainsi me rassurait. Au moins, je n'étais pas si seule que ça dans cette maison.

Soudainement, ma sœur  déboula les escaliers en courant et se jeta sur moi pour me prendre dans  ses bras à son tour. Je m'assis sur mes talons pour me mettre à son  niveau et elle me serrait fermement comme si mon absence avait été  douloureuse. J'aurais tellement voulu rester proche d'elle et continuer  de la protéger des horreurs de ce monde du mieux que je pouvais. Mais je  savais que c'était impossible. Et cette simple pensée me fendait le  cœur à chaque fois.

Maria nous annonça le menu pour ce midi : des lasagnes, ce qui convint totalement à ma sœur et moi.

Après le repas, on avait  passé à regarder l'après-midi à regarder des films. Un bref message de  Lucine vint tout de même perturber ma séance. Elle espérait juste que je  sois bien rentrée et que tout aille bien, avec un petit emoji cœur.

Ma sœur remarqua alors ma joie et se tourna vers moi curieuse.

— C'est de ton amoureuse ? s'enquit-elle.

— Oui. C'est d'elle.

— C'est cool si elle te rend heureuse.

Elle n'ajouta rien de  plus et continua de suivre le film. Cette conversation avait beau être  si courte et si basique, ça me rappelait pourquoi j'appréciais autant ma  sœur. Je savais qu'elle avait un bon fond. Malheureusement, je devrais  l'abandonner un jour si je voulais fuir nos parents... et je regrettais  déjà ce moment.

Le Spleen du CygneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant