Chapitre 21 : Tout s'échappe

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Je ne faisais pas vraiment attention au match. À vrai dire, je n'arrivais pas à suivre correctement ce qu'il se passait. Mon regard se posait constamment sur Damon ou Carter. Tous les deux jouaient comme si de rien n'était et j'étais de plus en plus gênée par l'idée que je sois la seule à réagir. Eux, ils se fichaient de tout et ils se ficheraient toujours de tout.

Lors de la mi-temps, je m'éclipsai des gradins sans prévenir, ce qui sembla inquiéter Sani et Lucine. J'avais besoin de m'éloigner. Je ne pouvais pas rester assise là à ne rien faire. J'avais besoin de hurler, de me décharger de quelque chose, mais je ne fis rien de tout ça. J'étais juste immobile dans le passage des joueurs jusqu'aux vestiaires. Tous me regardèrent, tous avec un air aguicheur qui me donnait envie de vomir.

Je ne pouvais pas rester ici. Alors, je fuis dans les couloirs. Sani m'arrêta et j'eus l'impression de tomber de haut, comme si je reprenais conscience de la situation.

— Hey Diana ! Ça va ? s'enquit-il, le visage contrit.

— J'avais besoin d'air, prétendis-je.

Lucine nous rejoignit bien rapidement. Elle avait la même expression que Sani sur son visage. Et je détestais les voir tous les deux ainsi. Ça me déchirait intérieurement. Je détestais tellement cette situation et je me devais d'arranger tout ça.

Sans trop y réfléchir, je sortis la bouteille que j'avais prise dans mon sac. D'ailleurs, je constatai désormais qu'il s'agissait de rhum. J'avais vraiment pris la première bouteille qui m'était tombée sous les yeux.

— Qui en veut ? proposai-je.

— T'as vraiment ramené de l'alcool ? s'étonna Lucine.

— Je me suis dit que ça pourrait être amusant. Tant qu'on se fait pas prendre, tout va bien.

Elle paraissait assez hésitante face à mes propos, encore une fois, elle ne voulait pas transgresser les règles. Sani, quant à lui, n'en eut que faire et me prit la bouteille des mains pour en boire une gorgée. Je le suivis tandis que la brunette nous regardait, assez sceptique.

Je lui tendis alors la bouteille et elle s'en empara pour en boire une gorgée. Au moins, elle y allait d'elle-même, je n'avais aucune envie de la forcer.

Puis les cris reprirent tout comme le match. La mi-temps venait tout juste de finir. Je rangeai ma bouteille et nous reprîmes nos places sans dire un mot. Mais ce ne fut pas sans encombre, j'entendis quelques remarques désobligeantes à mon encontre et je ne me gênai pas pour lâcher quelques doigts d'honneur. Comme toujours, certains en étaient choqués, d'autres en riaient.

Et plus le match avançait, plus nous descendions la bouteille. Mes réactions devinrent de plus en plus exagérées et parfois, j'en venais même à hurler sur les joueurs, à les considérer tous plus nuls les uns que les autres. En particulier quand il s'agissait de Damon ou Carter. C'était même un besoin viscéral de les insulter en ce moment.

Voilà que maintenant je ne suivais plus rien de ce qu'il se passait et j'alternais juste entre les cris et les rires. J'avais été bourrée des tas de fois, mais c'était bien la première fois que je me lâchais à ce point. Tout ce que je contenais depuis bien trop longtemps était en train d'exploser, je n'en pouvais juste plus.

La plupart du temps, Lucine et Sani me suivaient et disaient tout autant de conneries. Nous étions sûrement les personnes les plus pitoyables dans cette pièce, mais nous n'en avions que faire. Nous avions tous bien trop bu pour donner de l'importance aux jugements des autres. Après tout, nous ne faisions que nous amuser.

La fin du premier match arriva assez rapidement et nous l'avions à peine remarqué. Je m'éloignai alors du groupe pour aller aux toilettes, Lucine me suivit. Dans les couloirs, nous étions à l'abri de nombreux regards et nous ne gênions pas pour rire un peu trop fort. Les toilettes étaient tout aussi désertes que le reste du lycée.

— C'est vraiment n'importe quoi ! pouffa Lucine.

— On ne change pas les bonnes habitudes !

Voyant que mon maquillage avait coulé, je redessinai mon habituel et épais trait noir pendant que Lucine m'observait, comme fascinée.

— Tu veux que je te maquille ? lui proposai-je.

— Euh... Je sais pas... Déjà, je vais rentrer chez moi complètement bourrée...

— Tout se passera bien. Tes parents ne sont pas comme ma mère.

Elle finit par accepter, bien qu'assez récalcitrante aux premiers abords. Je me fis alors un plaisir d'entourer ses adorables yeux de noir. Je n'étais pas très douée en maquillage et me contentai toujours de peu, même si j'aurais bien aimé en apprendre davantage.

— C'est fini ! lui annonçai-je.

Elle se regarda dans le miroir et ne put s'empêcher de rire. C'était un rire nerveux. D'habitude, je n'avais aucune attache pour ce genre de rire, mais le sien était attendrissant. Puis elle se tourna vers moi, me félicitant alors que je n'avais pas fait grand-chose.

— On devrait y retourner, lâcha-t-elle, hésitante.

J'avais beau hocher de la tête, aucun de mes membres ne bougeait, et je la fixais, un sourire béa sur les lèvres. J'avais vraiment trop bu et j'allais le regretter le lendemain. Encore heureux que ce ne soit que dimanche demain.

Puis, je soupirai une dernière fois, m'apprêtant à partir, mais elle me retint en prenant délicatement mon poignet. Elle était complètement perdue sans que je comprenne pourquoi.

— Qu'est-ce qu'il y a ? m'enquis-je.

— Je... Je veux t'embrasser...

Elle avait commencé à rougir et je souris à sa timidité. Alors, lentement, je rapprochai mes lèvres des siennes...


Le Spleen du CygneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant