C'est sous un nouveau jour, après une autre rude nuit froide et accablante, que le fugitif se réveilla. Comme toutes les nuits maintenant, son sommeil fut court, voire interdit. Il restait constamment en alerte, attentif aux bruits que pouvaient produire les rues en ces périodes de traques assidues. Transi de froid, frissonnant, gelant, les multiples couvertures ne lui permettaient de garder que partiellement sa chaleur miasmatique.
Ce matin-là, dans un espoir sans fondement, il avait décidé de partir, de ne plus croupir dans cet endroit sordide. Il ne savait pas ce qu'il pouvait trouver, ailleurs, dans une autre contrée, au bout d'un voyage initiatique. Peut-être que quelque part, il existait encore un lieu différent, où le danger impitoyable se faisait moindre, humain ou inhumain,. Peut-être qu'il existait encore un lieu, où la mort le traquerait avec plus de distance, elle qui le surveillait toujours de si près. Peut-être qu'il existait encore un lieu où il pouvait s'isoler, lui qui était pourtant déjà bien seul. Il l'igonrait totalement, mais ne pouvait plus se résoudre à moisir ici.
Il attrapa au fond de sa poche une petite feuille de papier, pliée et abîmée, sur laquelle tenait une photo qu'il observait régulièrement. Cet encre représentait son seul réconfort, une consolation dans sa désolation. Il se remémorait les douces bribes de sa vie passée en la fixant, parfois pendant plus d'une demi-heure. Il observait cette jeune femme assise sur un banc, contre lui, au milieu d'un parc. Tous deux se tenaient dans les bras, arborant un sourire radieux et presque innocent, emplis de tout le bonheur maintenant dévoré par le monde. Sa pureté semblait en contradiction complète avec le monde actuel, comme si sa disparition hors de ces vestiges oubliés demeurait ineluctable. Il déplia ensuite une grande carte, abimée, enfouie au fond de ses affaires. Du bout de son doigt, il suivit le tracé noir du marqueur qui s'arrêtait dans l'État voisin du Kentucky, sur une petite ville qu'il connaissait brièvement. Il prit connaissance des prochaines localités qu'il allait traverser, des cheminements qu'il pourrait emprunter. Il ne pouvait prévoir le temps nécessaire à l'accomplissement d'un tel trajet, mais quelque chose d'ultime le tirait d'ici et l'attirait jusque là-bas.
Il n'avait pas manqué de se préparer pour les entières journées de marche acharnée qui l'attendaient. Affaibli par la fatigue, il traînait l'imposant poids de son sac comme un fardeau duquel il ne pouvait se soustraire. Son dos chargeait toutes sortes de provisions, récemment dénichées. Sans doutes, il y retrouverait ces même paysages abattus, là où il irait, qui lui procureraient de tristes airs de déjà-vu un millier de fois au moins. De nouveau sur la route, marchant dans ces rues peu accueillantes, son visage traduisait toujours la même crainte, les mêmes affres. Ce matin, la dévastation de la ville s'illuminait sous le soleil lumineux, mais apathique. Quelques rats potelés, aux poils sale, rêche, et aux longues queues pointues, passaient sur les routes ou se cachaient dans les gouffres. Certains, mêmes, rentraient dans le décor par certaines cavitées insoupconnables et invisible. Jusqu'à la sortie de la ville, il évolua prudemment, discret. Il craignait d'être une nouvelle fois la proie de ces avides êtres vivants, qui ne gardaient d'humain que l'apparence. Il prenait à chaque intersection le soin de vérifier la rue suivante, celles qui se trouvaient aux alentours, derrière lui, derrière toutes les vitrines, mais n'y voyait rien d'autre que ces bêtes épaves de véhicules subissant les forces du temps. Chaque recoin demeurait une zone incertaine que toute imprudence lui ferait payer avidement.
À l'approche d'un grand garage automobile, un étranger l'interpella subitement au loin:
- Hé, vous, s'il vous plaît, vous pourriez m'aider?
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Misérable rédemption
Science FictionL'existence passagère de l'être humain se clôture. Les sociétés bâties prennent fin. Son évolution se conclue et ses traces disparaîtront. Les derniers hommes se meurent, subsistent, tentant désespérément de survivre dans la crasse, l'affliction, l...