Chapitre 27 : L'héritage

7 1 0
                                    

Une voix faible et éteinte s'exprima dans l'obscurité la plus aveugle:

Caleb... Viens ici, voila... Là, je t'entends, tu es un bon garçon. Tu as déjà sept ans, c'est passé si vite. Tu es encore jeune, et tu vis des choses que tu ne devrais pas connaître. Tu étais censé connaitre une vie bien meilleure, mais tu vas devoir surmonter cette épreuve... Dis-toi simplement que tu vas connaître autre chose... de différent. Sers-toi de ce que je t'ai appris... J'ai tant redouté que ça arrive... De vous laisser seul... Je pensais que nous serions en sécurité ici... à l'abri des dangers. Peut-être que ta mère à raison, qu'il y a quelque part dehors les secours qui nous cherchent... Je veux que tu sois fort Caleb... Pour moi, pour ta mère qui t'aime... Toi et ta soeur êtes ce qui nous est arrivé de plus beau. Aidan va arriver... Et tu vas le suivre.

Viens, approches-toi... Voilà, encore un peu. Même sans te voir, simplement en te touchant, j'arrive à reconnaitre le visage de ta mère... Tu lui ressembles tellement. Toi et Claire avez toujours eu cette innocence dans le regards... J'espère que vous le garderez intact...Ce sont des larmes? S'il te plaît, ne pleurs pas. Dans tout ce que tu feras, je t'accompagnerais, ainsi que ta mère.

L'agitation de cette nuit n'avait en rien perturbé son évolution perpétuelle. C'est au petit matin qu'Aidan se réveilla dans la douleur et l'angoisse. Le sang s'était répandu sur son t-shirt gris, sa peau et son visage. Il avait séché et avait fini par s'incruster dans les tissus, durcis.

Il se redressa en extériorisant par des gémissements les maux ancrés dans différents points de son visage, dont sa mâchoire. Il la sentait lourde et endolorie. Le goût du sang enfumait toute sa bouche. Son fusil, son couteau et ses munitions avaient été emportés. Ses affaires étaient maintenant lointaines. En ramenant le sac à lui, il remarqua le vide qui s'y trouvait. Il le jeta furieusement au mur. Tout son être brûlait de l'intérieur, brûlait de ne pas avoir pu se défendre contre ce pilleur arrogant. Ses poings vindicatifs se rétractèrent et serrèrent sa rage. Il récupéra sa précieuse photo sous les débris de verre, éclatées contre le mur par le pillard alors qu'il tentait de le tuer. Il se leva après l'avoir plié en quatre et marcha doucement jusqu'à la sortie.

Il fut surpris par la dépouille éventrée contre la caisse. Une arme blanche avait été profondément introduite au milieu de ses organes puis préalablement retiré lors de son décès. Il avait l'air d'avoir été appuyé de manière déterminée et cruelle. Une flaque sanglante s'était solidifiée sous ses pieds, devenue plus foncée et blême.

Il continua sa route, dépouillé et seul dans les rues dépeuplées, naviguant entre les malformations de la route, les enfoncures remplies d'eau. On pouvait encore apercevoir des gouttelettes sur les pare-brise des carcasses métalliques. L'atmosphère s'était raidie et Aidan n'avait rien pour se réchauffer. Son manteau en cuir froid ne le protégeait pas efficacement. Il sentait au travers les picotements agressif du froid. Les souvenirs de cette nuit difficile restaient dans ses pensées. Il avait ce coup resté dans sa mâchoire, lui rappelant sa vulnérabilité et sa fragilité. Il n'avait heureusement que peu de chemin à parcourir, tout au plus quelques heures. Il voulait arriver rapidement malgré ses blessures qui l'handicapait, pour sa sécurité. Il songea à son ami, Blake. Les deux hommes s'étaient rapproché ces derniers temps, devenus de très bons amis par la force des choses. La confiance était devenue réciproque, au même titre que l'entraide.

Après une longue marche déterminée, en face de la porte du hall de la maison, il comprit que quelque chose avait eu lieu ici même. Toutes les portes étaient grandes ouvertes. Quelques corbeaux bien gras et repus s'envolèrent en le voyant. Son cœur s'emballa en découvrant avec effroi les bêtes mortes dans le garage, les traces de sang qui peignaient murs et sols et les meubles ravagés. Il courut le long des marches, comme un damné qui s'avançait vers ses représailles, entre les murs froids, descendant au sein de la basse-fosse. Ne voyant que l'obscurité totale, son souffle se fit court. Il savait que dedans se cachait un cauchemar inclément, quelque chose qu'il ne voulait pas voir et qui le bousculerait. Il chuchota après son ami, tout juste assez fort pour se faire à peine entendre vers le fond de la pièce, en laissant une place large au silence:

-Blake? Je t'en prie, réponds-moi...

Il avança un pied et senti quelque chose s'écraser sous la semelle. Il reconnut ce dont il s'agissait, il le supposait fortement. L'idée d'allumer sa torche lui déplaisait fortement. Il réfléchit, longuement, pivota la torche pour trouver le bouton, y posa son doigt et le poussa. Dans l'éclairage soudain, l'horreur se présenta à lui. La famille qui l'avait recueillie était réunie devant lui, couchés au milieu d'un bain de sang. Il s'abaissa courageusement au chevet de Blake. La rigidité du corps montrait qu'il n'était plus là depuis longtemps, trop tard depuis plusieurs heures déjà. Il était recouvert de son sang, de larges plaies. Son t-shirt avait été plusieurs fois éventré, le rouge confondu dans le gris. Il appuya son front contre l'épaule du défunt. De discrètes larmes s'apitoyaient dans son dos. Le fils se tenait au milieu de la cave, droit comme un piquet, observant cet homme et ce qui restait de son père. Ses yeux expressifs échappaient de chaudes larmes, emplis de tristesse, de peine. Cette cave était devenue le monument funéraire de sa famille. Aidan n'avait d'autres choix que de se retenir face à la perte et à la désolation de cet enfant qui venait de perdre ce qui lui restait.

Misérable rédemptionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant