C'est presque à contrecœur qu'Oikawa se rend au banquet, ce soir-là. Ushijima n'a pas cherché à entrer en contact avec lui durant l'après-midi, et il lui en est reconnaissant : le roi n'a pas réussi à se débarrasser de ses premières impressions sur le prince étranger, de cette sensation de malaise étouffante, qu'il a ressentie lors des présentations.
La salle est déjà bondée lorsqu'il arrive ; sur une estrade, un groupe de musiciens entretient une atmosphère enjouée. Les plats ne sont pas encore servis, mais le vin coule à flots, et de grands rires partent soudain d'une grande envolée à une table ou à une autre. Oikawa se promène quelques instants au milieu de ses gens, qui apprécient que leur roi soit aussi proche d'eux ; mais bientôt une voix grave et profonde le soustrait à ces moments privilégiés :
-Oikawa. Je voudrais vous présenter un de mes plus fidèles conseillers.
C'est Ushijima qui se tient derrière lui, et le toise de son regard sévère. Le prince s'est changé, et a troqué sa tenue de voyage contre des vêtements plus luxueux encore –mais toujours dans la même gamme de couleur, et pourvus de l'aigle blanc. Un frisson de déplaisir saisit Oikawa, mais il le camoufle habilement, et reste dans le sillage d'Ushijima lorsqu'il se met à marcher.
-C'est mon meilleur allié, dit le prince avec solennité. Respectez-le autant que moi.
Devant eux, la foule s'ouvre ; apparaît alors un étrange personnage, qu'Oikawa identifie tout de suite. C'est un jeune homme, pas beaucoup plus âgés qu'eux, apparemment ; mais quelque chose dans son attitude ou dans les tréfonds de ses yeux semble relever d'une sagesse millénaire. Ses yeux, surtout, arrêtent le regard d'Oikawa : jamais il n'en a vu de semblables. Ils sont immenses, mais surtout d'un rouge frappant, comme s'il avait des rubis en guise d'iris, et dont la prunelle noire comme la nuit s'élargit en voyant le roi. Ses cheveux sont d'une couleur tout aussi vive, dressés vers le haut, et il est presque aussi grand qu'Ushijima lui-même. Il porte une longue robe, dont les arabesques, violettes et argentées, sont aux couleurs du royaume auquel il a juré allégeance.
-Voici mon sorcier, déclare le prince. Ses conseils me sont infiniment précieux.
-On m'appelle Tendou, salue le sorcier. Il me tardait de vous rencontrer, votre Majesté. J'ai beaucoup entendu parler de vous.
-Je suis enchanté, répond Oikawa. J'espère que vous apprécierez mon hospitalité.
En signe d'amitié, il lui tend la main ; le sorcier s'en saisit, mais aussitôt que le contact a lieu, son expression se transforme. Ses yeux, déjà grands, s'écarquillent encore, et semblent ne plus voir la réalité qui les entoure, perdus dans des contemplations immatérielles. Puis, cette expression de surprise se dissipe aussi vite qu'elle est apparue, et un sourire étrange, presque menaçant, naît sur ses lèvres.
-Oooh, murmure-t-il. Voilà qui est très intéressant.
Oikawa dégage sa main des doigts crispés du sorcier ; il ressent une inquiétude viscérale face à cet être qui semble plus en savoir que lui sur son propre compte. Il a envie de lui demander pourquoi il réagit ainsi, ce qu'il a vu, mais il craint la réponse ; il se contente d'un signe de tête avant de prendre congé, plus ou moins impoliment, terrifié de rester en cette présence inhumaine, et prend place à la table où l'attend Iwaizumi.
-Qu'est-ce que tu as ? lui demande celui-ci quand Oikawa tire son siège pour s'asseoir à côté de lui. Tu es tout pâle.
-Tu as vu le sorcier de Shiratorizawa ? interroge le roi, fébrile.
Iwaizumi relève un peu la tête pour parcourir la foule des yeux.
-C'est celui aux cheveux rouges, non ? Tu lui as parlé ?
VOUS LISEZ
Memento Amari
FanfictionOikawa est le roi du puissant royaume d'Aoba Johsai. Cependant, peu après son accession au pouvoir, il s'éprend d'un simple archer. Cet amour lui est défendu: son devoir l'appelle à épouser non pas un simple soldat, mais un bien un prince étranger.