Chapitre 19

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Iwaizumi ne voit pas le bout de leur trajet.

Certes, ils vont plus lentement qu'à l'aller, où, pressés par l'urgence, ils ont poussé leurs chevaux au-delà de leurs limites. Mais c'est surtout l'atmosphère extrêmement tendue qui pèse sur eux qui semble étirer démesurément les minutes et les heures. Oikawa est, si possible, encore plus fermé que le matin même. Il n'a pas dit un mot depuis son altercation avec Tendou, et le sorcier, quant à lui, est bien en peine de dire quelque chose ; Iwaizumi a pris soin de resserrer fermement le bâillon. Il n'a pas essayé de parler, et ne se plaint plus, revenu dans sa position initiale, jeté comme un sac sur la croupe du cheval.

De temps en temps, le chevalier croise les yeux de Kageyama. Ils échangent alors un regard lourd de sens, qu'ils rompent aussitôt, de peur –oui, est-ce vraiment de la peur qu'ils ressentent ?- qu'Oikawa ne les surprenne. Iwaizumi ressent une étrange compassion envers l'archer, victime malgré lui d'un amour incontrôlable, destructeur, et qui, finalement, lui a causé autant de tort que de joie.

La nuit commence à tomber, et ils se rendent compte qu'ils sont encore loin du château. Le chevalier suggère de trouver une auberge, mais Oikawa secoue la tête. C'est bien trop risqué ; après tout, Iwaizumi et lui sont deux des personnages les plus éminents du royaume, ils transportent un être surnaturel et dangereux, et Tobio doit à tout prix rester sain et sauf.

Ils chevauchent encore un peu, laps de temps rythmé par les soupirs d'Iwaizumi, jusqu'à ce qu'ils décident de s'établir un peu plus loin hors des routes, à l'orée d'un petit bois, pour se protéger du vent et se dissimuler à la vue des voyageurs. Le chevalier fait du feu et, comme plus tôt, ils se regroupent autour ; cette fois, il laisse le sorcier où il est. Leurs rations de nourriture, emportées à la hâte, baissent dangereusement ; mais ils estiment être de retour pour le lendemain en milieu de journée, s'ils ne tardent pas.

Oikawa n'a toujours pas revêtu de cape, la sienne sur les épaules de Tobio, et le vent froid qui siffle entre les branches nues des arbres plaque le tissu de ses vêtements royaux, luxueux mais fin, contre sa peau. Ses cheveux châtains s'agitent avec la brise. La profonde estafilade qu'il a gagnée dans son combat avec Ushijima balafre toujours son visage, et des traces de sang séché s'écaillent sur sa peau tout autour.

Iwaizumi sait son rôle auprès de son roi, qui est aussi son meilleur ami. Il se débarrasse de sa cape, lui tend sans un mot. Oikawa ne répond que d'un geste désinvolte.

-Garde-la, je n'ai pas froid.

-Prends-la, insiste le chevalier. Et nettoie ton visage.

Le roi hésite un instant avant de s'en emparer. Il semble incertain, et soupire en se détournant vers le paysage désert :

-Je crois avoir vu une rivière, un peu plus loin. Je vais m'y rafraîchir.

-Je viens avec toi, déclare Iwaizumi. Tu es le roi, hors de question que tu partes seul.

-J'ai besoin d'un moment avec moi-même, coupe Oikawa. Je te fais confiance pour protéger Tobio. Il s'est passé beaucoup de choses en peu de temps, je dois prendre du recul sur tout ça avant de rentrer au château et de faire comme si rien ne s'était passé.

Iwaizumi acquiesce, un peu méfiant, mais soulagé qu'il ait pris conscience de son comportement. Si ça peut l'aider à se calmer... Il le regarde attacher la cape autour de ses épaules, rabattre la capuche et disparaître dans la pénombre, puis revient vers leur petit foyer, près duquel Kageyama réchauffe ses mains. Celui-ci lance un regard interrogateur au chevalier quand il s'assied à côté de lui.

-Comment tu te sens ? demande Iwaizumi, avançant ses mains près des siennes, à quelques centimètres des flammes, pour réchauffer ses doigts engourdis.

Memento AmariOù les histoires vivent. Découvrez maintenant