Chapitre 14

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Les mots du sorcier ont hanté le roi toute la nuit, et le manque de sommeil commence à apparaître sur son visage. Il se sent faiblement humain alors qu'il se regarde dans un miroir, ayant décrété qu'il s'habillerait seul ce jour-là. Ses yeux sont fatigués, soulignés par des cernes ; il passe une main hasardeuse dans ses cheveux rebelles. En ce jour particulier, pourtant, il doit se montrer plus fort que jamais.

Comme la veille, il s'assied à la longue table de la salle du conseil. Le souvenir d'Ushijima, qui l'a abordé à cet endroit, le rend incertain un instant, mais il se ressaisit. Tendou a promis de le soutenir –ce sera la première affirmation de sa loyauté, et Oikawa y fonde beaucoup d'espoirs.

Shiratorizawa arrive, s'installe ; les conseillers, autour d'Oikawa, n'ont pas vraiment l'air nerveux. La veille, à la réunion, il les a laissé discuter entre eux sans intervenir, sans avouer le mariage secret. Aussi sait-il que la sensation sera tout aussi vive du côté d'Aoba que de celui de Shiratorizawa. Comme prévu, le représentant de Shiratorizawa parle en premier, pour récapituler les propositions déjà faites, et laisse enfin la parole à Oikawa.

Le roi se lève pour parler. Il sent les regards de Tendou et Ushijima rivés sur lui, et garde la tête bien haute en répondant :

-Messires, je suis désolé de vous apprendre cela aussi brutalement, et alors que vous avez fait un si long chemin pour venir ici. Le mariage ne peut pas avoir lieu.

Il laisse s'écouler une brève seconde, durant laquelle il perçoit l'atmosphère autour de lui se figer, se glacer. Plus personne ne parle ni ne bouge, tous tendus vers lui dans l'attente de la suite. Il voit un sourire recourber les lèvres de Tendou.

-Je ne peux pas épouser le prince de Shiratorizawa, déclare-t-il. J'ai déjà prononcé les vœux du mariage.

-C'est insensé, votre Majesté ! réagit un de ses ministres. Vous, marié ? Déjà ?

-Avec qui donc ? Cessez cette ruse vouée à l'échec !

Oikawa ne leur accorde aucune importance : il garde les yeux fixés sur Ushijima, dont l'expression se referme. D'une voix autoritaire, il refuse :

-Non. Le mariage aura lieu. Arrêtez vos excuses, Oikawa.

-Ce ne sont pas des excuses, réplique le roi d'un ton sans appel. C'est la vérité pure et simple.

-Je n'en ai que faire, dit Ushijima, et il se lève également.

-Doucement, mon roi, s'élève alors la voix mielleuse du sorcier.

Il est toujours assis à côté de son monarque, l'air parfaitement réjoui de la situation. Ses yeux rougeoyants pétillent, et il n'arrive pas à dissimuler un sourire narquois alors qu'Ushijima, sourcils froncés, se tourne vers lui. De toute évidence, le prince de Shiratorizawa ne s'attendait pas à cela ; les coins de ses lèvres sont tournés vers le bas, sa mâchoire durcie. Mais en se tournant vers son sorcier, il semble s'efforcer de maîtriser sa colère.

-Qu'as-tu à dire, Tendou ? Que vois-tu ? Tu m'avais dit que tu avais vu le mariage !

-Les choses ont changé, mon roi, et dans un laps de temps si court que mes visions n'ont pas pu le prédire. Mais une chose est certaine : le roi est marié. Je sens son lien avec le sacré, un lien puissant et indéniable.

Les yeux d'Ushijima semblent brûler de rage alors qu'il les reporte sur Oikawa.

-Qui ? demande-t-il simplement, et tous ont la même question sur les lèvres.

-Je préfère conserver son identité secrète, répond Oikawa. Un prêtre, ainsi qu'Iwaizumi, et Tendou, peuvent témoigner de la véracité de mes paroles. Vous n'avez pas besoin de plus.

Memento AmariOù les histoires vivent. Découvrez maintenant