La première chose que fait le roi en se levant est de se précipiter sur un miroir et inspecter ses yeux. Penché sur la glace, il observe la moindre nuance de ses iris, comme s'il pouvait toujours éviter la fatalité qui s'abat sur lui ; mais leur couleur change, inéluctablement, et penche toujours plus vers le rouge. Pour l'instant, c'est encore infime, mais ceux qui ont souvent regardé le roi dans les yeux peuvent s'en apercevoir.
C'est pour cela, et aussi pour les cornes, qui semblent chaque jour plus imposantes, quoique toujours dissimulées par ses cheveux, que le roi se fait porter malade. Il demeure à longueur de journée cloîtré dans sa chambre, loin du regard des autres, à l'exception d'Iwaizumi qui lui rend des visites régulières.
Le chevalier a pris sa place autour de la table du conseil, investi par Oikawa lui-même pour le remplacer durant son absence. Il reçoit les directives du roi, et les transmet aux conseillers –et par ailleurs, même s'il s'avère que le chef des gardes fasse part de son avis personnel, le roi le connaît assez pour savoir qu'il est plein de bon sens et lui faire entièrement confiance.
Il a par ailleurs chargé Iwaizumi d'informer Tobio de sa maladie, sans lui en révéler la vraie nature –simplement pour l'éloigner un peu le temps de trouver comment lui annoncer. Il craint plusieurs choses en lui avouant toute la vérité : d'une part, que Kageyama se détourne de lui, tout simplement, devant le monstre qu'il devient ; d'autre part, que la clef de la malédiction le convainque de s'y résoudre, et qu'il ne commette un acte malheureux.
Le roi est donc presque seul depuis les derniers jours, à contempler sa métamorphose s'opérer. Lorsque les serviteurs viennent lui déposer un plateau aux heures de repas, il affecte le sommeil, ou leur tourne le dos pour qu'ils ne remarquent rien.
Il a lu l'intégralité du livre sur la magie, presque désespérément, en quête d'une ultime possibilité, d'un dernier recours qui pourrait lui épargner la transformation en démon. Rien n'y fait, il n'y a aucune solution –mis à part la clef, inenvisageable. S'il doit se résigner à devenir une bête, alors le roi fait tout pour pouvoir garder un contrôle maxima sur lui-même ; et cela passe par la maîtrise de ses pouvoirs.
Oikawa a rapidement compris que ses gestes n'avaient pas de conséquence s'il n'y avait pas d'intention derrière. Il peut bouger les bras en tous sens, s'il ne souhaite rien, alors il n'a aucun effet sur son environnement ; si le livre est tombé, c'est qu'il était en train de demander à Iwaizumi de le prendre, désireux de le relire.
Il s'est donc exercé, assis sur son lit, essayant d'attirer à lui les ouvrages de sa bibliothèque ou les bibelots qui ornent sa chambre. D'abord, il voyait les objets trembler, puis tomber au sol ; ensuite, deux jours plus tard, les objets parvenaient jusqu'à lui. Ses mains le brûlaient au début, mais plus il s'exerce, plus les douleurs se font minimes. C'est d'abord une joie étrange qui s'est emparée de lui, lorsque le premier livre lui est arrivé pile dans les mains, un sentiment de puissance jusqu'alors inconnu, de loin supérieur à tout ce qu'il pouvait connaître en tant que mortel.
Mais bien vite, il se rend compte que les choses ne seraient pas si faciles. Ses pouvoirs ne cessent de croître, et il n'arrive plus à les gérer comme il le faisait quelques jours plus tôt à peine. En tendant la main, les objets vont trop loin, comme tirés par une force qui dépasse de loin la sienne, s'écrasent contre le mur d'en face. La peur et l'excitation se partagent son cœur en se voyant devenir de plus en plus fort.
Il ne s'entraîne pas seulement à attirer les objets à lui, ses pouvoirs recouvrent une multiplicité d'actions. Selon son envie, il peut faire croître ou éteindre la flamme d'une chandelle, pousser ou tirer des meubles à distance. De même, il y eut une période de juste mesure, où les choses concordaient exactement avec ses désirs ; à présent, depuis les derniers jours, tout se fait à nouveau dans l'extrême.
VOUS LISEZ
Memento Amari
FanfictionOikawa est le roi du puissant royaume d'Aoba Johsai. Cependant, peu après son accession au pouvoir, il s'éprend d'un simple archer. Cet amour lui est défendu: son devoir l'appelle à épouser non pas un simple soldat, mais un bien un prince étranger.